
Hamza "Au-delà d'être artiste, je suis un business man"

Cet article a initialement été publié sur notre site le 20 mars 2019.
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Audemars Shit. Deux mots qui claquent, un gimmick fort, et zéro besoin d'en comprendre le sens pour se prendre au jeu de la répétition. Ce titre, qui fait référence à une marque de montres de luxe, est l'un des dix-sept morceaux qui composent « Paradise », le premier album officiel de Hamza. Comme souvent, tout est dans la dénomination, parce qu'il s'agit ici du cinquième long format de l'artiste bruxellois, après « H-24 » et « 1994 ». « C'est plus un titre qu'autre chose. Quand je bosse sur un projet, je travaille toujours de la même manière, j'avais juste envie de faire varier la formule. »
Se jouer des codes, c'est sa marque de fabrique. Le rappeur de 24 ans aime surprendre, que ce soit en alternant cynisme et authenticité, auto-tune et subtilité, en invitant Christine and the Queens à reprendre les Korgis sur Minuit 13. « Je regardais un film l'an dernier et ce titre est passé dedans, j'ai tout de suite eu envie de le rééxploiter. Je l'ai réécouté plein de fois et pour moi c'était clair qu'il fallait que j'appelle Chris pour ce titre. Ça s'est fait hyper naturellement, elle a tout de suite adhéré à l'idée. Comme c'est l'outro, je voyais bien un narrateur à la fin de ce titre et pour moi c'était évident d'inviter Oxmo Puccino parce qu'il a une écriture incroyable. » Plus dernièrement, il a joué l'invité surprise au concert ultra soldout de Drake à Paris pour y livrer une prestation de feu devant 20.000 personnes.
Grand amateur de la scène hip-hop d'Atlanta et de Toronto, avec des références comme Young Thug, Future ou Ramriddlz, Hamza en tire un sens de la mélodie et des gimmicks très poussés. Enchaîne les phases imagées, parle d'amour, puis de Hennessy. Nous l'avons rencontré à Bruxelles, dans le studio du photographe Guillaume Kayacan, pour parler de cette carrière qui explose en France comme en Belgique depuis la sortie du morceau La Sauce, devenu emblématique.

Hamza - Moustique ©Guillaume Kayacan
« Paradise » possède un univers plus travaillé que les autres projets que tu as sortis. C'était une volonté, d'avoir une trame narrative plus construite ?
Hamza – Oui, complètement. Je n'ai pas forcément travaillé différemment sur cet album, mais ça m'a pris du temps de savoir où je voulais aller. J'ai bossé presque un an dessus. J'ai fait une petite partie à Bruxelles et je l'ai terminé en décembre à Los Angeles. J'ai perdu mon père l'an dernier et j'étais vraiment très mal, je n'arrivais plus à me focaliser sur ma musique. Mon équipe m'a proposé d'aller aux États-Unis pour me changer les idées et finalement ça m'a fait du bien de me sortir de mon quotidien. J'ai quasiment créé tout le squelette de l'album là-bas. On est venu y coller quelques morceaux que j'avais faits à Bruxelles et voilà, c'est comme ça que s'est fait « Paradise ».
Qu'est-ce que la vibe américaine t'a apporté ? En quoi une ville comme L.A. t'a influencé dans le processus créatif ?
Hamza – Los Angeles, c'est une ville très spéciale. Tu as ces bâtiments qui sont tous extrêmement bas, tu as les palmiers et le soleil, j'ai vraiment eu l'impression de respirer en arrivant là-bas. Ça m'a apporté une énergie particulière, inconsciemment j'étais super bien là-bas.
Ton père a joué un rôle important dans ta carrière, c'est notamment lui qui t'a donné le goût de la musique, quels sont les titres qu'il écoutait qui t'ont marqué en grandissant ?
Hamza – Il écoutait beaucoup de R&B, tout le temps, donc c'était du Montell Jordan, du Jodeci,... Il y en avait plein, ça allait dans tous les sens.
Quel a été le déclencheur pour que tu te lances dans la musique, qu'est-ce qui t'a donné l'envie de choisir ça comme carrière ?
Hamza – C'était au moment où j'ai sorti H-24. J'ai commencé à faire mes premiers morceaux quand j'avais 14-15 ans. A l'origine, j'étais dans un groupe et j'ai terminé tout seul. A ce moment-là, j'ai sorti ma première mixtape qui s'appelle « Recto Verso » et juste après j'ai balance « H-24 ». Quand t'es artiste, tu te cherches au début, tu ne sais pas trop ce que tu veux faire, ni qui tu es vraiment. En 2015, j'ai commencé à me sentir vraiment à l'aise avec ce que je faisais, c'est aussi le moment où j'ai eu de plus en plus de retours, certains artistes ont partagé ma musique, les médias se sont intéressés à moi et je me suis dit que ma chance était là et qu'il fallait que je la saisisse donc j'ai tout donné.

Hamza - Moustique ©Guillaume Kayacan
Tu gardes le même entourage depuis tes débuts ou presque, je pense notamment à Nico Bellagio. A quel point est-ce important pour toi d'avoir des personnes de confiance qui t'entourent ?
Hamza – C'est primordial parce que c'est ce qui te permet d'avancer. Il faut que ton entourage soit composé de personnes qui savent qui tu es et d'où tu viens. Ils doivent pouvoir me dire quand je fais de la merde ou non, ils m'aident à prendre certaines décisions, ils ne sont pas là pour m'utiliser comme un produit. Après je sais que je suis un produit, d'une manière ou d'une autre, mais c'est moi qui le décide et on ne m'utilise pas comme tel. On est tous des amis. Nico par exemple, il a commencé en étant mon DJ à l'époque de « H-24 », c'est comme ça que je l'ai rencontré. Il a été photographe avant ça, on a beaucoup de références en commun et du coup il a commencé à prendre les rênes de ma direction artistique. Il fait des beats aussi,... C'est devenu mon associé, on a créé notre label Just Woke Up ensemble.
Qu'est-ce qui t'a poussé à créer ton label ?
Hamza – C'était pas un truc auquel je pensais vraiment. Mais j'étais à un tournant, j'étais approché par beaucoup de maisons de disque et j'allais signer. Oz de Street Fabulous nous a donné l'idée de créer notre propre label et c'est ce qu'on a fait. C'était une épreuve, franchement c'est hyper compliqué, mais ça nous a permis de devenir des businessmen, au-delà d'être des artistes. On a vraiment les cartes en main.
La pochette de « Paradise » est assez particulière, à la fois positive et négative, quelle était l'idée que tu avais envie de faire passer avec cette image où on te voit flotter dans une piscine ?
Hamza – On a shooté la pochette au Maroc, pendant qu'on clippait Paradise. C'était une idée de Nico. Le message que l'on voulait véhiculer avec cette pochette n'est ni positif, ni négatif. C'est un moment de flottement où l'on me voit entre la vie et la mort, au milieu de nulle part, pour représenter la phase très particulière que je vivais. Je demande de l'aide sans savoir vraiment comment faire...
Est-ce que tu ressens encore ce sentiment de flottement aujourd'hui ?
Hamza – Pas forcément, mais j'étais dans ce mood pendant la création de l'album, c'est ce qui a donné la direction artistique du projet. Aujourd'hui, je me sens mieux.
Tu as invité Aya Nakamura sur deux titres qui se suivent dans « Paradise ». Comment s'est passée la collaboration ?
Hamza – Je bossais avec Ponko en studio et j'enregistrais le morceau Dale et j'entendais clairement une voix féminine. J'ai automatiquement pensé à Aya, parce que je trouve que ça collait bien avec ce qu'elle fait. Comme elle est dans le même label que moi, j'ai contacté William qui est le boss de Rec 118 et il m'a filé son numéro. Elle a tout de suite accepté, elle a commencé par poser à distance, puis on a organisé une session studio. En fait j'avais aussi ce deuxième morceau qui correspondait bien et elle a aussi posé dessus et au final, on trouvait que les deux titres collaient bien ensemble, du coup on les as gardés. Comme un diptyque d'une relation. Ça change.

Hamza - Moustique ©Guillaume Kayacan
Sur cet album, on retrouve aussi SCH. Tu es arrivé en guest surprise à son concert à l'Ancienne Belgique et je crois qu'on peut dire que c'est un de tes potes. Ce n'est pas la première fois que vous bossez ensemble, qu'est-ce qui te plaît dans son univers ?
Hamza – Je l'ai rencontré il y a un peu plus de deux ans. On a fait une session studio en France ensemble qui n'a rien donné mais par contre on a bien aimé travailler à deux. Je l'ai invité à mon tour pour « Paradise » et on a travaillé sur plein de titres pour finalement garder HS. On se voit à chaque fois que je vais à Marseille ou quand lui vient en Belgique. Il y a une vraie relation, c'est un mec que j'estime beaucoup. On est vraiment devenus des amis.
Tu as une grosse communauté de fans qui te soutient depuis tes débuts, qu'est-ce que cette ferveur t'apporte ?
Hamza – Je reçois beaucoup d'amour de mes fans et j'essaie d'en donner un maximum en retour. Tu as tout gagné quand tu as une aussi grande communauté qui te suit tous les jours, qui est là à chaque projet. J'avais vu le discours de Drake pour le Grammy, qui disait justement à quel point le soutien de ces gens qui bossent tous les jours, qui achètent des tickets pour venir te voir en concert, est plus important qu'un trophée. En vrai tu as tout gagné.
Tu as passé un palier avec la sortie de « 1994 » qui t'a vraiment projeté, quelle est la prochaine case que tu veux cocher avec la sortie de « Paradise » ? Est-ce que tu te mets des objectifs ?
Hamza – Pour 1994, à ma grande surprise, j'ai fait un disque d'or. Pour « Paradise », j'aimerais bien réitérer le disque d'or et pourquoi pas faire un platine. Après, même si je ne fais rien du tout, je serais content. Le plus important, c'est d'avoir pu sortir un album abouti, qui me ressemble et qui plaît aux fans. J'étais hyper excité la veille de la sortie de l'album, je n'avais qu'une hâte, c'est qu'il sorte, parce que j'avais un peu peur des leaks, mais finalement tout s'est bien passé. Les résultats de la première semaine de vente sont prometteurs. Le milieu du rap est de plus en plus accepté. Avant, c'était violent, mais on sent clairement un rapprochement. Il y a énormément de collaborations entre les artistes, peu importe ce qu'ils font. Un artiste hip-hop, il fait de la pop, du rock. Je ne me considère pas forcément comme un rappeur, je fais juste de la musique.
Paradise - Hamza
Hamza, Palais 12 - 22 novembre 2019