

Rock Werchter 2019, ce sont des chiffres impressionnants. Quatre jours de festival, quatre scènes, 97 groupes à l’affiche, les plus grosses exclus internationales de l’été (Muse, The Cure, Pink, Rosalia, Robyn, Janelle Monae, Kylie Minogue, The Blaze et on en passe) et 88.000 spectateurs par jour. Record absolu. On n’a pas compté les chenilles (gros buzz dans les médias pour seulement un camion de pompiers et quelques des tables de pic-nic arrosées à la grande pompe), mais ça fait beaucoup de monde. Et pourtant, grâce à une organisation minutieuse et des bénévoles armés uniquement d’un big smile, on ne fait la file nulle part à Werchter. Les concerts débutent et se terminent pile à l’heure. L’eau potable est disponible gratuitement un peu partout et on peut rentrer sur le site avec une gourde. Des sponsors rafraîchissent la foule et distribuent des crèmes solaires. Et, du moins ce jeudi, on n’a pas vu le moindre embouteillage, pas plus devant les quatre scènes que sur les routes pavées du Brabant flamand y menant. Quand on pense qu’à la cafétaria du Botanique, c’est panique à bord dès que trois clients se présentent en même temps au bar, on se dit que Rock Werchter pourrait être une belle source d’inspiration.
La chanteuse et comédienne Charlotte Gainsbourg a beau tourner depuis plus d’un an et demi avec son album "Rest", elle reste parfaitement concentrée sur son sujet. Ce jeudi, au Klub C, la configuration scénique et le décor new-wave (néons, structures métalliques, jeux d’ombres et de lumières) sont identiques à sa prestation des Nuits en 2018. Veste en jeans, t-shirt blanc fatigué, mèches rebelles, cette femme impose son attitude cool et le fait en douceur. Elle se sert de son piano électrique et de son charisme de comédienne pour lutter avec élégance contre "cette torture d’affronter le public", comme elle le décrivait à ses débuts de chanteuse. La voix est sensuelle et invite à l’introspection. Les sourires sont nombreux mais la musicalité est, hélas, plombée par des infrabasses inutiles et de l’électro servie à la grosse louche. Le meilleur de "Rest" y passe (Lying With You, Ring-Ring o’Roses, le très Giorgio Moroder Deadly Valentine). Charlotte reprend aussi l’excellent Heaven Can Wait tout comme le Lemon Incest que lui avait écrit papa Serge sur son premier album. Charlotte était parfaite ce jeudi. Son ingénieur du son, quant à lui, devait avoir des chenilles dans les oreilles.
Enormément populaire chez nos amis flamands et beaucoup moins en Wallonie il faut bien l’avouer. Pink était la tête d’affiche de cette première journée. Gros son, gros show, changements de tenue, chorégraphies et, pour le peu qu’on en a vu, une mission (emmener la foule au bout de la nuit et de la folie) parfaitement réussie.
Essentiellement instrumentale, la musique post-rock des Ecossais de Mogwai passe avec une grande classe le cap du live. Littéralement habités par leurs mélodies électriques à tiroir, les musiciens de Mogwai ne bradent jamais leurs concerts. Ils donnent tout sans se précipiter. Friend Of Night, Mogwai For Satan, I’m Jim Morrison, I’m dead étalent ainsi toutes les richesses sur le premier quart d’heure de concert. Voilà des pros pour qui la routine n’existe pas. Voilà des musiciens exigeants qui savent captiver un public qui l’est tout autant. Et, malgré un genre musical pas très fashion et heure matinale pour eux (15h00), le chapiteau The Barn était plein à craquer pour les accueillir. Chouette.
Inviter Olafur Arnalds à Rock Werchter était la fausse bonne idée de cette première journée. Le producteur et multi-instrumentiste islandais est sans aucun doute le meilleur représentant avec le Berlinois Nils Frahm de cette vague néo-classique qui fait tant de bien aux oreilles. Ecouter ses albums sur une vraie chaîne hi-fi ou dans sa voiture est une expérience dont on ressort heureux et requinqué. Mais dans une festival, sous la canicule, avec un brouhaha permanent et en début d’après-midi, ses explorations où se mêlent piano, violons et nappes feutrées ne passent pas. On avait mal pour lui…
Photos: Mathieu Golinvaux