Grand Corps Malade: "C’est la force des êtres humains qui m’intéresse"

Après Patients, le slameur Fabien Marsaud signe La vie scolaire, réjouissante comédie qui s’inscrit parfaitement dans l’actualité de la rentrée. Un film qui nous touche au cœur.

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La voix grave et profonde, la tête encore en vacances, il vous répond avec gentillesse et humilité. Deux ans après le succès populaire de Patients (1,3 million d’entrées) et déjà six albums au compteur, Fabien Marsaud récidive au cinéma avec La vie scolaire, comédie ultra- généreuse coréalisée avec Mehdi Idir dont le parcours a inspiré l’un des jeunes héros du film dont le père est en prison. On y suit une classe pour élèves en difficulté dans un collège de banlieue parisienne où une jeune conseillère pédagogique vient faire ses griffes (très juste Zita Hanrot, révélée dans Fatima, dans le rôle de Samia), s’attachant aux élèves, se frottant aux profs en déprime, aux éducateurs pas toujours adéquats, à un système qui craque. Les dialogues fusent avec un humour bienveillant, guidés par une fluidité de jeu remarquable pour mettre en lumière ce qu’est l’éducation, la vraie - du moins celle que nous voudrions pour nos enfants.

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Fils d’une bibliothécaire et d’un fonctionnaire communiste, aujourd’hui père de deux enfants, toujours profondément enraciné en Seine-Saint-Denis, l’artiste de 42 ans devenu tétraplégique incomplet à 20 ans après un accident dans une piscine reste connecté au flux du monde: “Je fais de la poésie de proximité. Je ne suis pas un artiste dans ma bulle, je vis ce qu’il se passe en tant qu’être humain, en tant que citoyen. Je suis curieux, je ne rate pas une élection, mais mon premier métier c’est d’écrire des textes”, prévient-il pour décrire son regard sur le monde, où l’école reste le meilleur des prismes.

De Entre les murs, palme d’or à Cannes en 2008, à Esprits rebelles avec Michelle Pfeiffer en 1995, aviez-vous des films références sur l’école?

Fabien Marsaud - J’avais vu Entre les murs à la télé, Mehdi aussi, mais on n’en avait pas de souvenir précis. La musique à la fin de notre film n’est pas Gangsta’s Paradise de Coolio qui était la chanson d’Esprits rebelles, mais l’original de Stevie Wonder. Avec Mehdi on ne cherchait pas de références, on voulait faire passer notre vision du collège avec nos souvenirs et ce qu’on en connaît. C’était déjà le cas pour Patients. On n’avait pas de référence de genre sur les films d’hôpitaux, on voulait partir vierges.

Au milieu de tous les élèves, Zita Hanrot qui joue la jeune conseillère d’orientation est le fil rouge du film. Pourquoi teniez-vous à ce que le regard principal soit féminin?

La vie scolaire est clairement un film de garçons. Au collège, c’est pas très mixte, quand tu es gamin tu es avec ta bande de potes, et le personnage de Samia permettait de faire un équilibre. Au départ Zita Hanrot nous paraissait presque trop connue depuis son césar. Et puis, au casting elle nous a complètement touchés. Elle a une autorité naturelle, et un ton pédagogique qu’on trouve chez les gens qui exercent ce métier de la manière qu’on voulait montrer.

Vous étiez élève en Seine-Saint-Denis dans les années 1990, en 2008 déjà dénonciez “l’école à deux vitesses” dans le texte Éducation nationale. Vous pensez quoi de l’école aujourd’hui?

Ça a beaucoup changé, sinon on n’aurait pas fait ce film, mais il y a des constantes. L’école n’est toujours pas égalitaire. J’avais écrit ce texte pour dire que, dès que tu entres à l’école, tu entres dans un monde inégalitaire. Selon que tu vis dans les beaux quartiers, à la campagne ou dans une cité, tes chances seront différentes. Le film montre ça aussi. Mais malgré le fait qu’il y ait plein d’adultes concernés, malgré le talent des élèves, le système peut être plus fort que toi.

“Le contexte est plus fort que nous”, c’est le constat de Messaoud, le prof de maths engagé. En quoi faire ce constat difficile est aussi pour vous une source d’inspiration?

Faire ce constat déjà c’est important, c’est ne pas se voiler la face. Mais une fois qu’on a admis qu’on était un collège de cailleras, après on fait quoi? Il y a beaucoup de talents dans ces quartiers-là. Le contexte peut être inspirant. C’est aussi pour ça qu’on a fait ce film.

Vous chantez l’humain comme une “espèce schizophrène”, capable de marcher sur la lune mais aussi d’enfanter des Donald Trump. En quoi êtes-vous un humaniste?

Merci, mais ça serait difficile de m’autoqualifier comme tel. Ce que je peux dire, c’est que l’être humain est au cœur de mon propos. C’est la force des êtres humains qui m’intéresse, celle qui permettra de créer les collectifs qui nous sauveront. Je préfère qu’on s’accroche aux êtres humains plutôt qu’aux systèmes.

Vous avez aussi connu la résilience, après votre accident. La transmission de ces valeurs à la jeunesse, ça vous plaît?

Avant l’accident, je voulais être prof de sport. J’ai toujours eu envie d’être dans la transmission. C’est la même chose quand tu te retrouves à diriger de jeunes acteurs. On continue à voir les jeunes du film, je les emmène en tournée, on essaie de les accompagner. Il y en a deux ou trois qui ont vraiment du talent pour faire ce métier. Finalement la transmission c’est la plus belle reconnaissance, c’est le plus enrichissant.

Un petit mot d’encouragement pour aborder la rentrée scolaire?

Impossible! C’est le rapport humain qui compte, et les choses peuvent être tellement différentes selon que tu habites en banlieue ou ailleurs. Il n’y a pas de recette.

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