Les Misérables, 1917 et Marriage Story : les films nommés aux Oscars à voir absolument

Les nominations à la 92ème cérémonie des Oscars viennent de tomber. Voici les films qui nous ont particulièrement marqués.

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Les Misérables de Ladj Ly

La misère n’a pas déménagé, elle habite toujours Montfermeil. Dans ses Misérables (1862), Victor Hugo y situait la maison des Thénardier et la rencontre entre Cosette et Jean Valjean. Un siècle et demi plus tard, le cinéaste Ladj Ly, issu du collectif Kourtrajmé (“court métrage” en verlan), y dresse le portrait d’une cité de banlieue. Sa banlieue. Sa cité.

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Les misérables version 2019, c’est l’histoire de Stéphane (excellent Damien Bonnard), flic novice qui débarque de Cherbourg pour intégrer la BAC, Brigade anti-criminalité dont les patrouilles sillonnent la cité de Montfermeil, commune de la Seine-Saint-Denis. C’est l’été, la France est championne du monde de foot, les gamins traînent dans les rues, les esprits s’échauffent et le vol d’un lionceau appartenant à un cirque de passage va mettre le feu aux poudres. L’action se déroule en une journée, la première de Stéphane sur ce terrain qu’il ne connaît pas. C’est à travers ses yeux que le spectateur va découvrir les clans, les petits trafics, des flics qui jouent au cow-boy et d’autres qui tentent le dialogue. “Personne n’attendait de moi que je raconte mon histoire de ce point de vue, explique Ladj Ly. On m’attendait plutôt dans l’autre camp. Mais les “misérables”, c’est tout le monde. Je me mets à la place des habitants mais aussi à la place de ces policiers qui travaillent dans des conditions difficiles et retournent eux aussi dans des cités HLM quand ils ont fini leur service.”

Prix du jury au dernier festival de Cannes, le premier long métrage de Ladj Ly décrit une société en colère, minée par la pauvreté et le communautarisme. Avec au centre, les enfants, omniprésents. “Comment être un enfant et évoluer dans un tel univers?, s’interroge le réalisateur. C’est plutôt mal barré. Les écoles publiques en banlieue, c’est clairement une catastrophe. Ce sont les profs qui nous le disent! La culture est devenue presque inexistante, tous les budgets ont été quasiment supprimés. Donc à un moment donné, il ne faut pas s’étonner qu’on trouve les gamins livrés à eux-mêmes. Ce film, c’est surtout un cri d’alerte adressé aux politiques parce que j’estime qu’ils sont les premiers responsables de cette situation qu’ils ont laissée pourrir depuis 30 ou 40 ans.” Les questions que pose Ladj Ly nous concernent tous. Tout comme nous interpelle la citation de Victor Hugo, encore lui, qui conclut le film: “Il n’y a ni mauvaise herbe, ni mauvais homme, il n’y a que de mauvais cultivateurs”.

1917 de Sam Mendes

Ça commence un jour du printemps 1917. Un jeune homme dort dans l’herbe au ras des fleurs. On dirait le dormeur du val de Rimbaud, bientôt réveillé par un soldat en route pour acheminer le courrier. Mais la mission s’avère plus périlleuse que jamais lorsqu’un général (Colin Firth) informé des positions allemandes charge le duo d’arrêter une offensive imminente en traversant la ligne de front pour remettre l’ordre écrit au colonel MacKenzie. L’histoire de ce duo, Sam Mendes l’entend depuis l’enfance, son grand-père Alfred Mendes fut aussi messager dans un bataillon d’artillerie et lui a inspiré le récit de Schofield And Blake (George MacKay et Dean-Charles Chapman). L’idée folle de Mendes, réalisateur aguerri (on lui doit deux James Bond - Skyfall et Spectre -, Jarhead et Les noces rebelles) est de tourner en plan-séquence (sans coupe apparente) la trajectoire de ces deux soldats traversant le no man’s land pour sauver la vie de 1.600 hommes dont celle du frère de Blake.

La mission impossible commence dans le dédale des tranchées, croisant des paysages défigurés. Au programme: trous d’obus grands comme des piscines, chefs d’escouade à demi fous, rats sortant des cadavres, corps-à-corps avec des soldats morts, démembrés, écrabouillés ou noyés, rencontre fortuite avec une civile sous les décombres, Allemands embusqués dans un village fantôme où flottent des cerisiers en fleurs.

Plus que la complexité morale ou psychologique des deux héros (qui subissent plus qu’ils n’agissent), la grande force de Mendes est de montrer l’atroce beauté de la guerre, filmée comme un théâtre d’ombres. Le film dénonce au passage l’ultra-militarisme de certains (mais sans aborder les mutineries) et prend le risque de flirter avec le jeu vidéo ou l’art contemporain - traçant une longue ligne droite vers l’enfer.

Marriage Story de Noah Baumbach

Peut-on rester une famille tout en se séparant? Chroniqueur de la vie new-yorkaise et bohème, le cinéaste indépendant Noah Baumbach (Frances Ha, The Meyerowitz stories) raconte ici la séparation douloureuse et définitive de Nicole et Charlie. Elle, actrice californienne (Scarlett Johansson) qui a mis sa carrière entre parenthèses pour élever leur fils, et lui metteur en scène d’avant-garde (Adam Driver) narcissique et talentueux né à Brooklyn qui se radicalise lorsque Nicole souhaite revenir vivre à Los Angeles, ville des avocats acérés, interprétés par les excellents Laura Dern et Ray Liotta.

Sous la férocité des situations quotidiennes (échec de la thérapie de couple, longues et superbes scènes de ménage bergmaniennes, retrouvailles impossibles), Noah Baumbach traque ce qui subsiste du couple et capte l’affleurement indicible d’un attachement viscéral lorsqu’on est parents, même séparés. Sortis des blockbusters, Johansson et Driver apparaissent désarmés dans une mise à nu qui nous chavire complètement. À voir sur Netflix.

Voici la liste des principales nominations aux Oscars

Meilleur film 2020

Le Mans 66

The Irishman

Jojo Rabbit

Joker

Les Filles du Docteur March

Marriage Story

1917

Once Upon A Time... in Hollywood

Parasite

Meilleur Scénario original

A couteaux tirés de Rian Johnson

Marriage Story, Noah Baumbach

1917, Sam Mendes et Krysty Wilson-Cairns

Once Upon a Time in Hollywood, Quentin Tarantino

Parasite, Bong Joon-ho, Jin Won Han

Meilleure actrice

Scarlett Johansson (Marriage Story)

Saoirse Ronan (Les Filles du Docteur March)

Charlize Theron (Scandale)

Renée Zellweger (Judy)

Cynthia Erivo (Harriet)

Meilleur acteur

Antonio Banderas (Douleur et Gloire)

Leonardo DiCaprio (Once Upon A Time in Hollywood)

Adam Driver (Marriage Story)

Joaquin Phoenix (Joker)

Jonathan Pryce (Les Deux Papes)

Meilleur film en langue étrangère

Corpus Christi (Pologne)

Honeyland (Macédoine du Nord)

Les Misérables (France)

Douleur et Gloire (Espagne)

Parasite (Corée du Sud)

Meilleure actrice dans un second rôle

Kathy Bates (Richard Jewel)

Laura Dern (Marriage Story)

Scarlett Johansson (Jojo Rabbit)

Florence Pugh (Little Women)

Margot Robbie (Bombshell)

Meilleur acteur dans un second rôle

Tom Hanks (Un ami extraordinaire)

Anthony Hopkins (Les deux papes)

Al Pacino (The Irishman)

Joe Pesci (The Irishman)

Brad Pitt (Once Upon a Time... in Hollywood)

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