
Toujours plus de nouvelles séries: ne serait-on pas en pleine overdose?

L’an dernier, près de 600 séries ont été diffusées rien qu’aux États-Unis. C’est trois fois plus qu’il y a dix ans. Le nombre de scénarios originaux déposés sur les bureaux des diffuseurs américains augmente d’année en année. 495 en 2018, 530 en 2019… Combien dans le monde ? À ce rythme, on pourrait passer chaque journée à ne faire plus que cela, regarder des séries, sans qu’on arrive au bout ! Comment expliquer un tel phénomène ? Un mot ou trois lettres : streaming, VOD.
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Au début des années 2000, la série télé est devenu un art majeur qui n’a plus rien à envier au cinéma. Ce qu’on appelle aujourd’hui l’Age d’or des séries, celui des Sopranos, de Lost et The Wire est pourtant déjà loin. À l’époque, les chaînes linéaires suivaient l’exemple de la chaîne à péage HBO, quasiment à elle seule responsable de cette époque dorée. De programme de consommation de masse, la chaîne a fait des séries un format pour les auteurs, presqu’élitiste. Aujourd’hui, l’arrivée des plateformes de streaming a changé la donne. Et face au succès, la quantité semble avoir repris le dessus sur l’aspect qualitatif.
Plateformes gloutonnes
« Ce sont des plateformes gloutonnes. Elles ont toujours faim, il faut sans cesse les alimenter et en prime, qu’un public hyper vaste et divers y trouve son bonheur », expliquait Benjamin Campion, spécialiste séries à Libération, lors du festival Séries Mania en 2019. « Le renouvellement des contenus, c’est la force et la faiblesse de Netflix. Une force parce que c’est attrayant, il y a des nouveautés chaque semaine, mais d’un point de vue critique, on voit que plus on produit, plus la qualité se dilue. Le modèle de Netflix, c’est de se passer de la critique, d’aller directement au client. Quelque part, la qualité est dictée par l’audience d’un programme ». Comme le dit la chanson : « Il faut produire, et reproduire encore ! »
C’était aussi les mots de Ted Sarandos, directeurs des contenus de Netflix, en 2017, lorsque la plateforme se lançait à la conquête du monde : « Notre priorité est d’investir le marché international en produisant de plus en plus de contenus. C’est la meilleure façon d’éviter la piraterie et les fenêtres de diffusion comme elles existent en France et en Belgique ». C’est aussi la meilleure façon de palier à la perte de nombre de programmes au profit de la concurrence (Apple et Disney se sont rajoutés à Amazon et Hulu dans la course au marché de la VOD, en attendant HBO Max cette année… Et chacun récupère ses programmes). Une stratégie à long terme qui doit aujourd’hui porter ses fruits.
Depuis son arrivée sur la marché de la vidéo en ligne en 2013, Netflix a injecté des milliards de dollars dans la production de contenus (dont les séries représentent une bonne partie). Alors que la croissance de la firme ralentit sensiblement et que la concurrence est à ses portes, Netflix a encore augmenté ses investissements pour 2020 jusqu’à… 17 milliards de dollars. C’est deux milliards de plus qu’il y a un an… Et 16 milliards de plus que Disney. Ce qui signifie que l’entreprise est endettée de près 14 milliards de dollars… Mais peut se targuer d’offrir une ou plusieurs nouvelles créations par semaine. C’est que, contrairement à ses concurrents, les contenus pour attirer de nouveaux abonnés sont le core business (business principal) de Netflix. Or, la guerre du streaming est lancée, et Netflix risque de perdre une partie de ses 160 millions d’abonnés. De leur côté, Amazon, Apple TV +, Disney + et HBO Max doivent attirer le client. Et pour ce faire, il faut une offre alléchante… Et conséquente.