
"J'accuse" de Roman Polanski nommé douze fois aux César: la polémique reprend de plus belle

La sortie en salles de « J'accuse » en novembre dernier aura fait beaucoup de bruit. Peut-être même plus plus que si la promo du long-métrage s'était déroulée sans controverses. Une avant-première annulée en dernière minute, suite à un rassemblement devant les portes d'un cinéma parisien, un hashtag #BoycottPolanski lancé sur les réseaux sociaux, une interview de Jean Dujardin au JT de 20h déprogrammée, mais aussi celles de Louis Garrel dans plusieurs émissions, des séances perturbées par des manifestants à Paris comme à Bruxelless, le film a bénéficié d'une très forte visibilité. Une campagne de mauvaise pub, mais une campagne de pub quand même. Résultat, « J'accuse » a fait une excellente entrée au box-office avec plus de 500.000 spectateurs pour sa première semaine en salles en France.
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Et pourtant, les accusations qui visent Roman Polanski sont loin d'être anodines. Comme en témoignait, pour la toute première fois, la photographe Valentine Monnier qui a révélé au journal Le Parisien quelques jours avant la sortie de « J'accuse » que le réalisateur de 86 ans avait tenté de la droguer, l’avait « rouée de coups » et violée alors qu’elle n'avait que 18 ans, en 1975. Une histoire qui en rappelle d'autres, dont celle de l'américaine Samantha Geimer, qui avait été abusée par Roman Polanski alors qu'elle n'était âgé que de 13 ans. Roman Polanski avait d'ailleurs plaidé coupable de détournement de mineure en 1977, puis fui les États-Unis. Dans une tentative de justification, le cinéaste avait été jusqu'à se comparer à Dreyfus dans une interview accordée à son ami, Pascal Bruckner. Comme le souligne Mediapart « L’analogie à visée promotionnelle entre Dreyfus injustement persécuté par une France antisémite et Polanski pourchassé aux époques ignobles de l’Histoire européenne, puis aux heures infâmantes de son histoire personnelle.» n'a aucun sens. Et surtout est décrédibilisante.
#Polanski étant également nommé 12 fois pour agressions sexuelles on comprend le lapsus de Florence Foresti lors de l'annonce des nominations aux #Cesars2020 #Jaccuse #JeSuisAccusé pic.twitter.com/HwYEIboGSR
— Claire Underwood (@ParisPasRose) January 29, 2020
La polémique est repartie de plus belle ce 29 janvier, avec les nominations aux César. En dévoilant les noms, Florence Foresti a d'ailleurs lâché un petit lapsus, annonçant « Je suis accu... » enfin non, « J'accuse » de Roman Polanski comme grand favori de la cérémonie avec douze nominations. Le président de l'Académie des César, Alain Terzian, a tenté ensuite de se justifier suite à ce choix en expliquant que les César ne sont « pas une instance qui doit avoir des positions morales ».
« Le nombre de témoignages à l'encontre de Roman Polanski tout comme son déni ne donnent plus envie de s'intéresser à lui. » déclare Myriam Saduis, membre du collectif féministe F.(s), metteuse en scène - notamment de Final Cut - et comédienne. « Je n'irai plus voir ses films, je n'ai pas vu « J'accuse » d'ailleurs. Il est choquant que des institutions comme les César décident de tout de même nommer le film, mais qu'est-ce que cela représente, finalement ? Ce n'est pas si étonnant, le cinéma français est aux mains de nombreux hommes, c'est donc un retour de bâton aux féministes. C'est une homme vieillissant, il est sur la fin, alors que représente un honneur dans ce cas-ci? Ce qui compte finalement, c'est la conscience...» Elle ajoute: « Pour moi, un artiste qui ne travaille pas à partir de sa subjectivité n'est pas un artiste. La façon dont il nie son histoire personnelle prouve qu'il en est complètement coupé. »