Coronavirus: trois livres à lire pour s'occuper

Pour contrer l'épidémie de coronavirus, les cours seront suspendus et les bars et restaurants seront fermés lors des prochaines semaines. Voici trois lectures à (re)découvrir.

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Toute la violence des hommes

À Bruxelles, depuis quelques mois, les murs sont pris d’assaut par un artiste de l’ombre. Opérant la nuit, dans des conditions de travail insensées, celui qu’on appelle le Funambule laisse derrière lui des fresques monumentales dont les motifs – pornographiques ou violents – font la une des médias. Un pénis géant, une scène de pénétration, une autre mettant en scène un égorgement, le portrait d’un homme pendu par les pieds – voilà les tableaux que les passants, bouche bée, amusés ou horrifiés, peuvent découvrir au petit jour…

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Arrêté, Niko Stankovic alias le Funambule est accusé du meurtre d’une jeune femme, serveuse dans un restaurant, prostituée à ses heures, criblée de coups de couteau. Confié à un Etablissement de défense sociale, Stankovic reste muet devant le psychiatre obtus qui a la charge de l’interroger, muet ou presque, répétant inlassablement les mêmes mots – «C’est pas moi.» Ecarté du dossier, le psychiatre laisse le terrain libre à la directrice de l’institution, la très ferme Pauline Derval, et à l’avocat du détenu, Philippe Larivière. Ensemble, ils vont remonter le temps et entrer dans les couloirs intérieurs des blessures de Stankovic – blessures de guerre, Niko étant un enfant rescapé du siège de Vukovar, ville martyre de la guerre en ex-Yougoslavie…

Parfaitement maîtrisé, très bien écrit, dépassant le territoire du polar, Toute la violence des hommes fait monter d’un cran l’estime qu’on avait déjà pour le travail de Paul Colize. Le personnage de Stankovic est directement inspiré du graffeur anonyme qui a réellement «décoré» Bruxelles de scènes inattendues dans le paysage urbain et que Colize a eu l’occasion de rencontrer (le résultat de cette rencontre se trouve à la fin du livre sous forme d’interview.) Construit aussi sur les souvenirs de l’enfer qui brûlent à petit feu dans le corps et l’esprit de son héros, le roman montre comment la mémoire est un jeu de pointillés que l’on n’arrive pas toujours à relier et prouve la force de l’art lorsqu’il s’agit de mettre à nu des blessures dont on ne soupçonne pas la profondeur.

Hervé Chopin Editions, 319 p.

Ville Nouvelle

Au début des années 90, Chrystelle et Luc, couple tout frais et très jeune (il a 25 ans, elle en a 19 – ils viennent de se rencontrer), s’installe en banlieue parisienne. Leur appartement, légué par le père de Chrystelle qui vient de mourir, perche au quinzième étage d’une tour, chef-d’œuvre de nouveauté imaginé par les architectes-urbanistes des années 70, certains de travailler au bien-être de la collectivité. Luc est ingénieur, au service du développement urbain de la mairie, Chrystelle tente lamentablement de reprendre des études, mais finit par baisser les bras.

Elle préfère aider les membres de la section locale du Parti communiste à tracter dans la cité, décidée à alerter ses concitoyens des agissements impérialistes et des ambitions belligérantes des Etats-Unis, prêts à déloger les troupes de Saddam Hussein du Koweit. Ces activités éloignent la jeune femme de son compagnon qui, lui, occupe ses soirées à garder les enfants de la voisine d’en face…

Dans un texte d’une belle facture sociologique, Agnès Riva (auteure à suivre qui livre ici son deuxième roman) explore la question des topographies, plans et tracés qui influencent la manière de vivre de ceux qui s’y retrouvent coincés. Le livre est aussi une radioscopie du couple lorsqu’il succombe aux tiraillements du doute, en même temps qu’une esquisse politique d’une France qui, entre engagement citoyen et individualisme galopant, commence à ne plus se comprendre. On y croise des personnages en colère dans lesquels on croit reconnaître les ancêtres des Gilets jaunes…

Agnès Riva, Gallimard L’Arbalète, 243 p.

Tintin c’est l’aventure

La quatrième livraison de ce beau mook continue d’interroger l’univers de Tintin sur les lignes d’horizons qui ont inspiré Hergé. Il y est évidemment beaucoup question de voyages, de paysages, d’explorations et d’histoire. Au sommaire de ce numéro: le regard d’Hergé sur les Etats-Unis, la vraie histoire de Rackham le Rouge, une rencontre avec l’aventurier Nicolas Vanier, une BD inédite de Catel et Bocquet, une réflexion sur le tourisme et l’archéologie… Le tout animé par des dessins – extraits d’albums ou esquisses rares – signés par le maître de la ligne claire.

N°4, février-mars-avril 2020, 158 p.

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