
Guy Bedos est mort

Quand Guy Bedos vous accueille (c’est difficile d’écrire au passé, il y a quand même des nécros qui vous font mal au c…)… Quand Guy Bedos vous accueille en interview, d’abord, il vous prend de haut et vous regarde avec cet air qui semble dire "C’est qui encore cet enquiquineur?" Et puis, au fil de la conversation, il vous met la main au genou, le serre doucement et vous dit "Mon chéri, qu’est-ce que tu veux encore savoir?" Guy Bedos a longtemps entretenu une image de dur à cuire, mais le temps a eu la bonté de nous dévoiler son plus gros mensonge: il n’était pas dur à cuire, il était hyper sentimental. Si vous lui parliez de ses enfants, son regard s’illuminait, et si vous insistiez, il s’embrumait: "Arrête, tu vas me faire chialer. Le con…"
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Homme de scène et conscience politique, Guy Bedos a inventé une langue. Avec sa scansion, ses particularismes, son rythme, sa tonalité et - plus que tout - son sens. Un style qui n’exigeait rien d’autre qu’un costume, une cravate, un projecteur et une voix. Rien d’autre. La grande classe de ce fils d’Alger (où il est né en 1934) a été de tout faire avec presque rien, dirigeant l’attention du public sur des textes d’une finesse exquise et, moment très attendu de ses spectacles, sur sa fameuse revue de presse où il canardait sans pitié la classe politique – à commencer par ses représentants de droite qui en ont pris plein la gueule pour le plus grand plaisir du public.
Celui qui démarre en 1965 passe à la télé où, malgré la surveillance de l’Elysée dont fait l’objet l’ORTF, il finit par devenir une sorte de fétiche. Par superstition, Michel Drucker l’invite à chaque première de chaque nouvelle émission… On le voit, dans son petit costume étriqué, jouer "Bonne fête, Paulette", un des premiers sketchs signés pour lui par Jean-Loup Dabadie qui l’a précédé de quatre jours au paradis. On le voit – et c’est captivant de justesse – avec sa comparse Sophie Daumier danser un slow – "La drague", tube de 1973 – durant lequel il se tortille en macho des discothèques ("Vas-y Jeannot, emmène-la au ciel"). On le voit au cinéma où il compose Simon Messina - son plus beau personnage - un médecin dont la vie est asphyxiée par une mère juive. Magnifique Simon Messina vu deux fois – dans "Un éléphant ça trompe énormément" et "Nous irons tous au paradis", tous les deux réalisés par Yves Robert, tous deux écrits par son ami Dabadie. On le voit au théâtre où il peut aussi bien redéfinir la formule du couple comique avec Muriel Robin que jouer Bertolt Brecht…
Aujourd’hui, son fils Nicolas, qu’il adorait, a annoncé sur Instagram et Twitter qu’il était mort. Il a écrit "Il était beau, il était drôle, il était libre et courageux. Comme je suis fier de t’avoir eu pour père. Embrasse Desproges et Dabadie, vu que vous êtes tous au paradis." Rien à ajouter. Ah, oui, quand même… Guy Bedos n’avait que 85 ans.