
De Gaulle au cinéma : portrait intime du général en Juin 1940

Gabriel Le Bomin connaît bien l’histoire militaire de la France. Passé par le Service cinématographique des armées, auteur de documentaires politiques et de films historiques sensibles axés sur les traumas des hommes et non sur la gloriole (notamment Les Fragments d’Antonin sur les fractures de la Grande guerre), il a aussi pu développer un certain regard sur l’histoire de France, à l‘inverse d’une héroïsation ou d’un roman national.
La lecture de votre article continue ci-dessous
À cet égard, son De Gaulle, qui prend le général par sa face nord, sa part cachée, son revers intime, n’est pas si surprenant. On a déjà pu gloser sur la scène d’ouverture du film – qui n’est en réalité pas une « scène de cul » mais une scène d’amour comme on n’en fait plus – quasi chevaleresque entre Charles (Lambert Wilson) et sa femme Yvonne (très juste Isabelle Carré) en avril 1940 à la Boisserie, dans leur maison de Colombey-les-Deux-Eglises alors que la France s’enfonce dans la défaite.
Se refusant aux effets cinématographiques attendus pour un film de discours (utilisés notamment pour Le Discours d’un roi, 4 Oscars sur le discours du roi Georges VI dans les années Trente), le film se concentre sous forme de coupe historique rigoureuse, autour des quelques semaines où le général se révèle politiquement jusqu’au fameux discours radio de l’Appel du 18 juin sur les ondes de la BBC. Face au manque de courage politique du gouvernement français, face à l’armistice voulu par Pétain et même face à Churchill qui voit dans ce général que beaucoup trouvent « arrogant » un opportuniste, De Gaulle s’impose pourtant à Londres comme « le seul » capable d’incarner la Résistance au Nazisme et de défendre « la France libre », gouvernement en exil créé en juin 1940 en plein exode, alors que sa femme et leurs trois enfants sont lancés sur les routes.
Mais au-delà des figures politiques évoquées avec justesse (notamment Georges Mandel qui poussa de Gaulle vers la Résistance), le film tient pourtant son principal fil rouge dans son portrait inédit du clan De Gaulle et de ces grandes familles françaises disparues, de ces générations d’hommes et de femmes pour qui la tendresse n’était pas une évidence, et qui, lorsqu’elle surgit, n’en est que plus bouleversante.
Evoqué sous forme de flash-backs, l’amour profond qui unissait le couple De Gaulle à sa dernière fille Anna, atteinte de trisomie (avec images du Général faisant sauter « son petit » sur les genoux) est sans doute la plus belle audace mémorielle du film, posant presque sur un même plan l’œuvre politique du général en juin 40 et la création par Yvonne De Gaulle de l’Institut pour jeunes filles handicapées mentales à la mort d’Anne à l’âge de 20 ans.
Reste l’incarnation du symbole De Gaulle. On saluera le jeu presque effacé de Lambert Wilson qui mise sur l’allure plus que sur la caricature (aisée) du général, mais au risque de perdre un peu de sa sève. Se refusant à la grandiloquence (la scène du discours du 18 juin manque de passion) le film manque sans doute aussi par là son ampleur et presque, son universalité.
Drame historique
De Gaulle
Réalisé par Gabriel Le Bomin, avec Lambert Wilson, Isabelle Carré.
Dans les salles le 1er juillet.