AC/DC “Ce monde confiné manquait de rock”

Les vétérans australiens pansent leurs plaies et reviennent pied au plancher avec “Power Up”. En exclusivité pour Moustique, l’écolier en chef Angus Young dévoile les secrets de leur infaillible recette.

AC/DC

On vous résume vite fait. Un premier chanteur, Bon Scott, mort étouffé dans son vomi après une nuit londonienne trop alcoolisée en 1980. Son remplaçant, Brian Johnson, obligé d’interrompre la dernière tournée mondiale en 2016 pour cause de perte auditive. Un batteur, Phil Rudd, viré suite à ses démêlés avec la justice pour faits de drogue et menace de mort. Un bassiste, Cliff Williams, s’estimant désormais trop vieux (il a 70 ans) pour continuer. Un guitariste, Malcolm Young, mort de démence en 2017. Et, au milieu de tout ça, surveillant la baraque, le regard lubrique sous sa casquette d’éternel écolier, le vaillant Angus Young, 65 ans, qui n’a jamais fumé une clope, sniffé une ligne de coke ou bu une goutte d’alcool de sa vie, trop occupé qu’il était à secouer sa guitare Gibson…

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C’est peu d’écrire que la carrière d’AC/DC (200 millions d’albums vendus depuis sa création en 1973) n’a jamais été un long fleuve tranquille. Mais comme celle des inusables Kiss, cette saga ne connaîtra sans doute jamais le mot fin. Ce vendredi 13 (ce n’est pas un hasard), le groupe australien revient avec “Power Up”, son dix-septième album. Écrites par Malcolm Young avant son décès, les douze chansons parlent d’alcool (Shot In The Dark), de diable (Demon Fire), de rock attitude (Wild Reputation) et d’une sorcière jetant un sort maléfique aux sales garnements que nous sommes tous (Witch’s Spell). Les amplis sont dans le rouge, les riffs explosent de partout, la voix de Brian Johnson est au top et les refrains sont taillés pour les stades. Bref, du 100% AC/DC et ce qui est sans doute arrivé de mieux au rock and roll depuis longtemps. En exclusivité, Angus Young nous explique par Zoom, depuis Melbourne, la genèse de ce miracle.

Qui a sonné l’angélus pour réunir le groupe?

ANGUS YOUNG – Après le décès de mon frère Malcolm en 2017, j’ai écouté les dernières chansons qu’il avait écrites. Je les ai envoyées à notre producteur Brendan O’Brien (déjà aux manettes sur les deux derniers disques d’AC/DC, “Black Ice” (2008) et “Rock Or Burst” (2014) – NDLR). Il m’a confirmé ce que je pensais: il y avait la matière pour un nouvel album. Tout est allé très vite ensuite. Je pense que chacun avait de bonnes raisons de revenir en studio. Notre bassiste Cliff Williams l’a fait parce que c’était des chansons de Malcolm. Phil Rudd sortait de ses problèmes (Angus Young n’a pas voulu nous en dire davantage) et était prêt à reprendre le boulot. Brian avait trouvé une technologie de pointe pour préserver ses oreilles et mon neveu Steve était chaud boulette pour reprendre la place de son père comme il l’avait fait sur notre dernière tournée.

Quelle était l’ambiance lors de vos retrouvailles au studio Warehouse à Vancouver?

D’habitude, un premier jour de studio, ce n’est jamais passionnant. Les techniciens installent le matériel, placent les micros, nous demandent de jouer un vieux truc comme Highway To Hellpour tester le son. Là, Brendan est arrivé et a dit: O.K., on commence par quelle nouvelle chanson?” Nous avons branché les amplis et on a très vite trouvé nos repères.

“Power Up” est-il un hommage à votre frère Malcolm comme “Back In Black” le fut à Bon Scott en 1980?

Après la mort de notre premier chanteur Bon Scott, la première idée que nous avions eue pour notre album suivant était le titre “Back In Black” et la couleur noire de la pochette qui symbolisait notre deuil. Nous n’avions toutefois pas voulu utiliser sur “Back In Black” les textes qu’il avait écrits car nous pensions que c’était un sacrilège. Mais son esprit était bien représenté dans le disque. Le public l’a d’ailleurs bien compris (avec 50 millions d’exemplaires, “Back In Black” est le deuxième album le plus vendu de l’histoire). Malcolm méritait pareil hommage. “Power Up” lui est dédié. Ce sont ses chansons. En studio, quand on jouait, on pouvait sentir qu’il était parmi nous, comme s’il surveillait ce qu’on faisait. La pochette de “Power Up” avec des amplis, le logo AC/DC et cette lumière rouge symbolisent sa vision du groupe et la place qu’il occupait.

À sa sortie en octobre, tout le monde a dit que votre single Shot In The Dark sonnait comme un classique d’AC/DC. C’est quoi, un classique d’AC/DC selon vous?

Notre philosophie peut se résumer en une phrase: Keep it simple”. Chaque morceau doit avoir une colonne vertébrale solide: une grosse section rythmique basse/batterie, un riff de guitare et hop, c’est parti. Dès les premières notes, tu sais que c’est du AC/DC. Après, les portes sont ouvertes et on peut offrir des variantes, mais l’ossature est toujours la même. Il y a des fans qui ont adhéré à ce style dès “High Voltage” en 1976, d’autres qui l’ont découvert en 1980 avec “Back In Black” et une autre génération de filles et de garçons qui l’apprécient aujourd’hui. Une relation de confiance s’est instaurée avec notre public et on ne veut pas le décevoir. Notre formule est simple, mais efficace et surtout indestructible.

Chaque album d’AC/DC a été suivi d’une tournée. Ce sera le cas avec “Power Up”?

Le but était de partir rapidement en tournée, maintenant nous allons attendre que tout ça se calme. AC/DC en tournée, c’est une grosse production. On ne peut pas se dire tiens, la pandémie est freinée en Australie, on va y aller”. AC/DC joue dans le monde entier, dans des stades ou des “arenas”. Et puis, tu vois un concert d’AC/DC avec des gens assis? Personne ne reste assis à nos concerts. On attendra que les conditions sanitaires soient optimales. Il faut que les fans se sentent en sécurité et puissent venir sans peur à nos concerts.

Contrairement à tous les autres groupes, AC/DC n’a jamais publié de “best of”, enregistré une ballade ou des disques solo. Vous êtes uniques?

Je ne vais pas dire qu’on est uniques. Je crois que chaque groupe est différent à sa manière et suit son propre chemin. Nous, notre route est tracée depuis le départ. AC/DC fait du rock and roll, enregistre un album, part en tournée, se repose ensuite, enregistre un nouveau disque et démarre une autre tournée. Nous avons toujours fonctionné comme ça. On ne sort pas n’importe quoi n’importe quand. Je n’ai jamais ressenti le besoin d’aller faire de la musique en solo ou avec d’autres musiciens, car mon groupe m’apporte tout ce que je désire. Un “best of”? Pour quoi faire? On a sorti plein d’albums, les fans peuvent se faire leur propre “best of” et d’ailleurs je pense qu’ils ont tous leur propre sélection. Moi-même, j’aurais du mal à choisir mes douze chansons préférées d’AC/DC. Et puis, il y a aussi les morceaux que nous devons jouer sur scène, ceux que tout le monde attend. Ce sont nos signatures.

Avez-vous enregistré “Power Up” pour les mêmes raisons qui vous ont poussés à publier le premier album d’AC/DC en 1976?

“Back In Black” et “Power Up” sont liés aux disparitions respectives de Bon Scott et de Malcolm. Mais pour le reste, mes attentes et mes motivations sont les mêmes pour chaque disque. Quand nous avons fondé AC/DC, nous voulions tout donner à ce groupe, au rock. C’est toujours pareil, même si j’ai une vie à côté. Mais dès que nous sommes en studio ou en tournée, on ne pense qu’à ça. Le style de musique qu’on joue ne permet aucune tricherie. Tout est dans l’énergie et cette énergie est permanente. Tu ne peux pas te reposer entre deux morceaux d’AC/DC. Soit tu t’en sens capable et tu fonces, soit tu restes à la maison. Mais la musique est aussi notre adrénaline. Tu sens des courbatures le matin, tu branches ta guitare et tu revis.

Vous pratiquez tous les jours?

J’ai toujours une guitare à portée de main. Elle est là quand l’envie me vient. Quand je ne travaille pas sur un nouvel album, je joue pour le plaisir. Ce n’est pas de l’apprentissage ou une répétition, c’est du fun.

Quand vous n’êtes pas en tournée, vous faites quoi de votre tenue d’écolier?

Mon uniforme est lavé, repassé et attend bien au chaud dans un entrepôt, ici à Melbourne, à côté de la cloche de Hells Bells et les canons qu’on utilise en tournée sur For Those About To Rock We Salute You. Tout est prêt.

Vous pensez que la planète confinée a plus que jamais besoin de rock and roll?

Oui, ça manquait de rock, c’est sûr. Mais là, avec “Power Up”, les gens sont servis. On leur a versé un grand shot de rock. D’ailleurs, les réactions suscitées à la sortie de Shot In The Dark en octobre montrent que les gens en avaient besoin.

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