
Hervé Le Tellier remporte le prix Goncourt

Il y a un mois, il nous disait : “Franchement, avoir un prix, je serais content, ce serait de la coquetterie de dire le contraire.” C’est plié pour Hervé Le Tellier qui partait favori dans la course et qui, pour une fois (ce n’est pas toujours le cas dans le palmarès du Goncourt), n’a pas fait mentir les pronostics. Membre de l’OULIPO (Ouvroir de la littérature potentielle), 63 ans, auteur de 27 livres (parmi lesquels Je m’attache très facilement, Les contes liquides, Toutes les familles heureuses), Hervé Le Tellier fait l’unanimité avec L’anomalie.
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Dans un rituel complètement refiguré par la crise sanitaire, les jurés du Goncourt ont débattu à distance par visioconférence et ont penché vers le livre le plus “accessible”, L’anomalie se présentant comme un thriller littéraire mettant en scène les vies de plusieurs passagers du vol AF066 Paris-New York. Après avoir traversé une zone de méchantes turbulences (certains ont cru toucher du doigt la porte de l’enfer), ce vol Air France se pose comme prévu. Nous sommes en mars 2021. Pas du tout prévu dans l’espace aérien américain, le même vol avec les mêmes membres d’équipage et les mêmes passagers atterrit à l’aéroport JFK en juin 2021 – soit trois mois après sa première descente vers New York.
À partir de ce pitch qui pourrait sortir de l’imagination de Stephen King, Le Tellier échafaude un suspense existentiel qui déroule l’existence cachée de plusieurs personnages (un brave père de famille tueur à gages, un chanteur pop nigérian qui dissimule son homosexualité, un écrivain confidentiel qui cultive le secret…) et nous coince dans une hélice à récits qui se croisent et se décroisent. Comment les passagers du premier vont-ils réagir lorsqu’ils rencontreront leurs doubles du deuxième vol? Et d’ailleurs vont-ils se rencontrer, les gouvernements américains et français ayant tout fait pour étouffer l’affaire? Réponses dans L’anomalie qui procure gros plaisir de lecture et questionnements sur l’idée kafkaïenne de se savoir le même ailleurs.
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Consécration pour Marie-Hélène Lafon
Le jury Renaudot a élu un livre à la tonalité subtile, un roman plutôt classique dont le charme devrait attirer les lecteurs en librairies. Histoire du fils (tout est dans le titre) de Marie-Hélène Lafon est une peinture familiale s’étalant sur un siècle de vie française. Le fils du titre s’appelle André, élevé par sa tante et son oncle en province, loin d’une mère parisienne qui cultive le mystère. Par touches, la romancière compose avec pudeur et tact le tableau des douleurs et des joies de cette famille où il manque un père et où il y a un fils en trop. Professeur, Marie-Hélène Lafon (58 ans) s’est installé dans le paysage français il y a vingt ans, creusant son sillon à l’écart du vacarme médiatique. Elle a déjà décroché le Renaudot des lycéens en 2001 pour Le soir du chien et le Goncourt de la nouvelle en 2016 pour Histoires.