Pourquoi les rock stars revendent-elles leurs droits d'auteur ?

Bob Dylan, Neil Young, Blondie, Fleetwood Mac... De nombreux grands noms de l'âge d'or du rock vendent leurs droits sur leurs chansons à prix d'or. Pourquoi maintenant ? Explications.

Neil Young a vendu ses droits d'auteur sur la moitié de son catalogue - Belga

En décembre, Bob Dylan a fait les gros titres en vendant les droits sur ses chansons (plus de 600) pour un montant estimé à 300 millions de dollars. En ce début janvier, c'est Neil Young, pourtant réputé réfractaire à laisser quiconque s'approcher de ses bébés, qui a vendu la moitié de son catalogue pour la bagatelle de 150 millions de dollars. Il y a aussi Stevie Nicks et Lindsay Buckingham de Fleetwood Mac, le producteur Jimmy Iovine, Deborah Harry (Blondie)... D'autres devraient suivre rapidement.

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Il y a depuis peu une véritable ruée vers l'or que sont devenus les droits d'auteur. Pas n'importe lesquels, mais les auteurs-compositeurs iconiques, ceux qui ont écrit les chansons qui ont fait l'âge d'or du rock et de la pop. Comme un bon vin, les « classiques » prennent de la valeur avec l'âge. « Il n'y a jamais eu un meilleur moment, et il n'y aura peut-être pas de meilleur moment pour un artiste culte des années 70, 80 ou 90 de vendre ses droits d'auteur, explique Mark Mulligan, un analyste à MIDiA Research, au Guardian. Les deals qui sont passés aujourd'hui le sont à 17, 18, 19 ou 20 fois leur valeur ». Pour quelles raisons ?

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Pourquoi maintenant ?

Les droits musicaux sont divisés en deux sortes : les droits de l'auteur, liés à la composition (la partition) et les droits voisins du producteur liés à l'enregistrement (il existe aussi des droits voisins pour les interprètes). A chaque fois qu'une chanson est jouée, que ce soit en concert, dans un club, à la télévision, dans un film ou sur une plateforme streaming, elle génère des revenus pour ceux qui en détiennent les droits.

En général, les droits d'auteur sont gérés par des sociétés spécialisées dans l'édition de la musique (de type Sabam en Belgique). A charge pour elles de récolter l'argent et de faire en sorte que les chansons circulent ! Or, à l'âge du CD, la circulation du « back catalogue » (les vieux titres) était limitée. Comment exploiter un titre sorti il y a 25 ans ? A part sortir un best of qui reboosterait un peu les ventes et placer un titre dans un film en vue, le choix était limité. En 1995, si l'envie nous prenait d'écouter Like A Rolling Stone, on ressortait notre vieux disque acheté dix ans plus tôt ou, avec un peu de chance, on tombait dessus à la radio...

Mais tout cela a changé avec internet. Car si l'industrie musicale a conspué la dématérialisation de la musique, le mp3 a aussi (surtout) permis qu'elle circule plus facilement, plus loin et plus longtemps. Avec l'offre légale qu'est le streaming, la circulation de Like A Rolling Stone n'a jamais été aussi importante ! Si Spotify est une misère pour les « petits » artistes, les stars d'hier, elles, y trouvent plus que leur compte. Leur « back catalogue » est devenue une mine d'or qui génère des revenus chaque seconde.

Si on considère en prime que le live, qui était jusqu'en mars 2020 la principale source de revenus des artistes, est en mode pause pour une durée indéterminée à cause du Covid, on comprendra que c'est désormais dans les droits attachés à ces chansons intemporelles que se trouve aujourd'hui l'argent de la musique.

C'est pour cela que de véritables conglomérats spécialisés dans la récolte des droits d'auteur se sont mis en place et sont désormais les big players de l'industrie musicale. Citons Hipgnosis, fondé par Merck Mercuriadis (ancien manager d'Elton John, Beyoncé et Iron Maiden) et Nile Rodgers de Chic, qui vient d'aquérir le catalogue de Neil Young, Round Hill qui a acquis plusieurs titres des Beatles et d'Elvis Presley et Universal Music Publishing, filière de la major Universal qui n'entend pas rater le train de l'édition et a racheté le catalogue de Bob Dylan.

Quel avantage pour les artistes ?

Reste cette question. Quel avantage pour les artistes de vendre leur bien le plus précieux ? Pour la plupart qui approche tout doucement des 80 ans (Bob Dylan a 79 ans, Neil Young 75 ans), c'est une certitude d'avoir une retraite dorée (tout en continuant leur activité), un pactole cash et direct sur son compte en banque... Qui échappera à la réforme fiscale que Joe Biden a promis de faire passer ! Le nouveau président démocrate qui prendra ses fonctions le 20 janvier, a en effet promis de taxer plus fortement les hauts revenus de plus d'un million de dollars. Les hippies avaient beau chanter la révolution dans les années 60, quand il s'agit de fiscalité, ils gardent la main sur le portefeuille !

Mais pour finir sur une note un peu plus rock n' roll, c'est aussi la certitude que ces chansons ne s'endorment pas dans les tréfonds des plateformes de streaming et qu'elles continuent à être jouées et entendues, soit en bonne position dans des playlists Spotify, soit dans des séries télé ou ailleurs. Neil Young a toujours dit qu'il ne voulait pas que ses chansons terminent dans une pub. On imagine qu'il a bien fait comprendre aux nouveaux ayants-droits. Qui ont dû le rassurer que grâce à eux : « Hey Hey (My My), Rock n' Roll will never die ».

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