
The Cure : Tête-à-tête à trois

Illustré par Clarke, le livre Access All Areas de Rudy Léonet paraît en octobre. Pendant cinq semaines, nous en publions des extraits où - de Bowie à Daho, et de Gainsbourg à Cure - les belles rencontres se succèdent.
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J’ai beaucoup rencontré Robert Smith comme j’ai beaucoup rencontré Depeche Mode. Pour DM tout le monde y est passé, Martin, Dave, Fletch et même le tellement attachant Alan Wilder. Chez The Cure c’est plus carré. C’est toujours Robert. Mais pour casser la routine, je demande à Polydor si Simon Gallup est disponible parce que, pour une fois, j’échangerais bien un Robert contre un Simon. Il s’ensuit alors des échanges interminables avec les bureaux de Fiction Records à Londres. Pourquoi pas Robert? Pourquoi Simon? Pourquoi ceci? Pourquoi cela?
Et à chaque fax, une page de questions et de justifications. Simon Gallup est là depuis le début, il a un autre regard, il est légitime et beaucoup de fans aimeraient l’entendre sur différents sujets qui touchent au groupe. Il pourrait aussi parler de Robert avec un angle privilégié de complice et d’observateur. Bref: un autre point de vue. La décision finit par tomber: O.K. pour Simon mais… AVEC Robert. C’est écrit en gras. Soit. Drôle de compromis. Je me demande ce qu’ils ont à cacher et pourquoi Robert veut être là. Pour tout contrôler?
“Je capte alors immédiatement”
On a rendez-vous à Bath dans un vieux manoir de style géorgien perdu dans la campagne, qui aurait appartenu à Jane Austen, et qui aujourd’hui sert de lieu de tournage pour des drames historiques anglais. Un décor tellement parfait. C’est là que Cure a enregistré “Wild Mood Swings”. En témoignent tout leur matériel et leurs instruments qui sont déployés dans la grande pièce de séjour avec vue sur les jardins et sur les dizaines de bouteilles de vin vides qui ont dû accompagner les longues sessions. Arrivent alors Robert et Simon qui s’installent au milieu de ce beau désordre et l’entretien peut commencer…
Je capte alors immédiatement les réticences que Fiction et Robert avaient de me laisser seul avec Simon. Et en une fraction de seconde, je revois défiler tout le fil des discussions pour me décourager de rencontrer Simon sans jamais clairement me dire pourquoi. Non seulement il s’exprime avec un fort accent du Surrey difficile à saisir, mais surtout il est pris de bégaiements qui, cumulés, le rendent à peu près incompréhensible pour le non-anglophone que je suis. Je réalise alors toutes les stratégies qui avaient été mises en place pour me décourager de vouloir ce tête-à-tête sans vraiment m’en donner la raison. Avec beaucoup d’empathie, de prévenance et finalement pour le protéger.