
Pet Shop Boys : Tee-shirts, fêtes et Mylène Farmer

Les Pet Shop Boys en interview c’est un binome aléatoire. Un jour c’est Neil qui parle et Chris qui joue au Rubik’s Cube. Une autre fois c’est Neil qui est plongé dans un mutisme malaisant et Chris qui rebondit sur son siège pour répondre à absolument toutes les questions. Mais c’est un jeu et, dans tous les cas, ils sont vifs, brillants, cultivés et curieux. Drôles et imprévisibles mais aussi toujours inquiets de connaître l’image qu’ils renvoient de leur projet qu’ils veulent à la fois populaire et haut de gamme. Le genre de grand écart qui file la crampe. Je les ai vus en concert depuis leurs premiers pas sur scène en 1984. Chaque soirée était suivie d’une after-party no limit et so eighties…
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Je me souviens d’une fête foraine entièrement reconstituée dans des hangars sur les quais de la Tamise avec des baraques à frites, de la barbe-à-papa, des beignets, des pommes d’amour, des carrousels, des manèges et des stands de tir. Et de la musique partout. La liste des invités ressemblait à une couverture de Smash Hits: Boy George, Bananarama, Rupert Everett, Paul King, Yazz, Vince Clarke, Bernard Sumner, Holly Johnson de Frankie Goes To Hollywood, Johnny Marr, les jumeaux de Bros… Une partie de ce petit monde partageait le même manager, Tom Watkins, qui un temps s’occupait aussi de Wham! Alors j’avais cherché George Michael partout mais en vain. Cette époque avait le sens de la fête.
Février 1991, Neil Tennant et Chris Lowe sont attablés au bar du Sheraton à Bruxelles. On se salue aimablement. Je porte un tee-shirt Front 242 et d’entrée de jeu ils trouvent un angle pour casser les règles d’un entretien convenu: “Pourquoi tu portes ça?”, “Tu n’aimes pas sérieusement ce groupe, non mais vraiment?”, “Pourquoi tu ne portes pas un tee-shirt Pet Shop Boys?” Mes réponses fusent au même rythme: “Parce que je l’ai reçu gratuitement”, “Eh oui, j’aime bien”, “Les tee-shirts Pet Shop Boys sont trop chers et je suis un pauvre journaliste”, “Bon, on peut commencer?”.
Mais ils ne lâchent pas l’affaire. “Tu viens au concert ce soir?”, “Passe par le bureau du merchandising, il y aura un paquet pour toi”, “Tu fais quoi comme taille?”, “Du M?”. Je n’arrive pas à poser une seule question. Ils s’y mettent à deux et c’est la rafale: ”C’est qui que tu as interviewé en dernier avant nous?”, “Adamski”, “Il est bien son album?”, “Non”, “La vie est chère à Bruxelles?”, “Tu vis dans une maison ou un appartement?”, “Tu vis avec quelqu’un?”, “Tu as déjà vu les Pet Shop Boys sur scène?”, “Oui, plein de fois”, “Tu as déjà vu un show aussi grandiose avec autant de décors et de costumes?”, “Oui, et même bien mieux”… Silence. Enfin! Ils se regardent. Ils me regardent. Neil me demande: “Mais qui?” Je réponds: “Une chanteuse française que vous ne connaissez pas qui s’appelle Mylène Farmer”. De fait, de la France, ils connaissent Françoise Hardy et Sylvie Vartan mais ça s’arrête là. Chris veut savoir s’il existe une trace filmée de ce concert qui, selon mes affirmations, serait mieux scénographié que la tournée des PSB dont ils sont si fiers. Je crois me souvenir que sa première tournée de 89 est sortie en VHS et en LaserDisc.
Un an plus tard...
Neil prend le téléphone du bar de l’hôtel et appelle une chambre à l’étage. Et un collaborateur du groupe est devant moi avant qu’il ait eu le temps de raccrocher. “Tu veux bien lui expliquer où il y a un magasin de disques où on a une chance de trouver ça?” Et je l’envoie chez Caroline Music passage Saint-Honoré à quinze minutes à pied de la place Rogier. Un an plus tard, j’ouvre un New Musical Express avec en couverture Electronic, le supergroupe formé par Bernard Sumner, Johnny Marr et les PSB. Ils viennent de sortir leur quatrième single Disappointed. Neil y explique: “This track was strongly influenced by “Désenchantée”, a song by French artist Mylène Farmer. We were touring in Europe and kept hearing this record… it includes the line “disappointed once again, disenchanted, encore”. As a result, “Disappointed” is “My little tribute to Mylène Farmer””. Le soir de l’interview, je suis passé par le stand merchandising et un paquet m’y attendait avec trois tee-shirts Pet Shop Boys taille M et un mot: “The first impression is the strongest. Enjoy our show!”