Vincent Lacoste : "En jouant ce personnage, j’ai découvert qu'être enseignant, c’est un métier de solitude"

Dans Un métier sérieux, Thomas Lilti salue les professionnels de l’enseignement dont l’image est souvent dévalorisée. Il confie au wonderboy du cinéma français un rôle d’enseignant sous pression.

Vincent Lacoste - Un métier sérieux
Vincent Lacoste – Un métier sérieux

Médecin et cinéaste, déjà signataire de Médecin de campagne et Hippocrate, Thomas Lilti consacre son nouveau film aux profs. Ces profs qui ne sont pas rémunérés à la hauteur du rôle primordial qu’ils jouent dans la société.  Ces profs dont le prestige qui entourait leur fonction a disparu. “C’est un film que j’ai fait pour les profs qui m’ont marqué, déclare-t-il, pour ce métier qui est maltraité aujourd’hui et qui est au centre de nos vies. Je ne voulais pas faire un tract politique. On n’est pas dans le fait divers, ni dans Le cercle des poètes disparus. J’ai voulu montrer des gens ordinaires.

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Un métier sérieux raconte le quotidien d’une poignée de profs coincés entre les programmes, leur direction, les parents et l’institution qui leur met la pression. Manque d’autorité, formation insuffisante, dépressions, les personnages sont confrontés aux difficultés que rencontrent les enseignants aujourd’hui. Parmi les comédiens qui donnent vie à son propos, Thomas Lilti retrouve (après Hippocrate et Première année) Vincent Lacoste à qui il confie le rôle d’un prof de maths inexpérimenté qui va découvrir les pièges du métier.

Certains professeurs vous ont-ils marqué?
VINCENT LACOSTE - Oui, plusieurs. Dans le film, j’interprète un professeur de mathématiques. C’est une matière où je n’étais pas mauvais grâce à un prof que j’ai eu quelques années de suite et qui était excellent, très drôle, très ludique - en plus d’être clair et pédagogique. Il m’a permis, sans grandes difficultés car je n’ai jamais été un grand bosseur à l’école, d’acquérir les bases pour tout comprendre en maths. En jouant ce personnage, j’ai découvert que c’est un métier de solitude. Tout le monde attend des profs quelque chose et finalement ils se retrouvent seuls derrière leur bureau. Ce qui pourrait les sauver, en tout cas dans le film, c’est le collectif. Les profs sont formés sur base de leurs connaissances, mais pas sur la pédagogie. Ce film, c’est un peu comme une cartographie du métier d’enseignant avec toutes ses problématiques.

Peut-on apprendre à apprendre?
Non, malheureusement. Un prof ne devient prof qu’à partir du moment où il se retrouve devant une classe. Avant ça, il a beau avoir toutes les connaissances du monde, il ne connaît pas son métier. Il ne sait même pas s’il est un bon prof. La question au centre du film, c’est aussi de savoir ce qu’est un bon prof. Le film ne montre pas que des bons profs. Mais en revanche, il montre des gens qui veulent bien faire et aiment leur métier.

Existe-t-il des points communs entre le métier de prof et le vôtre?
Avec l’estrade, il y a un côté scénique… Il faut arriver à capter l’attention. La grande différence c’est qu’au théâtre, les gens paient leurs places. (Rires.) Alors que les profs se retrouvent devant des élèves qui n’ont pas forcément envie d’être là et quand il faut leur apprendre le théorème de Pythagore, ça demande un calme et une inventivité pour capter l’attention, qui est plus forte qu’au théâtre ou au cinéma.

Votre personnage est au centre d’une procédure d’exclusion d’un élève. Est-ce une solution acceptable?
Mon personnage se demande quelle est sa responsabilité dans cette histoire d’exclusion. Il débarque sans trop d’expérience et commet une maladresse. Et il se demande s’il aurait pu éviter cela. Ce sont des questions abordées dans le film qu’on ne pose pas souvent sur la place publique. Quand on n’est pas enseignant, il y a un tas de choses auxquelles on ne pense pas. Comment accompagner les élèves? Comment être juste tout simplement? Comment faire avec des élèves qui ont des niveaux très différents dans des classes très nombreuses où il y a des manques de moyens? C’est intéressant de voir ça avec le point de vue des profs.

C’est une sorte de fidélité qui vous lie à Thomas Lilti?
Thomas est quelqu’un que j’aime énormément. Pour moi ça fait sens d’avoir des collaborations comme celle-là. Depuis notre premier film, Hippocrate, il y a un petit côté alter ego entre nous que j’aime voir aussi en tant que spectateur.

Riad Sattouf, qui vous a révélé dans Les beaux gosses, a fait de vous un personnage de bande dessinée dans Le jeune acteur. Le deuxième tome est-il en route?
Oui, mais il faut qu’on s’y penche un peu plus. Il me pose des questions, sous forme d’interview très longue et très détaillée. Après, il scénarise et il dessine. On ne s’interdit rien, mais on ne raconte pas tout, il faut quand même que ça intéresse les gens. Riad, c’est comme quelqu’un de ma famille. Il a changé ma vie à tout jamais, c’est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi. Cette bande dessinée, c’est une manière de prolonger une collaboration artistique et d’écrire une histoire autre que notre histoire d’amitié. Ça ne peut pas me faire plus plaisir.

Comédien, c’est un métier sérieux?
On me pose souvent la question… Oui, je crois que c’est un métier sérieux, mais à côté du métier d’enseignant, un socle de notre société, je ne sais pas… Mais il n’y a aucun métier inutile. Faire rêver les gens, les divertir, les instruire parfois, c’est aussi fondamental. Alors oui, mon métier est sérieux. Et c’est un métier que j’essaie de faire avec sérieux.

Un métier sérieux ***
Réalisé par Thomas Lilti avec Vincent Lacoste, François Cluzet, Louise Bourgoin -101’.

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