
John Carpenter: Halloween, c'est lui!

Réalisateur du premier Halloween (1978) qui a révélé Jamie Lee Curtis, mais aussi d’Escape From New York (1981), de La chose (1982) ou du Prince des ténèbres (1987), John Carpenter est l’un des derniers rebelles de Hollywood. Âgé de septante-trois ans, il a rangé sa caméra mais poursuit sa carrière de compositeur, associé à son fils Cody Carpenter et à son neveu Daniel Davies (le fils de Dave Davies du groupe rock The Kinks). Après avoir signé la B.O. de la plupart de ses propres films, il a enregistré trois albums instrumentaux (“Lost Themes I”, “II” et “III”) et replonge dans la saga du psychopathe Michael Myers avec la B.O. de Halloween Kills. Angoissante et pesante comme l’atmosphère du film en salle actuellement, sa partition reprend le thème original créé en 1978, sans doute l’un des plus terrifiants au cinéma avec celui composé par Bernard Herrmann pour la fameuse scène de la douche de Psychose d’Alfred Hitchcock.
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Vous êtes à la fois compositeur et producteur exécutif de Halloween Kills, douzième épisode de la saga. Quel job fut le plus fun à accomplir?
JOHN CARPENTER - Le soundtrack, bien sûr. La réalisation pour moi, c’est fini. À mon âge, c’est un cadeau que de pouvoir encore composer de la musique. En tant que producteur exécutif, je donne des conseils. Qu’on m’écoute ou pas, je suis payé. Mais le soundtrack, c’est de la création. Avec mon fils Cody et mon neveu Daniel, nous sommes parfaitement complémentaires. J’ai l’expérience, Cody est capable de reproduire au piano n’importe quel son et Daniel maîtrise parfaitement la production. Quand on signe la B.O. d’un film qu’on ne dirige pas, tout paraît plus simple. David Gordon Green, réalisateur de Halloween Kills nous montrait les plans qu’il venait de filmer et nous demandait de les “habiller”. Nous sommes là pour servir les images.
Le thème de Halloween que vous avez créé en 1978 s’appuie seulement sur cinq notes de piano. Comment l’avez-vous trouvé?
Mon père était prof de musique. Il m’a appris à jouer une série très basique d’accords au banjo quand j’avais 14 ans. J’ai transposé cette suite de notes au piano, trafiqué le son avec un synthé et accéléré le tempo. Oui, c’est un peu mon Bond Theme à moi, il est repris dans tous les épisodes de la saga Halloween.
Quand vous avez réalisé vos premiers films dans les années septante, vous faisiez encore partie du groupe rock Coup De Villes. Quelle musique jouiez-vous alors?
J’étais leur guitariste, on reprenait les hits FM du moment et on s’éclatait. Notre spécialité, c’était les inaugurations de magasins ou de centres commerciaux. Plus on mettait de l’ambiance, plus les gens dépensaient de l’argent, mieux nous étions payés. C’était un job comme un autre, nous n’avions aucune ambition artistique.
Le thème de Halloween ou ceux de Mike Oldfield et Tangerine Dream que Friedkin a utilisés dans L’exorciste et The Sorcerer ont lancé la mode des synthés dans les B.O. de films fantastiques. Vous étiez des pionniers?
Non, le compositeur Bernard Herrmann introduisait déjà dans les B.O. des films de Hitchcock des sons qui ne venaient pas d’instruments traditionnels. Il y a aussi le groupe de rock progressif italien Goblin qui a composé des musiques de films fantastiques pour Dario Argento et George A. Romero. Jean-Michel Jarre et Giorgio Moroder ont aussi rendu les synthés populaires. Pour le cinéma fantastique, le synthé était parfait pour créer des ambiances pesantes et c’était un argument économique pour convaincre les producteurs, ça revenait moins cher qu’un orchestre avec des cordes.
La chose (The Thing) en 1982 est l’un de vos rares films dont vous n’ayez pas composé la B.O., confiée à Ennio Morricone. Votre choix?
Les producteurs de The Thing ne voulaient pas de moi comme compositeur. Je suis parti à Rome pour convaincre Ennio Morricone dont j’étais le plus grand fan. Il a composé une heure de musique sans avoir vu la moindre image de The Thing. J’ai rajouté des thèmes au synthé sans me créditer au générique.
Référence incontournable aujourd’hui, The Thing s’est fait massacrer dans la presse à sa sortie et a failli mettre un terme à votre carrière. Des regrets?
Non. The Thing a été haï par tout le monde. C’est comme ça. On jugeait le film trop sombre, trop nihiliste, avec une fin incompréhensible. C’était l’opposé du E.T. de Steven Spielberg qui est sorti au même moment. Et vous savez quel film le public est allé voir. Est-ce que The Thing aurait été un succès s’il n’y avait pas eu E.T.? Je n’en sais rien. The Thing n’a pas perdu d’argent mais n’en a pas rapporté non plus, ce qui est une faute grave à Hollywood. On m’a mis au purgatoire après ça.
https://www.youtube.com/watch?v=5ftmr17M-a4
Michael Myers, le tueur psychopathe de Halloween sévit depuis quarante-huit ans. Mourra-t-il un jour?
La décision ne m’appartient pas. Tant qu’il rapportera de l’argent à Hollywood, il ne va pas disparaître. Et comme ça marche plutôt bien, il reviendra encore.
HALLOWEEN KILLS, John Carpenter, Sacred Bones