
Accusations d’agressions sexuelles lors de l’avant-première de Rien à foutre à Bruxelles

Ce lundi, le cinéma Palace accueillait l’avant-première bruxelloise de Rien à foutre, premier long-métrage du duo Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, une coproduction franco-belge emmenée par Adèle Exarchopoulos, qui nous dévoile le quotidien d’une hôtesse de l’air dans une compagnie low cost.
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Une séance de questions-réponses était organisée après la projection mais elle ne s'est pas passée comme prévu. Plusieurs jeunes femmes ont accusé un des acteurs du film, présent dans la salle, d’agressions sexuelles, donnant à cette rencontre une toute autre tournure.
Témoignages difficiles
Après la projection, les deux réalisateurs sont montés sur scène, accompagnés du producteur/acteur Alexandre Perrier ainsi qu’Arthur Egloff, un des comédiens, acteur de théâtre bruxellois. Lors des échanges, la réalisatrice Julie Lecoustre explique que le scénario a servi de base mais n’a pas été suivi à la lettre, que les acteurs pouvaient improviser avec le décor. Lors d’une scène qui devait être alcoolisée, Arthur Egloff raconte notamment qu’il a bu quelques mignonettes d’alcool qui n’avaient pas été remplacées par de l’eau. Résultat: il n’était pas aussi frais à la troisième prise qu’à la première.

Adèle Exarchopoulos et Arthur Egloff. (@Cinéart)
Suite à ce récit, une main se lève dans l’assemblée. Une jeune femme parle alors de cette scène où le personnage joué par Egloff est en état d’ébriété et fort insistant avec Cassandre, interprétée par Exarchopoulos. Il met sa main sur elle et elle lui demande de la retirer. « Je voulais savoir à quel point cette scène était scénarisée ou improvisée puisqu’Arthur a agressé sexuellement plusieurs de mes amies », a-t-elle demandé.
Une accusation qui a jeté un froid dans la salle. Le principal concerné et la réalisatrice ont répondu à la première partie de la question, soulignant que le consentement était important pour eux, tout en prenant soin d'éviter le sujet de l'accusation. Alors que l’animateur de la rencontre essayait de recentrer la discussion autour du film, les intervenantes suivantes ont tout de même souhaité revenir sur cette question de consentement et sur l’accusation d’agression sexuelle. Particulièrement, la troisième qui a déclaré « être une victime d’Arthur Egloff » et expliqué « à quel point il était difficile d’assister à une telle scène dans le film ». L’équipe du film a d’ailleurs insisté pour qu’on la laisse s’exprimer. Un témoignage qui a été applaudi.
La réalisatrice et les producteurs ont répondu que sur le film, de nombreuses précautions ont été prises en ce qui concerne les scènes alcoolisées, les scènes de nudité ou de sexe, que personne n’a été forcé de rien, que ces thématiques tenaient très à cœur à l’équipe du film et qu’elles ont été abordées à plusieurs reprises. Les accusations n’ont, elles, pas été commentées, car « relevant de la sphère privée et pas du film ».
Une autre jeune femme a également demandé « que faire désormais pour ces jeunes filles victimes pour ne pas qu’elles doivent se retrouver confrontées à de telles scènes au cinéma ?» « Un problème qui dépasse le cadre du film et qui doit effectivement être abordé par nos sociétés », selon la cinéaste.
Enfin, le producteur Benoit Roland a tenu à rassurer les jeunes femmes ayant courageusement pris la parole en leur assurant qu’elles ont été entendues, que ce dont elles ont parlé sera discuté en interne et que l’équipe réfléchira à la meilleure façon de réagir. Après cette réponse, une quinzaine de femmes se sont levées de leurs sièges pour quitter la salle, laissant penser qu'il s'agissait d'un collectif. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à les contacter.
Un moment d'échange qui s'est avéré au final à double tranchant: positif pour ces jeunes femmes, qui ont eu l'occasion, et le courage, de parler en public devant la personne concernée, mais également triste pour l'équipe du film, en lui-même excellent, qui au final, n'a que très peu à voir avec ces accusations.
"Ces choses doivent être dites"
« Nous n’étions pas du tout au courant de ces accusations, nous avons été pris de court », réagit ce mardi le producteur Benoit Roland. « Les histoires mises en avant par ces femmes font partie de la sphère privée, elles n’ont pas de lien avec notre film », explique-t-il avec sa casquette de producteur. « Julie Lecoustre a pu clarifier que rien de tout ça ne s’était pas déroulé pendant le tournage, où toutes les précautions ont été prises et la notion de consentement a été respectée. »
« Plus personnellement, de nos jours, la parole s’est libérée et ces choses doivent être dites », ajoute-t-il. « Si ces jeunes femmes ont décidé que c’était le meilleur endroit et moment pour témoigner, ça ne fait pas nos affaires, ce n’était pas la soirée qu’on espérait mais c’est comme ça. Je pense que la chose à faire, et j’espère qu’on a pu le faire, c’est leur laisser la parole, la respecter et prendre acte ».
Ce mardi, moins de 24 heures après ces témoignages, aucune mesure n’a encore pu être prise. « Nous avons rapporté en interne ce qui s’est passé, afin de s’assurer que l’importance de ces prises de parole soit comprise. Offrir un cadre de travail sécurisé est d’une importance primordiale pour nous. Et je tiens à rappeler que tous ces témoignages n’ont rien à voir avec notre film, si ce n’est qu’elles concernent un acteur qui y joue un petit rôle ».
Si ces accusations s’avèrent fondées, ce dont elles ont l’air vu l’émotion de celles qui ont pris la parole, il semble difficile d’imaginer que l’équipe du film retravaillera avec Arthur Egloff. « Je n’ai pas encore eu l’occasion de lui parler. Mais de manière générale, des comportements problématiques avérés jouent effectivement sur le fait de décider de travailler avec quelqu’un ou pas. »
Il conclut: « Désormais, nous devons discuter de beaucoup de choses, comprendre avant de juger ou de prendre une décision. J’invite ces femmes à ne pas hésiter à prendre la parole et à porter plainte. »
« J’ai entendu et écouté les mots et les prises de parole exprimés à mon encontre ce lundi soir. Et je prends la pleine mesure de leur poids et de leur gravité », a répondu Arthur Egloff à BX1.