Animals: comment adapter un fait divers au cinéma

Le long-métrage de Nabil Ben Yadir sert d’accroche à un débat sur l’utilisation des faits divers au cinéma. Il aura lieu ce samedi au Palace de Bruxelles en présence de Luc Dardenne, coproducteur du film, et d’Hassan Jarfi, père d’Ihsane Jarfi dont la mort a inspiré le récit.

Animals
© Prod

Inspiré du meurtre homophobe d’Ihsane Jarfi, Animals – le film de Nabil Ben Yadir sorti le 9 mars - ne peut pas ne pas susciter de débat. C’est d’ailleurs l’une des volontés d’Hassan Jarfi, le père d’Ihsane, qui a autorisé les scénaristes (Nabil Ben Yadir et Antoine Cuypers) à s’emparer de l’histoire de son fils, à condition qu’ils n’éludent rien de la violence d’une nuit qui lui a coûté la vie. Dans notre interview parue à la veille de la sortie en salles, Hassan Jarfi – désormais engagé dans la lutte contre les discriminations, était très clair sur l’utilité de ce film qu’il voudrait être «un outil pédagogique dans la lutte contre l’homophobie» et «qu’il aide les éducateurs et les acteurs sociaux dans leur mission.»

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Nabil Ben Yadir connaît l’impact que peut avoir un film et sait très bien qu’Animals – dont la partie centrale décrit la mise à mort du jeune homme – allait provoquer une certaine gêne et qu’il faudrait l’expliquer pour légitimer son propos. «Si mon film n’est pas bien compris, c’est qu’on oublie qu’il relève d’abord du cinéma, et on l’oublie au profit du réalisme inspiré du fait divers, commente le réalisateur qui ne sera pas présent lors de la rencontre au Palace. Mais j’ai toujours accompagné tous mes films. Je ne dis pas que je fais des film importants, je fais des films qui traitent de sujets importants. Le cinéma, c’est mon arme. Le cinéma, c’est ce que je sais faire. Mais si l’histoire d’Ihsane Jarfi m’a touché c’est parce qu’il est mort à cause de ce qu’il était et, pour moi, le cinéma peut se mettre au service de cette injustice.»

«S’il m’avait dit non, je n’aurais pas fait le film »

Objet de débat, mais avant tout objet de cinéma, Animals donne son sens au travail d’un cinéaste qui, depuis son premier film (Les barons), questionne le miroitement des discriminations dans notre société (La marche, Angle mort). Comme dans le parcours de beaucoup d’autres cinéastes, la responsabilité de Nabil Ben Yadir est visible lorsqu’il mixe l’esthétique du cinéma à des questionnements sur la société. «Le sujet Ihsane est plus fort que tout, poursuit le réalisateur. Le sujet Ihsane est plus fort que moi et plus fort que le cinéma. Ce que j’essaie de faire c’est tenter de monter le niveau du cinéma à la hauteur de l’histoire d’Ihsane.»

Quant à la limite qu’il s’est imposé pour raconter le calvaire d’Ihsane Jarfi, elle se cogne à la notion du réel – «Il y a des choses que je ne savais pas filmer dans la mise en scène de la mort du personnage.» Sans compter que le film n’a été possible qu’avec le consentement du père d’Ihsane Jarfi. «C’est la première chose que j’ai envisagée… Le papa d’Ihsane a l’âge de mon père qui est mort, je le vois comme un oncle et je ne pouvais pas aller contre lui. S’il m’avait dit non, je n’aurais pas fait le film. Pour moi, c’était une question d’éducation.»

Rencontre. La responsabilité morale du créateur face à l’utilisation de faits divers. Samedi 19/3 à 15h30. Le Palace, boulevard Anspach 85, 1000 Bruxelles. Gratuit sur réservation au 02/503.57.96.

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