

Le verdict est tombé. Après sa gifle assénée à Chris Rock, l'Académie des Oscars a décidé d'interdire Will Smith de toute cérémonie ou événement qu’elle organisera pendant une durée de dix ans. «En personne ou virtuellement», qu’il s’agisse ou non des Oscars, a écrit dans un communiqué le conseil d’administration de l’Académie des arts et des sciences du cinéma, qui s’est réuni vendredi matin.
La semaine dernière, l'acteur américain sous le coup d’une procédure disciplinaire avait préféré prendre les devants en démissionnant de l’organisation qui décerne les prestigieux trophées. «Mes actions lors de la 94e cérémonie des Oscars ont été choquantes, douloureuses et inexcusables», avait-il déclaré, ajoutant qu'il se plierait à la décision de l'Académie.
C’est une - mauvaise - plaisanterie de Chris Rock sur la coupe de cheveux de Jada Pinkett Smith, épouse de Will Smith atteinte d’alopécie, qui avait déclenché ce coup de sang magistral: Will Smith montant sur scène pour gifler l'humoriste. Quelques minutes plus tard, le comédien était revenu sur la scène des Oscars pour recevoir le prix du meilleur acteur, pour son rôle dans La Méthode Williams.
L'Académie a accepté sa démission, mais ne lui a pas retiré sa statuette. L’organisation n’a pas mentionné une quelconque interdiction pour l’acteur de prétendre à de futures récompenses..
Mais cette sanction laisse un goût amer pour certains. En réagissant illico presto afin de punir Will Smith, l'Académie des Oscars a rappelé à quel point elle avait été lente - ou absente - pour condamner d'autres personnalités, accusées d'agressions sexuelles.
Sur Twitter, un nom en particulier a fait l'objet de cette comparaison: Roman Polanski. Le cinéaste est accusé par douze femmes, certaines mineures au moment des faits présumés, d'agressions sexuelles ou de viols. La première affaire, la plus célèbre, date de 1977. Samantha Geimer, 13 ans, raconte à la police que le réalisateur franco-polonais lui a proposé un sédatif avant de la violer. L'homme est arrêté et condamné à 90 jours de prison pour rapports sexuels illégaux avec une mineure. Il en fera seulement 42. Mais lorsque le juge souhaite le condamner à une nouvelle peine, Polanski fuit les Etats-Unis et n'y mettra plus jamais les pieds. Cela n'aura pas empêché le cinéaste, considéré depuis comme un fugitif aux yeux de la justice américaine, de recevoir l'Oscar du meilleur réalisateur pour Le Pianiste en 2003. Il faudra attendre quinze ans plus tard, en 2018, en plein mouvement #MeToo, pour qu'il soit exclu par l'Académie, en même temps que l'acteur Bill Cosby, condamné lui aussi pour agression sexuelle.
it's crazy how they're doing more to punish will smith than they did to any hollywood predator https://t.co/twms3JNxkT
— inabber 🦦 (@iNabber69) April 8, 2022
Will Smith banned from Oscars for 10 years after slapping Chris Rock. How many years did they wait until Polanski was shoved out again, remind me? https://t.co/6wDQ3w2wIK
— Michael Morgan (@mikewhoatv) April 8, 2022
En 86 ans, seulement 1,22% de noirs ont eu un Oscar. Pour une gifle, l’Oscar de Will Smith est en péril, entraînant sa démission. Il aurait peut-être fallu que Polanski viole 12 femmes et enfants sous vos yeux. Séparer l’homme de l’artiste qu’ils disaient. 28 prix pour Polanski.
— Safia Ouabaïd (@OuabaidSafia) April 6, 2022
I know Will Smith slapped someone, but I am genuinely shocked at how quickly Hollywood is moving to end his career right now. I mean putting his movies on pause? I think that's a bit much when many abusers get away with worse and get to still have their careers.
— Adriana Gomez-Weston (@AdrianaInBloom) April 3, 2022
Mais cette critique n'est pas propre à l'Académie des Oscars. C'est tout Hollywood qui, au lendemain de la gifle, s'est positionné contre Will Smith. Suite à cette affaire, Netflix et Sony ont d'ailleurs annulé leur collaboration avec l'acteur de Men In Black. Le monde du cinéma français a également critiqué son geste et pris la défense de Chris Rock, alors qu'il est resté globalement silencieux face aux affaires Polanski. Ce qui fait dire à la militante féministe Marie Coquille-Chambel: «C'est toujours la même histoire: l'honneur d'un homme vaut plus que les viols subis par des femmes.»