

En 1986, l’Amérique reaganienne célèbre l’ultralibéralisme et le culte des gagneurs. Jerry Bruckheimer et Don Simpson, producteurs, savent ce qu’est la réussite. Leurs films - Flashdance, Le flic de Beverly Hills - cartonnent et font souffler un vent nouveau sur le cinéma populaire. Simpson et Bruckheimer travaillent sur un projet autour de Top Gun, école de Californie qui forme des pilotes d’élite. Point de mire du film, Tom Cruise - beau gosse des années 80 remarqué dans Risky Business - n’est pas encore la superstar que l’on connaît aujourd’hui.
Interviewé à l’époque par Moustique il dresse son portrait: “Je suis au regret de vous dire que j’ai mené une existence assez banale jusqu’à ce que je fasse du cinéma. J’ai 23 ans, je suis né près de New York, mon père a abandonné ma mère, ce qui a eu pour conséquence de nous précipiter dans une demi-misère. Cela m’a appris à me débrouiller très tôt”. Est-ce pour cela que l’acteur demande à étoffer le script qu’on lui propose, avant d’accepter de signer pour ce film où il sera beaucoup question d’avions? Son personnage, lui aussi, aura perdu son père, disparu mystérieusement au Viêtnam, ce qui aura une influence déterminante sur son caractère et son besoin de se surpasser à l’extrême.
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Ces modifications faites, le scénario de Top Gun débouche sur un curieux mélange d’action et de récit introspectif, où le niveau de testostérone dégagé par les pectos affolants et les roulements de mécaniques des pilotes alternent avec les failles d’un héros tête brûlée. Ajoutez Take My Breath Away, tube de Berlin et titre fétiche du film, l’alchimie érotique qui électrise Tom Cruise et Kelly McGillis, des séquences aériennes d’un réalisme encore jamais vu, et vous obtenez un cocktail explosif prêt à faire décoller les chiffres de fréquentation des salles. Si Moustique se montre enthousiaste, d’autres, dont le réalisateur Oliver Stone, fustigent ce qu’ils considèrent comme un film de propagande militariste encourageant les jeunes à s’enrôler dans l’armée pour abattre des avions ennemis et emballer les jolies filles!
Don Simpson s’en défendra: “C’est un film patriotique mais pas forcément pro-américain. Ça parle du cœur, des tripes, de l’âme et de l’honneur”. Et Tony Scott, qui réalise le film, abonde dans le même sens: “Ce n’est pas tant une histoire sur les pilotes de combat américains. Il s’agit avant tout d’un conflit personnel, intérieur, d’un type qui a décidé d’être le meilleur dans sa discipline”. Le triomphe sera total et Top Gun deviendra rapidement culte, traversant les décennies sans encombre et donnant lieu à de nombreuses analyses savoureuses du phénomène, dont l’hypothèse crypto-gay développée par un Quentin Tarantino. Hilarant dans une scène du film Sleep With Me (film oublié de Rory Kelly), Tarantino décrit le pitch caché de Top Gun comme “l’histoire d’un type qui se débat contre son homosexualité […], chevauchant son pénis volant et prêt à se taper toute une escadrille de Russes”. Trente-cinq ans plus loin, l’envie reste intacte de s’envoyer en l’air aux côtés de Tom Cruise.
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