
Tori et Lokita, Sundown, Kompromat... Les films à ne pas manquer (ou à éviter) au cinéma

Tori et Lokita
Une écriture qui va à l’essentiel. Une gestion du temps réel par de longs plans-séquences. On connaît l’efficacité des frères Dardenne quand il s’agit de nous scotcher à leur récit. Tori et Lokita a ceci de particulier qu’il s’agit d’un film réaliste mais qui emprunte une partie de sa facture au suspense. Si bien que le sort de ces deux personnages attachants nous tient en haleine jusqu’à la surprise finale, qui laisse sans voix. Présents dans tous les plans, les deux comédiens portent le film avec talent. Pour Joely Mbundu, jeune fille de nature plutôt enjouée, interpréter Lokita a demandé de puiser en elle des couleurs plus sombres. “Ce rôle m’a aidée à grandir, à mûrir. Ça m’a aussi appris ce métier. Je voudrais faire ça plus tard.” Une grande complicité la lie aujourd’hui à Pablo Schils qui joue Tori. “On est toujours en contact, on s’envoie des messages, on réagit à nos stories. Avec mon frère jumeau, on le considère comme notre petit frère de cœur.”
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Retrouvez notre rencontre avec les frères Dardenne dans notre nouveau numéro
*** Réalisé par Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec Pablo Schils, Joely Mbundu – 88’.
Sundown
Voici dix ans, le cinéaste mexicain Michel Franco, 42 ans, rencontrait Tim Roth à Cannes après avoir présenté son drame féminin Después de Lucía. À la demande de l’acteur anglais, il changeait le genre du héros de son prochain film pour donner à l’acteur de Reservoir Dogs, Pulp Fiction ou Little Odessa le rôle de l’infirmier de Chronic, écrit au départ pour une femme. “J’ai grandi avec les films de Tim Roth et je n’en revenais pas qu’il veuille tourner avec moi. Depuis, nous sommes devenus très proches, dans nos familles aussi. J’ai écrit Sundown très vite, en pleine crise personnelle. Tim savait ce que je traversais. Il m’a dit: “ne réécris pas, tournons””, nous a confié le cinéaste, rencontré par Zoom depuis Mexico où il monte son prochain film.
Écrit sous la double influence de L’étranger de Camus et de Bartleby d’Herman Melville, Sundown est bien une histoire de solitude moderne, tournée sous le soleil ambigu d’Acapulco, source de lumière comme de destruction – où les vacances de Neil (Tim Roth) et Alice (Charlotte Gainsbourg) sont écourtées par l’annonce d’un drame familial. Prétextant la perte de son passeport, Neil s’enfonce dans les dédales d’Acapulco et dissout son identité autant qu’il la révèle dans un dernier amour avec une vendeuse locale (solaire Iazua Larios). De cette trajectoire de détachement qui peut se comparer à celle de l’artiste (“Faire des films et vivre pour les fictions que j’écris est une forme de fuite du réel, même si c’est aussi un boulot”, plaisante le cinéaste), Michel Franco tire un grand film mélancolique comme l’était Le feu follet de Louis Malle, où résonne le mystère de vivre.
*** Réalisé par Michel Franco. Avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios – 83’.
Ritueel
Des mains coupées sont retrouvées au fond d’un canal à Bruxelles. Selon toute vraisemblance, elles l’ont été alors que les victimes étaient encore vivantes. Mais le sont-elles toujours? Pour Christine, plongeuse à la protection civile, et pour l’inspecteur Nick Cafmeyer, c’est le début d’une enquête dans les milieux bourgeois de la capitale qui ont hérité de fortunes gigantesques amassées à l’époque du Congo belge.
Très intelligemment, le réalisateur Hans Herbots a adapté “à la sauce belge” un roman policier qui se déroulait à Londres, écrit en 2008 par la Britannique Mo Hayder. Transposé dans nos contrées, son film acquiert évidemment une dimension particulière. Il met en présence d’une part ces héritiers d’une histoire honteuse qui colle encore aux basques de notre pays et de l’autre, des activistes qui luttent contre l’esclavage contemporain. Mais l’intérêt majeur du film est de nous montrer que l’histoire ne se répète pas: dans ce cas-ci, elle ne s’est jamais vraiment arrêtée. Et nous en sommes tous, qu’on le veuille ou non, ses héritiers.
*** Réalisé par Hans Herbots. Avec Marie Vinck, Geert Van Rampelberg, Eriq Ebouaney, Babetida Sadjo – 120’.
Kompromat
Mathieu, directeur de l’Alliance française à Irkoutsk, est piégé par les services secrets russes qui montent de toutes pièces un dossier à charge l’accusant de diffusion d’images pédopornographiques et d’attouchements sur sa fille. Sur base d’une histoire vraie, Jérôme Salle avait le choix entre un thriller normal et un thriller politique. Réalisateur efficace quand il s’agit de créer de la tension à l’écran, il a privilégié le suspense, reléguant le propos politique à l’arrière-plan. Kompromat ayant été tourné avant la guerre qui ravage l’Ukraine, cela induit un décalage qui le range malgré lui dans la catégorie des films qui dénoncent un système avec un retard regrettable.
* Réalisé par Jérôme Salle. Avec Gilles Lellouche, Joanna Kulig – 127’.