Revoir Paris, Coup de théâtre, Speak No Evil... Les films à ne pas manquer (ou à éviter) au cinéma

La rédaction a sélectionné pour vous les nouveaux films à ne pas manquer... ou à éviter cette semaine au cinéma.

virginie efira et benoit magimel dans Revoir Paris sur les attentats de paris
© Prod.

Revoir Paris

Qu’il est beau de voir une actrice accéder à ce qu’elle a de plus profond. Par ses choix ultra-contemporains (du glorieux Victoria de Justine Triet au casse-gueule Benedetta, en passant par Un amour impossible d’après Christine Angot et le très attendu Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski), Virginie Efira est devenue au fil des films l’incarnation d’une certaine idée de la femme européenne, dont la sexualité n’est pas taboue et constitue le moteur secret de son être.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

La voici dans un drame amoureux lyrique et sombre signé Alice Winocour (Proxima, avec Eva Green en astronaute en proie à la culpabilité maternelle), ­traductrice de langue russe sans enfant et en couple depuis plusieurs années, évoluant à moto et en blouson dans Paris. Un soir de solitude, Mia se rend dans un restaurant qui pourrait être Le petit Cambodge, attaqué le soir du 13 novembre 2015 par des terro­ristes islamistes. L’échange d’un regard avec un homme qui fête son anniversaire (charismatique Benoît Magimel) la sort un instant de sa mélancolie, avant que l’attaque ne vienne tout briser. La force du film d’Alice Winocour est de ne rien masquer de la destruction ni du trauma subi, tout en recomposant la reconstruction de Mia à l’intérieur même du trou noir. Les liens ténus qui se créent entre les victimes lui permettent d’accéder à la lucidité sur sa propre vie et à une perception nouvelle des fractures de la ville. Entre sidération, entraide et désir retrouvé, le film célèbre autant nos cicatrices que les diamants noirs qui constellent nos êtres. Un film magnifique.


**** Réalisé par Alice Winocour. Avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Amadou Mbow – 105’. 

Chronique d’une liaison passagère

Dans la vie il est taiseux mais ses films sont très volubiles. En une petite douzaine de longs-métrages, dont les récents succès de Mademoiselle de Joncquières (d’après Diderot) et Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (déjà avec Vincent Macaigne), Emmanuel Mouret a inventé un marivaudage contemporain qui rend aux sentiments leur matière brute. Il raconte ici l’histoire de Charlotte (Sandrine Kiberlain), une femme célibataire qui accepte une relation “pour le plaisir” avec Simon (Macaigne), un homme marié plutôt inhibé, jusqu’à ce que les cœurs s’accélèrent. De rendez-vous en rendez-vous, se construit une histoire hors contraintes, une histoire de légèreté où Charlotte mène la danse, entraînant un Simon timoré et indécis… On dit dans les films de Mouret des choses qu’on ne dit plus au cinéma (“Quelle chance d’être triste, tu vois tout va bien”), avec un art consommé de la parole et du double jeu. “Aimer c’est se raconter, explique le cinéaste. J’aime quand les gens se racontent, c’est le propre de nos vies. Nous sommes un tissu de récits qu’il faut retisser en permanence, le cinéma est aussi l’art de la parole.” Chronique d’une liaison passagère atteint un classicisme léger, une fantaisie mélancolique qui ravit.

Retrouvez l’interview de Sandrine Kiberlain dans notre nouveau numéro


*** Réalisé par Emmanuel Mouret. Avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne – 100’.

Trois mille ans à t’attendre

George Miller est un cinéaste surprenant qui passe allègrement de Mad Max à Happy Feet. Son onzième long-métrage nous confirme ce goût pour voyager dans les genres puisqu’il adapte aujourd’hui un conte philosophique tiré du recueil de nouvelles The Djinn In The Nightingale’s Eye de A.S. Byatt. Le cinéaste avance masqué, nous faisant d’abord croire à une déclinaison contemporaine du conte de la lampe d’Aladin, alors que la rencontre entre Alithea (Tilda Swinton), conférencière spécialisée dans la narratologie, et un bon génie (Idris Elba) sorti d’un vase dans une chambre d’hôtel en Turquie débouche sur une ode aux histoires.

Car derrière la dimension “Mille et une nuits” du récit, Trois mille ans à t’attendre traite de l’importance et du poids des histoires dans le destin de l’humanité et souligne que sans elles, c’est la ­barbarie qui l’emporte. Grâce aux histoires, il est possible de croire à l’impossible et c’est cette croyance qui nous fait aller vers les autres.  Si son film est teinté de ­féerie, il n’en recèle pas moins une dimension politique. Et profondément humaniste.


*** Réalisé par George Miller. Avec Tilda Swinton, Idris Elba – 108’.

Speak No Evil

Présenté au festival de Sundance dans la célèbre section de Minuit réservée à l’horrifique, le nouveau film du Danois Christian Tafdrup (écrit avec son frère Mads) revisite un canevas à la Funny Games de Michael Haneke, où un couple bourgeois va traverser l’horreur, invité chez un couple de Hollandais rencontrés brièvement lors de vacances en Toscane. La saveur du film tient autant à son inquiétante étrangeté qu’à sa critique, en toile de fond, des mœurs bourgeoises et de la violence familiale latente. Jouant sur le refoulé social des gens trop bien élevés, Christian Tafdrup mêle adroitement visions morbides d’enfants à qui on refuse la parole (d’où le titre) et libération déchaînée des pulsions qui nous habitent.

** Réalisé par Christian Tafdrup. Avec Morten Burian, Sidsel Siem Koch – 97’.

Coup de Théâtre

Londres, 1953. Lors de la fête qui célèbre la 100e représentation de The Mousetrap, célèbre pièce d’Agatha Christie qui se joue toujours aujourd’hui, le réalisateur américain censé en signer l’adaptation pour le cinéma est assassiné. L’enquête est menée par un ­inspecteur peu orthodoxe (Sam Rockwell) et une jeune flic maladroite, bavarde et fan de théâtre. Tom George ne signe pas à proprement parler un pastiche du genre mais jette un regard à la fois tendre et ironique sur les ficelles propres à l’univers de la créatrice d’Hercule Poirot. Très british, son film multiplie les mises en abyme et donne à Saoirse Ronan (Lady Bird, Mary Queen Of Scots) une occasion en or de démontrer ses talents pour la comédie.


** Réalisé par Tom George. Avec Sam Rockwell, Saoirse Ronan, Adrien Brody – 98’.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité