
R.M.N., Black Adam, Le nouveau jouet... Les films à ne pas manquer (ou à éviter) au cinéma

Black Adam
La réflexion que pourrait inspirer ce Black Adam, apparemment très attendu, dépasse de loin l’éternel clivage entre les franchises DC Comics et Marvel. Ce film nous entraîne dans les limites du genre "super héros", et pas uniquement cinématographiques. C’est l’histoire d’une "Société de Justice" qui lutte pour faire triompher le bien et qui va non seulement être confrontée à un champion réveillé d’un sommeil de 5.000 ans dans une cité imaginaire du Moyen Orient mais va devoir lui demander son soutien pour lutter contre le Mal. Seuls, les super héros sont démunis. Or, ce champion nommé Teth Adam (le toujours inexpressif Dwayne Johnson), ancien esclave emprisonné par les dieux pour avoir outrepassé les pouvoirs qu’ils lui avaient donnés, tire sa force de sa colère.
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Quoi ? Ce n’est donc pas un héros, comme le montre l’affiche du film, mais un sale type qui tue comme il respire et qui n’est mû que par la colère ? Ainsi donc, le genre en serait-il arrivé là ? Le bien ferait-il appel au mal pour combattre un mal plus important encore ? C’est à croire que les super héros viennent de découvrir l’homéopathie ! À ce constat d’une morale plus que douteuse, et qui n’est pas sans rappeler certains films avec Charles Bronson, s’ajoute un trop plein cinématographique. On le savait, tous les films précédents nous y conduisaient, mais à présent c’est une certitude : ceux qui ont pris les rennes de ce genre de films ne sont plus des cinéastes mais des concepteurs de jeux vidéo. Un écran d’ordinateur s’est désormais substitué à l’écran du cinéma mais le problème est que le spectateur ne dispose pas de commandes (comme sur une console) pour dégommer ce prétendu héros qui n’en est pas un. Espérons que Warner aura la bonne idée de ne pas donner suite à ce Black Adam. Tout dépend évidemment de son succès public. On peut donc craindre le pire.
* Réalisé par Jaume Collet-Serra. Avec Dwayne Johnson, Aldis Hodge, Pierce Brosnan, Noah Centineo – 124′
R.M.N.
Cinéaste exceptionnel dont l’ultra-réalisme a su tendre un miroir grossissant aux conflits qui travaillent l’Europe de l’Est post-soviétique (voir 4 mois, 3 semaines, 2 jours sur l’avortement qui lui valut la palme d’or en 2007 ou Baccalauréat sur la corruption, prix de la mise en scène en 2016), Cristian Mungiu s’inspire ici d’un fait divers très connu survenu en Transylvanie en 2020 et il tire de deux ans d’enquête un scénario magistral autour de la fabrique de “l’étranger”, dans un village traditionnel, où s’entrecroisent plusieurs destins.
Celui de Matthias, manutentionnaire dans des abattoirs revenu au village après une insulte sur son origine gitane et qui y retrouve Celia, un ancien flirt, devenue entrepreneuse émancipée dans une boulangerie industrielle. Lorsque Celia fait appel à des travailleurs étrangers (en l’occurrence des Sri Lankais) devant la pénurie de main-d’œuvre locale, son initiative déclenche une vague de protestations et la mise en place spontanée d’une assemblée pour voter ou non le départ des étrangers. Tandis que Matthias s’occupe de son jeune fils fugueur et emmène son père malade passer une R.M.N. (cet examen par résonance magnétique, qu’on peut aussi prendre pour un acronyme de la Roumanie), Mungiu ausculte son pays au scalpel, entre plans- séquences habités et scènes collectives puissantes qui confrontent l’idée même de démocratie.
“Ma première source d’inspiration, c’est la réalité. J’ai développé ce style de plans-séquences car la réalité est un continuum, les moments inglorieux existent et il n’y a pas de montage. La scène de réunion dans l’église montre les limites de la démocratie: si les gens ne sont pas éduqués, elle ne donne pas de bons résultats”, analyse le cinéaste avec qui on a pu s’entretenir par Zoom depuis Bucarest. Pour autant, Mungiu ne revendique pas un cinéma pédagogique ni démonstratif: “Je fais de grands efforts pour que mon cinéma reste du cinéma, mais qui donne aussi l’opportunité de parler d’enjeux de société. Un film doit d’abord raconter une histoire, permettre aux gens de s’identifier, cela leur donne le recul sur eux-mêmes nécessaire pour réfléchir. Mon film est un état du monde, pas seulement de la Transylvanie ou de l’Europe. J’ai voulu faire un portrait de la nature humaine et de ce conflit intérieur entre l’empathie et l’animalité pour comprendre comment se fabrique cette idée que les autres ont tort plutôt que nous”.
**** Réalisé par Cristian Mungiu. Avec Marin Grigore, Judith State, Macrina Barladeanu – 125’.
Yuku et la fleur de l’Himalaya
On avait grande hâte de découvrir le premier long-métrage du Belge Arnaud Demuynck, connu pour “La Chouette du cinéma”, innovant programme de courts-métrages animés pour les tout-petits. Réalisé avec Rémi Durin, Yuku et la fleur de l’Himalaya rassemble les qualités de ses courts-métrages (Le parfum de la carotte ou les contes gourmands La chouette en toque autour de l’alimentation), comme la solidarité ou le pouvoir des contes pour éveiller l’imaginaire de l’enfant. Ici il nous plonge dans l’histoire de Yuku, une petite souris musicienne (et fan de ukulélé) qui décide de partir chercher une fleur magique pour sa grand-mère malade, tout en haut de l’Himalaya. Au terme d’un parcours semé d’embûches où l’on croise un rat protecteur au cuir usé (qui porte la voix d’Arno dans un dernier blues émouvant), un loup affamé (Tom Novembre) ou une renarde joyeuse (Agnès Jaoui), Yuku aura résolu certaines énigmes de la vie et découvert son propre talent de conteuse. À ne pas manquer pendant les vacances de la Toussaint! À partir de quatre ans.
*** Réalisé par Arnaud Demuynck. Avec les voix d’Arno, Agnès Jaoui, Lily Demuynck – 65’.
Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse
Michel Ocelot aime les contes et les cultures du monde. Sa filmographie en atteste, qui s’enrichit d’un film rassemblant trois contes se déroulant respectivement dans l’Égypte ancienne, l’Auvergne du Moyen Âge et le Maroc du XVIIIe siècle. Trois courts-métrages d’une grande beauté qui en disent long sur la philosophie de leur auteur. “Je pense qu’il faut briser ses chaînes, nous explique le cinéaste. Si c’est pas bien ici, il faut aller ailleurs. Si on vous ligote, il faut vous libérer. Dans toutes mes histoires, il y a des innocents qui ne veulent ni obéir ni se soumettre. C’est un lien entre ces trois histoires que je n’avais pas prévu.”
Si Michel Ocelot a marqué des millions d’enfants grâce à Kirikou, il ne pense pas forcément à eux en écrivant ses films. “Dans l’esprit des gens, l’animation c’est pour les enfants. Je n’ai jamais fait de films pour les enfants. J’ai beau le dire, on ne m’entend pas! Aujourd’hui, ça reste difficile pour moi. Je ne suis pas à la mode. Il faut être hystérique et aller vite et je ne suis ni l’un ni l’autre, parce que je veux que le public comprenne et pense.” À partir de six-huit ans.
*** Réalisé par Michel Ocelot. Avec les voix d’Oscar Lesage, Aïssa Maïga – 83’.
Le nouveau jouet
Mais pourquoi ? Quitte à réaliser un remake, autant l’adapter avec pertinence à l’époque contemporaine. Pourquoi James Huth, après avoir dénaturé Lucky Luke en 2009, s’en prend-il aujourd’hui au Jouet, premier film de Francis Veber en 1976, dont l’idée géniale était de parler des inégalités à travers l’histoire d’un gosse de riche qui demande à son père de lui offrir un type au chômage en guise de cadeau ? Autant l’original était précurseur, autant la (pâle) copie, dans laquelle Jamel reprend le rôle de Pierre Richard et Daniel Auteuil, celui de Michel Bouquet, tombe à pieds joints dans tous les clichés sociaux.
* Réalisé par James Huth. Avec Jamel Debbouze, Daniel Auteuil, Simon Faliu, Alice Belaïdi – 90’.
Un beau matin
Cinéaste gracieuse, Mia Hansen-Løve (Bergman Island, Le père de mes enfants) dévoile avec pudeur un pan de sa propre histoire – celle d’une jeune mère qui retombe amoureuse alors que son père sombre dans une maladie neurodégénérative. L’immense réussite de ce film tient à la perfection de son interprétation. Face à Léa Seydoux émouvante dans le rôle de Sandra, retrouvant chair entre les bras de Melvil Poupaud en scientifique amoureux, on découvre un Pascal Greggory au-delà du bouleversant en père diminué qui ne reconnaît plus les objets ni les livres de sa bibliothèque, et dont Sandra devra transmettre la mémoire tout en recommençant à aimer. La preuve qu’il n’y a pas de second rôle mais que de grands acteurs.
** Réalisé par Mia Hansen-Løve. Avec Léa Seydoux, Pascal Greggory, Melvil Poupaud – 113’.
Poulet Frites
Estampillé Strip-tease, le nouveau film de Jean Libon et Yves Hinant est clairement destiné au marché français où leur Ni juge ni soumise (2019) a fait de la juge d’instruction Anne Gruwez une vedette de cinéma. Avec un titre qui sent la belgitude à plein nez, on ne peut que penser qu’il y a là-dessous un filon juteux. D’autant qu’il s’agit d’un documentaire datant de 2007 qui retrace une vieille enquête criminelle dont Anne Gruwez était la juge d’instruction. Il reste que, malgré quelques moments, le film se laisse regarder comme un vrai polar et met en lumière une personnalité hautement sympathique, Jean-Michel Le Moine qui dirige cette enquête et qui est aujourd’hui patron de la Crim.
** Réalisé par Jean Libon et Yves Hinant – 103’.