
Rodeo, une figure de femme-voyou jamais vue au cinéma

“Les femmes cinéastes se sont frayé un chemin dans la forêt dense de l’histoire du cinéma. Ce chemin sera toujours recouvert mais il a désormais été balisé et a ouvert des sentiers de narration différents. Je me suis sentie protégée par ces figures-là.” Autant dire d’emblée qu’on a littéralement bu les paroles de la jeune réalisatrice française (31 ans) rencontrée au festival de Gand, tant elles disent la montée en puissance des femmes cinéastes dans l’époque et la manière dont elles font évoluer les écrans à travers un “female gaze” (“regard féminin”) qui redéfinit les représentations et les codes du genre.
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Lola Quivoron est entrée dans cette forêt en se réappropriant les armes de la femme fatale, inventant une figure de femme-voyou jamais vue au cinéma. On suit donc dans Rodeo (sans accent) la trajectoire-météore de Julia alias l’Inconnue (incroyable Julie Ledru qui a inspiré en partie le rôle), une jeune femme issue des quartiers populaires qui traverse en solitaire le milieu du cross bitume et y découvre un moyen de survivre mais aussi le reflet de ses désirs.
"Un sport poétique et politique"
“Le film est d’abord né de ma rencontre avec le cross bitume en 2016, qui est devenu une passion très contagieuse, très physique. C’est un sport poétique et politique que j’ai d’abord appréhendé à travers la photo. J’ai essayé de comprendre de l’intérieur ce mouvement et cette culture, ces jeunes qui se rassemblent sur une route perdue au milieu des champs. Avec la photo on est déjà dans la fiction. Pendant sept ans j’ai fréquenté cette route où il y a très peu de filles. J’ai rencontré une fille très belle et très brutale qui s’appelait Baya et qui un jour a disparu. J’ai commencé à écrire autour d’un personnage féminin car elle me manquait et puis j’ai rencontré Julie Ledru. Ça a été un miracle. Elle a donné une matérialité, une densité documentaire au personnage. Son rapport à la violence, à la solitude et à la survie m’intéressait. Tout le film s’est construit à travers son point de vue et notre capacité à nous identifier à ce corps-sujet, ce sujet-corps, à sa subjectivité. L’ambition technique du film est d’abord venue du personnage”, analyse la réalisatrice.
À mi-chemin entre le film noir, le film de casse et de fantôme, Rodeo est autant un vertige de mise en scène qu’un portrait de femme neuf. Écrit avec Antonia Buresi (qui interprète également la femme du chef de bande), Rodeo ne craint ni les accidents ni les virages et nous emmène vers une utopie inconnue qui brûle longtemps, quelque part sur le bitume.
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*** Réalisé par Lola Quivoron. Avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi - 105’.