Saint Omer, le film intense qui représentera la France aux Oscars

Inspiré d’un infanticide, Saint Omer questionne notre rapport à la maternité et concourt pour les prochains Oscars.

Saint Omer
© Prod.

“Au cinéma j’ai été construite par des héroïnes blanches. Je sais d’expérience qu’on peut se reconnaître dans l’autre”, répond d’emblée Alice Diop lorsqu’on lui demande de décrire la place qu’elle tient dans un cinéma français qui commence à s’ouvrir à des personnages de ­femmes noires dégagées des stéréotypes, alors que Saint Omer vient de remporter le Lion d’argent à Venise et représentera la France aux prochains Oscars.

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Pour construire ce premier film de fiction (après cinq documentaires très remarqués), la cinéaste de 43 ans a assisté aux assises du procès de Fabienne Kabou (Laurence Coly dans le film, interprétée par Guslagie Malanda) qui avait abandonné sa petite fille de quinze mois sur le rivage d’une plage de Berck en 2013. Son film retrace le procès de cette “femme-énigme” (folle? maraboutée?) depuis le point de vue de Rama (Kayije Kagame), une écrivaine et enseignante qui va questionner à travers elle sa propre maternité.

Au cinéma l’imaginaire accolé à une femme noire renvoie à un personnage de femme pauvre. J’ai eu un grand plaisir à écrire ce personnage de Rama, complexe, intello, névrosée, qui se pose les questions viscérales qui traversent toutes les femmes: qu’est-ce qu’être mère? Or je sais d’expérience que le corps noir peut porter l’universel”, analyse-t-elle. On assiste ainsi à un somptueux film de procès (coécrit par Marie N’Diaye) qui évoque autant les documen­taires de Depardon (10e chambre - Instants d’audience) que le mythe antique de Médée. Porté par le visage ­souverain des deux actrices principales, Saint Omer donne une forme inédite à la douleur noire ainsi qu’à ce tabou qui fait de toutes les femmes des monstres en puissance, “des chimères”, dit l’avocate. Un grand film.


**** Réalisé par Alice Diop. Avec Guslagie Malanda, Kayije Kagame, Aurélia Petit - 122’.

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