
Nostalgia, Tár, Divertimento... Les films à ne pas manquer au cinéma

Nostalgia
C'est un film sous la double égide de Pier Paolo Pasolini et Marco Bellocchio. Le premier pour la citation poétique qui ouvre le film (“La connaissance est dans la nostalgie. Qui ne s’est pas perdu ne possède rien”) et remue les mythes antiques à la manière du cinéaste culte assassiné en 1975 à Ostie. Le second pour la présence charismatique de l’acteur Pierfrancesco Favino, qui fut le stupéfiant Traître de Bellocchio (2019), portrait du mafioso sicilien Tommaso Buscetta dont la repentance aboutit aux “maxi-procès” de Palerme au milieu des années 1980. Ici, pas de mafieux à la Scorsese, à peine une montre en or cachée dans le coffre-fort d’un hôtel napolitain anonyme. Car Felice (Favino) est un homme méticuleux et rangé qui revient à Naples au chevet de sa mère après quarante ans d’exil dans le monde arabe dont il a adopté la langue et la religion. Mais la Sanità de son adolescence (quartier de Naples où grandit le cinéaste Mario Martone) est toujours sous le joug de la Camorra, dont Oreste, l’un des chefs de clan, lié à la fuite de Felice des années plus tôt et qui constitue le moteur tragique du film. Car le retour au bercail est ici un retour aux enfers - dans les dédales d’un passé opaque surgissant par flash-back répétés au format carré - où la ville se fait paysage mental d’une conscience tourmentée. Felice s’enfonce dans les ruelles napolitaines jusqu’aux vestiges des catacombes et des fresques antiques et le film se mue en thriller existentiel tout en accédant au mythe. Peut-on s’absoudre d’un crime quarante ans plus tard? La confession d’un homme vaut-elle libération?
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Le film de Mario Martone (connu pour ses mises en scène d’opéra en Italie) vaut aussi pour sa peinture néoréaliste de la Sanità, quartier populaire central de Naples où figurent, parmi les acteurs (et un extraordinaire prêtre qui tente de “protéger” Felice), de nombreux non-professionnels qui y vivent, emblèmes d’une jeunesse à la fois clinquante et laissée pour compte, entre courses de scooter et intimidations au pistolet. Antihéros pasolinien, Felice (“l’heureux”) ne porte bien son nom que dans de fugaces séquences où la joie l’emporte sur une nostalgie dont Naples se fait désormais l’écho et, après notamment le récent La main de Dieu de Paolo Sorrentino, s’impose comme l’un des territoires de prédilection au cinéma. - J.G.
**** Réalisé par Mario Martone. Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Sofia Essaïdi - 117’.
Tár
Lydia Tár, musicienne, prof et chef d’orchestre lesbienne est au sommet de son art. Elle s’apprête à enregistrer en public la 5e Symphonie de Gustav Mahler et à sortir une autobiographie. Malgré sa réussite, elle reste confrontée à un monde qui a du mal à considérer que ce métier puisse être exercé par une femme. Mais pour elle, seuls comptent la musique et l’amour (exclusif) pour son art. Lorsqu’un étudiant transsexuel refuse de jouer Bach parce que c’est un compositeur mâle, blanc et cisgenre, elle lui répond que ”le narcissisme des petites différences mène à une ennuyeuse conformité”. Cette femme brillante et exigeante a quelque chose d’à la fois sublime et monstrueux. Mais puisque tout lui réussit, on célèbre son talent. Jusqu’au jour où sa vie se désagrège par petits morceaux. Des colis lui parviennent, des lettres, le même petit dessin se retrouve à la fois dans un livre et au dos d’un métronome qui se met à battre tout seul la nuit. Des signes inquiétants qui annoncent que son passé est en train de lui revenir en pleine figure.
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Todd Field (In The Bedroom et Little Children) ne signe ni un thriller, ni un biopic. Il emprunte seulement la grammaire des genres pour réaliser le portrait éclaté d’une femme guidée par sa seule passion et pour laquelle rien d’autre ne compte. Peut-on placer l’art au-dessus de tout? C’est la question au centre de ce portrait de femme dominé par la magnifique Cate Blanchett et dans lequel on retrouve l’atmosphère inquiétante de l’univers cher à Michael Haneke. - E.R.
**** Réalisé par Todd Field. Avec Cate Blanchett, Noémie Merlant, Nina Hoss, Sophie Kauer, Julian Glover - 158’.
Divertimento
Tout est à craindre quand un film s’inspire de faits réels, surtout s’il s’agit d’une “success-story” dont les protagonistes sortent vainqueurs de préjugés racistes, sexistes et sociaux. Même si Divertimento n’évite pas un certain manichéisme, le résultat est plutôt une bonne surprise. Oulaya Amara et Lina El Arabi interprètent les sœurs jumelles Ziouani qui, dans les années 90, ont tout fait pour vivre leur passion pour la musique classique. En particulier Zahia, qui rêvait depuis l’enfance d’être chef d’orchestre et à qui on a dit qu’une femme née dans une cité ne pourrait jamais accéder à cette fonction. Marie-Castille Mention-Schaar réussit à insuffler à son film autant d’énergie que d’émotion, en nous faisant entrer dans la tête de cette jeune fille pour qui la musique est absolument partout, jusque dans les bruits de la ville. - E.R.
*** Réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar. Avec Oulaya Amamra, Lina El Arabi - 110’.