The Whale, Empire Of Light, La Syndicaliste... Les films à ne pas manquer (ou à éviter) au cinéma

La rédaction a sélectionné pour vous les nouveaux films à ne pas manquer... ou à éviter cette semaine au cinéma.

the whale
© Prod.

The Whale

Charlie est prof d’anglais. Il donne cours sur l’art de la dissertation “en distanciel”, derrière un ordinateur dont il prétend que la caméra est en panne. Ses élèves n’ont accès qu’à sa voix, jamais à son image. Et pour cause, ­Charlie ne veut plus se montrer. Il souffre d’une obésité morbide. Et d’une immense solitude. Il pèse plus de 250 kilos et peine à se déplacer. Ses journées ne sont rythmées que par les visites de son infirmière qui le supplie en vain d’aller à l’hôpital.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Depuis la mort de l’homme qui partageait sa vie, Charlie se fout en l’air par la bouffe. Il n’a plus aucun contact ni avec son ex-femme ni avec sa fille. Jusqu’au jour où il renoue avec l’adolescente et lui propose de l’argent pour passer un peu du temps qui lui reste à vivre avec lui. Que l’on ne s’y trompe pas: The Whale (en français La baleine) fait surtout référence à un texte sur Herman Melville, l’auteur de Moby Dick, qui retient Charlie à la vie. Basé sur une pièce de Samuel D. Hunter, le film de Darren Aronofsky est un drame bouleversant sur le poids des non-dits dans les relations humaines. Tous les personnages y sont condamnés à la solitude pour ne pas avoir exprimé leurs sentiments. On ne peut s’empêcher de voir dans la composition magistrale de Brendan Fraser (George de la jungle, La momie), une mise en abyme de sa ­propre histoire. Quant à Sadie Sink qui joue la fille de Charlie, elle fait oublier son rôle de Maxine Mayfield dans Stranger Things qui l’a révélée au grand public. - E.R.

**** Réalisé par Darren Aronofsky. Avec Brendan Fraser, Sadie Sink, Samantha Morton, Hong Chow - 117’.

Empire Of Light

Comme tous les grands films, Empire Of Light contient plusieurs lectures. Premier scénario original de Sam Mendes (parmi les American Beauty, 1917 et en passant par Les noces rebelles ou ­Skyfall), le film raconte d’abord, en 1981, l’histoire d’amour intense et inattendue entre Hilary (exceptionnelle Olivia Colman), ouvreuse dans un cinéma de la côte anglaise souffrant de maniaco-dépression (on apprend qu’elle est sous lithium) et Stephen (touchant Micheal Ward), un jeune employé noir qui rêve de devenir architecte.

Mendes offre tout d’abord un extraordinaire personnage féminin (inspiré de sa propre mère), sans cesse menacé d’effondrement mais qui parvient à se libérer de différentes entraves (Colin Firth à contre-emploi en patron prédateur). Il met aussi au jour, sous les troubles d’Hilary, les dysfonctionnements d’une époque qui résonne avec la nôtre (les années Thatcher, la montée du racisme), dans lesquels le cinéma (ici un ancien palace Art déco transformé pour le film) reste le dernier bastion résistant à la folie du monde. - J.G.


**** Réalisé par Sam Mendes. Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth - 119’.

La syndicaliste

Dans Elle de Paul Verhoeven, elle était cette femme froide qui entretient une relation avec son violeur. Dans Violette Nozière de Claude Chabrol, elle était cette jeune femme accusée d’avoir empoisonné ses parents. Victime de viol et accusée, elle est les deux dans le rôle de Maureen Kearney, syndicaliste du groupe nucléaire français Areva retrouvée ligotée chez elle en 2012, le manche d’un couteau dans le sexe, la lettre A scarifiée sur le ventre. Plus tard, elle fut accusée d’avoir mis en scène son agression alors qu’elle tentait de dénoncer des accords secrets signés avec la Chine menaçant autant l’indépendance nucléaire française que les salariés du groupe. Simulation? Automutilation? Le spectateur se perd dans ce thriller politique qui montre comment la sexualité des femmes peut être utilisée contre elles. Parce qu’elle ne se comporte pas comme une “bonne victime”, le viol de Maureen Kearney n’est pas crédible. En parallèle de l’enquête, le film démonte le sexisme des relations de pouvoir - avec un très toxique Yvan Attal en sous-chef violent adepte du “mansplaining”. Relations de pouvoir dont ne sont pas exemptes les femmes - voir les bril­lantes apparitions de Marina Foïs en patronne ambiguë et d’Andréa Bescond en juge misogyne -, jusqu’à ce dernier regard caméra qui nous questionne tous… - J.G.

Retrouvez notre rencontre avec Isabelle Huppert dans notre numéro de la semaine


*** Réalisé par Jean-Paul Salomé. Avec Isabelle Huppert, Yvan Attal - 121’.

L'envol

On savait Pietro Marcello audacieux depuis son adaptation du Martin Eden de Jack ­London, où l’insert d’archives au cœur de la fiction déployait un imaginaire authentique et social. Il récidive ici avec l’adaptation d’un conte russe du XIXe siècle (Les voiles écarlates d’Alexandre Grine) dans la France du Nord. Au retour de la Grande Guerre, Raphaël retrouve Juliette, la fille de sa femme disparue, qu’il élève avec Madame Adeline (Noémie Lvovsky). Marcello ne cesse de confronter la rudesse de Raphaël (colossal Raphaël Thiéry aux mains comme des battoirs, bûcheron dans la vraie vie) à la tendresse qu’il éprouve pour sa fille.

Devenue jeune femme, ayant grandi à l’ombre du bocage et de la sorcière du village (“si tu es une fille, sois mille fois plus vaillante qu’un garçon, ne tremble pas face au ­dragon”, lui glisse Yolande Moreau), Juliette se révèle à travers le chant (adaptant L’hirondelle, un poème anarchiste de Louise Michel) et la découverte de l’amour (Louis Garrel en aviateur tombé du ciel). Une ode aux gens de la terre et au mystère des êtres qui nous déroute parfois, comme le film. - J.G.


** Réalisé par Pietro Marcello. Avec Juliette Jouan, Raphaël Thiéry, Louis Garrel - 100’.

Et l'amour dans tout ça ?

Parfois l’amour est au coin de la rue et on ne le voit pas, surtout quand on est amis d’enfance. Shekhar Kapur (réalisateur audacieux des deux Elizabeth avec Cate Blanchett) revisite le thème des meilleurs amis qui ont peur de tomber amoureux l’un de l’autre (du classique Quand Harry rencontre Sally à Sex Friends avec Natalie Portman) en rehaussant sa comédie romantique d’une émancipation des origines. Kaz cède à l’idée de la tradition du mariage “assisté” au Pakistan pour faire plaisir à sa famille tandis que Zoé (toujours pétillante Lily James) préfère filmer le projet matrimonial de son ami plutôt que de s’investir amoureusement et risquer de ressembler à sa mère (Emma Thompson en mère fol­dingue). Le charme du film tient à l’alchimie sympathique des deux interprètes malgré un scénario un peu cousu de fil blanc et moult retournements de situation qui visent autant à ouvrir les yeux des parents sur le poids des pressions familiales qu’à nous (re)donner le courage d’aimer. - J.G.


** Réalisé par Shekhar Kapur. Avec Lily James, Shazad Latif, Emma Thompson - 109’.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité