
Charlotte Rampling dans Juniper : "Je n’ai jamais cherché à plaire"

Parfois on ne sait pas qui soigne qui. Contraints de se retrouver dans leur maison familiale en Nouvelle-Zélande, Ruth et son petit-fils Samuel vont se faire du bien. Rien n’était écrit pour que leur rencontre fonctionne. Ex-photographe de guerre, vétéran de plusieurs conflits (surtout les siens, ceux dont on ne revient pas), Ruth (colossale Charlotte Rampling) soigne une jambe cassée à coups de garde-malade et de fortes doses de gin. Expulsé de son internat, Samuel expurge le deuil de sa mère et appréhende de se retrouver seul avec Ruth. Mais l’alchimie se produit par la grâce magique d’une immense actrice qui n’a peur de rien, ni de son âge (77 ans), ni de ses gouffres.
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“S’il y avait un message dans le film, ça serait celui-là: oser traverser nos gouffres, ne pas être dans le déni. Je me suis attachée à Ruth qui refuse d’être une victime. Elle peut être brutale mais elle accède à une vérité salvatrice pour elle et pour les autres. C’est important de pouvoir représenter au cinéma la nécessité de transcender nos étapes de vie, pas seulement de faire de l’entertainment”, nous a confié Rampling de sa voix grave et enjouée. Le divertissement, l’actrice de Portier de nuit ou Sous le sable n’y a jamais vraiment cédé, refusant des rôles dans The Crown et préférant se forger une carrière à l’ombre de la facilité, incarnant des rôles crus où planent ses propres fantômes, celui de la dépression ou de la mort de sa sœur qu’elle évoquait dans ses récents mémoires, Qui je suis.
”Traverser ma propre vie a été un grand combat et je ne m’en suis jamais cachée. Je suis sans doute une antihéroïne moi-même, je n’ai jamais cherché à plaire. Des personnages comme Ruth me saisissent et me happent dans leur manière de lutter intérieurement et aussi de se tenir à l’écart. Je n’ai jamais appartenu à aucun groupe, c’est une place difficile à tenir. Mais lorsqu’on regarde mes films, on me rencontre vraiment, car je m’identifie totalement à mes rôles, même brefs, et j’adore collaborer avec leurs auteurs dans l’intime des personnages”, poursuit-elle. Sous la caméra du Néo-Zélandais Matthew J. Saville qui signe ici un premier long-métrage habité, elle livre une performance extralucide qu’on voit généralement dévolue aux grands acteurs masculins à la Clint Eastwood, tirant sa féminité vers une séduction qui se place ailleurs que dans l’âge, vers une forme d’initiation qui est aussi un ultime don de soi.
*** Réalisé par Matthew J. Saville. Avec Charlotte Rampling, George Ferrier - 95’.