Mission: Impossible, L'île rouge, Fædre & mødre... Les films à ne pas manquer (ou à éviter) cette semaine au ciné

Mission:Impossible - Dead Reckoning **

Batman a le Joker, Harry Potter a Voldemort et les Schtroumpfs ont Gargamel. À chaque héros s’attache un ennemi de chair et d’os facilement identifiable. Dans un monde où tout se dématérialise de plus en plus vite, un ennemi virtuel nous pendait au nez. Et comme il n’est pas de mission qui lui soit impossible à remplir, Ethan Hunt (Tom Cruise) relève le défi en affrontant l’Entité, une intelligence artificielle qui a réussi à se glisser dans tous les recoins du monde numérique et que les ­grandes puissances essaient de contrôler. Car qui aura la mainmise sur l’Entité sera le maître du monde.

À part la nature invisible et omnisciente de l’ennemi, les enjeux restent les mêmes et le scénario, qui tient sur un ticket de métro de plus en plus petit, n’est qu’un prétexte à faire le tour du monde et à mettre les villes visitées sens dessus dessous grâce à des pour­suites de plus en plus (longues et) sophistiquées. Efficace mais sans surprise, ce Dead Reckoning Part 1 ­connaîtra une suite en 2024 au cours de laquelle la bataille se déroulera vraisemblablement sous l’eau. Un dyptique qui pourrait facilement en rappeler un autre, vieux de 80 ans: Le secret de la Licorne et Le ­trésor de Rakham le Rouge. - E.R.

** Réalisé par Christopher McQuarrie. Avec Tom Cruise, Hayley Atwell - 163’.

L'île rouge ***

On doit à Robin Campillo l’un des films les plus forts de la décennie, 120 battements par minute sur la lutte d’Act Up contre l’épidémie du sida. Le cinéaste plonge ici dans ses souvenirs d’enfant de militaire résidant à Madagascar avec sa famille à travers l’histoire d’un jeune garçon qui découvre son homosexualité alors que l’île se prépare à la révolution contre la “présence française” en 1972, dix ans après l’indépendance. Sous le regard de Thomas qui se pare du costume de Fantômette la nuit et de sa mère (sublime Nadia Tereszkiewicz), Campillo traque les traces du “continuum” colonial et les rapports de domination à l’œuvre, la violence refoulée et la nécessité de la révolte. La beauté du film est de laisser peu à peu la place à la jeunesse malgache qui finit par submerger le film et reprend sa place, souveraine sur l’écran. Un grand film qui vient dessiller les regards sur le néocolonialisme. - J.G.

Retrouvez notre rencontre avec le cinéaste Robin Campillo dans notre nouveau numéro

*** Réalisé par Robin Campillo. Avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Sophie Guillemin - 117’

Fædre & mødre ***

Devenons-nous adultes en acquérant le statut de parents? À voir le film de la ­réalisatrice danoise Paprika Steen, force est d’en douter. À travers le récit fort drôle des ­difficultés de Piv et Ulrik à intégrer le groupe de parents d’élèves de la nouvelle école de leur fille, cette comédie mordante et douce-amère dresse le portrait, le temps d’un week-end de camping au cours duquel des masques vont tomber, d’un groupe social où les enfants sont le réceptacle des ambitions mais aussi des frustrations de leurs géniteurs. Même si certains personnages sont brossés à gros traits (comédie oblige), le réjouissant Fædre & mødre nous démontre que les gamin(e)s ne sont pas forcément ceux que l’on croit. - E.R.

*** Réalisé par Paprika Steen. Avec Nikolaj Lie Kaas, Lisa Loven Kongsli, Amanda Collin, Katrine Greis-Rosenthal - 97’.

Les Algues vertes ***

C'est l’histoire d’un monde qui ne tourne pas rond et dans lequel les intérêts des uns finissent par en tuer d’autres. Parce que les agriculteurs et les éleveurs bretons sont pris à la gorge par des normes européennes néolibérales qui les poussent à surproduire en utilisant des produits polluants, les plages proches de leurs exploitations ont été envahies par des algues dégageant du sulfure d’hydrogène, poison mortel dont l’inhalation tue animaux et êtres humains. Lutter contre cette pollution inacceptable, c’est aussi nuire à l’activité économique de toute une région. C’est à ce dilemme que se confronte la journaliste Inès Léraud, jouée par Céline Sallette, qu’une longue enquête va amener à rencontrer tous les acteurs du drame, dont les familles des ­personnes décédées qui réclament d’être reconnues comme victimes du travail. C’est en cinéaste engagé que Pierre Jolivet (Ma petite entreprise et Mains armées) traite ce sujet en évitant tout manichéisme et en privilégiant une dimension humaine que le système économique pointé du doigt par son film semble trop souvent négliger. - E.R.

*** Réalisé par Pierre Jolivet. Avec Céline Sallette, Pasquale d’Inca, Julie Ferrier, Nina Meurisse - 107’.

Le Retour **

Présenté au dernier festival de Cannes et alourdi par une série de plaintes (pour harcèlement) finalement écartées, le dernier film de Catherine Corsini (La fracture) est à l’image de sa réalisatrice: tempétueux et politique. On y suit deux sœurs de 15 et 18 ans, Farah et Jessica, logées par une famille aisée dans un camping corse avec leur mère qui travaille comme nounou tout l’été dans la région de sa jeunesse. Ce séjour-retour est l’occasion pour les filles de renouer avec l’histoire brisée de leur mère autant que de se confronter aux rapports de classe naissant avec les premières amours et les premières transgressions. Porté par trois jeunes comédiennes éclatantes de naturel, le film explore avec justesse les rapports de domination (Podalydès et Ledoyen excellent en grands bourgeois blasés), entre Jessica qui éprouve déjà son état de transfuge de classe en entrant à Sciences Po et Farah qui cherche la reconnaissance et une possible réconciliation. Fort. - J.G.

** Réalisé par Catherine Corsini. Avec Esther Gohourou, Suzy Bemba, Aïssatou Diallo Sagna, Virginie Ledoyen, Denis Podalydès, Lomane de Dietrich - 110’.