
Cinéma : L'homme qui a vendu sa peau

Nommé pour l’oscar du meilleur film étranger, le quatrième long métrage de la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania (Le challat de Tunis, La belle et la meute) raconte comment Sam, un réfugié syrien arrêté au Liban, accepte de se faire tatouer le dos par un grand artiste contemporain flamand dans l’espoir d’avoir des papiers en Europe. Travaillée par les rapports de domination, la cinéaste a écrit son film après avoir découvert un ancien pompiste sur le dos duquel Wim Delvoye a tatoué une Vierge vendue à un collectionneur en 2008, exposé au Louvre en 2012.
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“L’image de cet homme exhibé dans un musée est restée dans ma tête des années. Si on est habité par une image, ça n’est pas pour rien. Ce contrat particulier entre un homme et un artiste questionne le capitalisme en général, les rapports dominant/dominé, le déterminisme social, les inégalités. Tout mon cinéma tourne autour du pouvoir, qu’il soit policier et masculin comme dans La belle et la meute, ou élitiste comme dans ce film”, analyse Kaouther Ben Hania. Dans la peau de l’artiste-Méphistophélès on retrouve Koen De Bouw, flanqué d’une galeriste manipulatrice (Monica Bellucci), tandis que Wim Delvoye fait une apparition dans le rôle de l’assureur. Sublimant la dimension christique de son héros, le film est à la fois une satire du marché de l’art contemporain (l’homme est exposé à côté des cochons tatoués de Delvoye) et une critique acide de la politique des frontières, jusqu’au retournement de la créature contre son pygmalion, déployant une fable métaphysique sur le prix à payer pour nos libertés.
L’homme qui a vendu sa peau ***
Réalisé par Kaouther Ben Hania. Avec Yahya Mhayni, Koen de Bouw -
108’.