Pierre Salvadori : "La Petite Bande, ce sont des enfants qui apprennent à se battre ensemble"

Dans La petite bande, il réussit un film espiègle sur l’engagement des jeunes. Une fable écolo entre La guerre des boutons, Stand By Me et Goscinny.

Pierre Salvadori
Pierre Salvadori

Né en Tunisie de parents corses, l’homme s’est fait un nom dans la comédie - Les apprentis, Hors de prix, En liberté!… En suivant le projet de Cat, Fouad, Antoine, Sami et Aimé, 12 ans à l’horloge de leur vie (ils ont l’intention de faire sauter une usine qui pollue leur environnement!), Pierre Salvadori scrute le désir d’aujourd’hui de ne pas baisser les bras face à la grande peur de demain.

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L’idée du film, ce sont des enfants qui apprennent à se battre ensemble, commente-t-il. C’est l’apprentissage de l’engagement plus que l’écologie qui est un prétexte. Mais comme souvent chez les militants, il y a des ­raisons intimes et profondes pour s’engager.

Pour vous, douze ans, c’est l’âge de quoi?

PIERRE  SALVADORI - Pour moi, c’est la découverte de l’expérience collective à travers les colonies de va­cances et le théâtre. J’étais très timide et j’ai écrit pour faire rire les amis. C’est l’âge de la révélation. Pour moi, aujourd’hui, c’est l’âge de la possibilité d’une confiance envers les adultes. Il n’y a pas encore cet état de l’adolescence plus dubitative, renfermée, intériorisée. Douze ans, c’est l’âge où on peut encore faire des ponts avec des enfants, leur enseigner des choses. Sur le film, il y avait cette curiosité sur comment apprendre à vivre ensemble, ce qui est le sujet du film.

Un film qui prend la forme d’une fable…

Une fable politique. Le personnage du patron est construit comme un ogre. Et le monde n’est vivable que quand on se débarrasse de l’ogre, le monde peut être habité par les enfants quand l’ogre a disparu. La question est de savoir s’il est légitime, quand une ­violence est faite à la collectivité, de répondre d’une façon plus ou moins pacifique. Ça ne parle que de cela: de désobéissance et de passage à l’acte.

Quelque part entre La guerre des boutons et Stand By Me?

Quand je découvre La guerre des boutons, je ne suis pas encore cinéphile mais j’en garde pourtant un souvenir très fort. En revanche, j’ai beaucoup pensé à René Goscinny… Toute la voix off du plus petit des enfants - celle qui commente le film, sa façon de parler, toute cette candeur et cette littérature ­viennent de Goscinny. Quant à Stand By Me, ça a été un choc pour moi. C’est un film magnifique sur le passage de l’enfance à l’adolescence. C’est un chef-d’œuvre.

Vos personnages ne sont pas sur les réseaux. Trouvez-vous que les réseaux sociaux prennent trop de place dans la vie des enfants aujourd’hui?

Je ne suis pas censeur sur ce sujet. Je vois mon fils, il joue beaucoup plus que ma fille qui, elle, se tourne plus vers la communication, sur des ­groupes de réflexion. Ce sont des espaces de liberté incroyables. Ils se parlent, communiquent beaucoup. Après, cela peut durer des heures et donc il faut faire attention. Il faut comprendre, réfléchir et agir. Je ne veux pas interdire, je ne veux pas que mon fils soit marginalisé, mais je veille à ce qu’il ne passe pas des heures là-dessus et qu’il fasse du sport et du “collectif”. On a envie de transmettre une partie du plaisir qu’on a eu et j’ai eu beaucoup de plaisir dans le collectif et le sport.

C’était important pour vous de tourner en Corse, un endroit qui est proche de votre roman familial?

On a fait des repérages ailleurs, mais je me rendais compte que rien ne correspondait. En Corse, il y a cette proximité entre la forêt et la rivière, on peut s’échapper et rapidement être dans le maquis. C’est vrai que je raconte beaucoup de mon enfance dans ce film… Les cousins dans la forêt, la bande, aller se cacher, pêcher, se battre… Cette beauté-là, je ne la trouvais pas ailleurs.

C’est un film à voir sur grand écran. Quel est votre sentiment sur les salles qui se vident?

Ça m’inquiète. Je n’ai pas de mépris pour les plateformes, je crois qu’elles amènent quelque chose mais il n’est pas nécessaire qu’il y ait cannibalisation d’un certain cinéma. Ça ne sert à rien. Je m’implique beaucoup en France dans la Société des réalisateurs de films… On s’est rendu compte que l’idée de la diversité n’intéressait pas beaucoup les plateformes. Elles veulent produire dix films par an et le peu qu’elles investissent, parce qu’elles n’investissent pas tant que ça, c’est plutôt dans des films à gros budget, pas dans le cinéma d’auteur. Quand vous faites un film en France pour le cinéma, vous avez un distributeur, un vendeur à l’étranger, un producteur et différentes sources de financement. Vous êtes assez libre comme cinéaste. Quand vous faites un film avec une plateforme, votre financier est aussi votre distributeur ou votre diffuseur. Là, vous n’avez plus aucune liberté. L’idée que le réalisateur soit au centre d’un film, que faire un film c’est avoir un point de vue sur une histoire, cette idée-là risque de dispa­raître. C’est beaucoup pour ça que je me bats.

Comédie - La petite bande ***
Réalisé par Pierre Salvadori. Avec Colombe Schmidt, Aymé Medeville - 106’.

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