
Echappées belges

Lorsqu’on évoque Les paysages de Belgique, l’on s’attend à voir ou à revoir les paysages types de nos régions: la mer du nord, ses plages et ses dunes, la Meuse pittoresque, les bords de la Lys, les paysages industriels de Wallonie, les belles forêts d’Ardenne. Et c’est effectivement à travers ces images-là, que les artistes du 19e siècle - Boulanger, Artan, Louise Héger, Anna Boch, Evenepoel, Pierre Paulus - expriment le paysage de la toute jeune Belgique. Comme s’ils voulaient en faire l’inventaire. Et c’est le plus souvent superbe. Très vite, au Musée d’Ixelles, on constate cependant que l’ancrage territorial s’efface peu à peu au profit d’autres expérimentations plastiques ou d’autres projections de sensations. Denis Laoureux, spécialiste de l’art belge et commissaire de l’exposition, met subtilement en valeur cette évolution, en posant, étape par étape, de nombreuses questions.
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Comment par exemple l’art belge exprime-t-il le monde industriel quand celui-ci se fracasse dès la fin des années 60? Parfois par une forme de dérision, comme celle chère à Jacques Charlier, se mettant lui-même en scène en train de creuser une tranchée à flanc d’un terril liégeois (Canalisations souterraines, une caricature des dernières tendances paysagistes, 1969). Et lorsque la pénombre transforme un paysage, comment nos artistes le gèrent-ils, que reste-t-il de la nuit dans leurs tableaux sur la nuit? Réponses avec Vogels, Stevens et surtout Léon Spilliart et son superbe Marine, nocturne (1900). Autre interrogation: comment faire entrer un nuage, vaporeux par définition, dans une œuvre d’art au contour défini? Nombre d’artistes se sont frottés à cette immatérialité, dont James Ensor ou encore Magritte, mais c’est le photographe contemporain Hervé Charles, dont les images apparaissent sur film transparent, qui nous surprennent sans doute le plus. Restent les paysages intérieurs, les territoires imaginaires, où l’on rencontre Félicien Rops, Paul Delvaux, Pol Bury ou encore le Puttebos, photographié au sténopé par Felten-Massinger en 2002. Viennent encore les abstraits, pour qui le paysage ne peut être que sublimé, réinventé, Wyckaert, Bram Bogart, Ubac, Serge Vandercam... On le voit, à travers cette thématique apparemment “classique” du paysage, c’est à un véritable tour d’horizon d’un peu moins de deux siècles d’art belge, de ses recherches, de son dynamisme et de son originalité que l’on nous convie. Et c’est passionnant.
> PAYSAGES DE BELGIQUE, jusqu'au 20/9. Musée d’Ixelles. www.museedixelles.be