
Bruegel en mode Google

Avions-nous vraiment bien regardé auparavant ces inquiétantes créatures à la fois hommes, poissons, gnomes, jetées dans les abysses par Bruegel dans son tableau La chute des anges rebelles (1562)? On en douterait presque après avoir revu ce chef-d’œuvre conservé aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles (MRBAB) via un nouveau dispositif, la Bruegel Box. Soit une vidéo, projetée sur trois murs, du sol au plafond, et nous livrant une imagerie superbe, en ultra haute résolution, nous plongeant en plein 16e siècle. Deux autres Bruegel suivent en boucle: La prédication de saint Jean-Baptiste (1566, musée de Budapest) et Les proverbes flamands (1559, musée de Berlin).
Impressionnante, cette immersion n’est qu’un volet du projet Bruegel. Unseen Marsterpieces, né d’un échange entre le musée bruxellois et l’Institut Culturel de Google, expert en digitalisation, et ce en prévision du 450e anniversaire en 2019 de la mort de Bruegel. En effet, peints pour la plupart sur des panneaux de bois, difficilement transportables et très fragiles, les 40 Bruegel encore visibles de par le monde ne quittent plus leurs musées. Grâce à ce nouveau projet, douze Bruegel, conservés dans huit musées internationaux, dont nos MRBAB (deuxième collection de Bruegel au monde, après le musée de Vienne), peuvent aujourd’hui déjà être admirés en ligne, les images révélant grâce à la technique du gigapixel de Google ce que l’œil souvent ne voit pas ou mal. "Nous accompagnons les visiteurs au plus près de scènes à la fois étranges et familières des peintures de Bruegel. Comme si nous étions conviés, il y a 500 ans, à un mariage flamand, une sortie en patins à glace ou une fête de moisson" explique Amit Sood, directeur de l’Institut Culturel de Google.
Pour revenir in situ, au musée bruxellois donc, en plus de la Bruegel Box, l’œuvre est également accessible, au cœur de la collection, via des bornes interactives. Et avec l’aide d’une "cardboard" (un masque) et un smartphone connecté à la chaîne Youtube des MRBAB (voir ci-dessous), l’on peut aussi accéder à une animation à 360° et en 3D. La technologie sera également bien présente en 2019 dans la Maison Bruegel qui, à l’initiative des MRBAB, s’ouvrira rue Haute à Bruxelles, où le maître flamand serait né. Si Michel Draguet, directeur du musée et porteur enthousiaste du projet, est bien conscient que rien ne remplace l’expérience de l’œuvre originale, il considère aussi que "grâce à la technologie, c’est un nouveau dialogue qui s’engage entre les visiteurs et les peintures conservées au musée". Sans pour autant tomber dans la "disneyisation". De toute manière, le processus est en marche: l’Institut Culturel de Google s’est associé à plus de mille musées dans 70 pays pour présenter en ligne plus de 200.000 œuvres d’art et quelque 6 millions de photos, vidéos, etc.
> UNSEEN MASTERPIECES, jusqu'au 16/3/2020. Musées royaux des Beaux-Arts, 1000 Bruxelles. www.fine-art-museum.be