
Inside Magritte: la grande expérience immersive est prolongée à La Boverie

Qui ne connaît Magritte ou à tout le moins l’une ou l’autre image de son vocabulaire pictural? Sa fameuse pipe dont il nous dit qu’elle n’en est pas une. Ou encore son austère bonhomme coiffé d’un chapeau melon dont le visage disparaît derrière une pomme verte. À Liège, au musée de La Boverie, les oiseaux de Magritte se mettent maintenant à voler sur des écrans, un rocher s’anime dans un espace où des bilboquets tournoient. Grâce à une technologie numérique aujourd’hui bien huilée, la peinture du surréaliste y devient, en fondu enchaîné, spectacle et cinéma.
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C’est sur une musique d’Érik Satie qu’on entre, un peu perplexe, dans cette “expérience immersive”. Klimt, Van Gogh, Chagall ont déjà été, ici et là, les stars de ce nouveau type d’expos-attractions attirant un large public. Phénomènes de mode? Sans doute, mais aussi, pour un public intimidé par le sérieux d’une muséologie traditionnelle et en particulier un jeune public fou de technologie, l’occasion de se sentir plus à l’aise dans une démarche dont les codes paraissent plus séduisants.
Selon Charly Herscovici, président de la Fondation Magritte, cette expo happening est “une formidable opportunité”, car, pour célèbre et “iconique” que soit Magritte, elle est une manière de faire découvrir son œuvre à des publics qui n’ont pas l’habitude de pousser la porte des musées. Ici, à La Boverie, on est dans “un vrai musée” et on décide pourtant d’y accueillir ce type de projet immersif. Quatre tableaux rarement montrés, bien réels ceux-là et issus des collections liégeoises, précèdent l’expérience immersive dans une première salle. Une ligne du temps contextualise le parcours de Magritte et c’est alors seulement que le visiteur pénètre dans une salle à 360 degrés.
Pipes et bilboquets tournoient, prennent vie, tout comme ces petits personnages à chapeau melon et long manteau noir à la Magritte qui descendent du ciel le long des façades dans le fameux tableau Golconde (1953). On peut, bien entendu, se contenter de ce spectacle non sans poésie. On peut en même temps, après avoir scanné un QR Code à l’entrée, en apprendre davantage sur la façon de peindre de cet immense artiste belge entré dans la pop culture. Et approcher avec davantage de finesse son fabuleux univers, illustré ici en huit chapitres, allant du “cubo-futurisme” des débuts (1919-1924) à la “consécration” (1948-1967) en passant par la période des “affinités électives” où un arbre peut se réduire à une seule feuille dont la tige devient le tronc. On plonge encore dans le “surréalisme plein soleil” (1934-1947) survolé par un célèbre oiseau-ciel évoquant la paix retrouvée. Pour conclure, Charly Herscovici ajoute: “Ce roi de l’image, en exposition virtuelle et immersive? Mais comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt?”
La jeunesse illustrée 1937
Un chemin de campagne où, sous un ciel chargé, se succèdent un tonneau, un buste, un lion, un billard, un vélo, un tuba, un grelot, un lit, une forêt… Présentée en ouverture du spectacle immersif de La Boverie, avec trois autres tableaux issus des collections du musée liégeois, cette gouache balaie une grande part de l’univers de Magritte. Elle cautionne le spectacle virtuel et immersif qui va suivre…

© Musée des Beaux-Arts, Ville de Liège. © Succession René Magritte-Sabam, Belgium 2021
L’embellie 1941
Des femmes nues portant gracieusement à bout de doigts une rose, un œuf, un oiseau… La plupart des femmes représentées dans les tableaux de Magritte sont souvent un même et seul modèle - Georgette, son épouse depuis 1922. Magritte déclara un jour: “Tout ce que je sais de l’espoir que je mets dans l’amour, c’est qu’il n’appartient qu’à une femme de lui donner réalité”.

© Grossmedia Group, Milano, Fabbrica del Vapore, 2018 / Photothèque R. Magritte/Adagp Images, Paris/SCALA, Florence-Succession René Magritte-Sabam Belgiun 2021
La saveur des larmes 1948 et La mémoire 1948
Réunis dans cette expérience immersive, un grand oiseau-feuille mélancolique grignoté de l’intérieur par une chenille et une tête en plâtre de femme portant une tache de sang sur la tempe. S’agit-il d’un spectacle comme le suggère la présence, dans les deux œuvres, d’un rideau rouge? Ces tableaux datent de la même époque, celle du retour de Magritte, après sa “période vache” aux tons criards, à une peinture plus lisse qui continue à saper nos certitudes.

© Grossmedia Group Firenze, 2019/Photothèque R. Magritte/Adagp Images, Paris/SCALA, Florence-Succession René Magritte-Sabam Belgiun 2021
INSIDE MAGRITTE, prolongée jusqu’au 18/4/22 inclus. Musée de La Boverie, Parc de La Boverie 3, 4000 Liège.
Covid Safe Ticket obligatoire. www.expo-insidemagritte.com