
Le prix Goncourt couronne Mohamed Mbougar Sarr

Né au Sénégal en 1990, installé depuis 2009 en France où il est venu poursuivre ses études, Mohamed Mbougar Sarr entre dans l’histoire du prix Goncourt en lui léguant l’un des romans les plus imposants et les impressionnants jamais plébiscités par les membres du prestigieux jury (et même si on n’a pas lu l’ensemble des livres couronnés depuis la création du prix en 1903!) Folie littéraire sous forme de dédale où se croisent l’enquête, le récit, le témoignage, l’interview et la réflexion – La plus secrète mémoire des hommes met en scène un jeune écrivain d’origine sénégalaise, le très charismatique Diégane Latyr Faye – obsédé par le livre maudit de celui que tout Paris appelait, en 1938, le «Rimbaud nègre.»
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Ce livre - Le labyrinthe de l’inhumain - est signé T.C.Elimane, mystérieux écrivain venu (lui aussi) du Sénégal, adoré de ses éditeurs, un couple de Parisiens qui lui fera découvrir le milieu libertin de la capitale, et homme déchu après la découverte des emprunts littéraires qu’il s’est autorisé à faire pour écrire son roman. En 2018, hypnotisé par son propre fétichisme, fasciné par la personne d’Elimane, Diégane Latyr Faye tente de reconstruire son parcours et l’accident intellectuel qui le fera sombrer dans la disgrâce, et puis dans l’oubli. Commence alors l’épopée de La plus secrète mémoire des hommes qui tient à la fois du thriller érudit, du rituel magique et du feu d’artifice un soir de fête nationale.
La construction d’une apparence désordonnée bascule le lecteur d’un lieu à l’autre (Dakar, Paris, Amsterdam…), d’une époque à l’autre (1938, 1948, 1980, 2018…) et multiplie les voix qui, tour à tour, disent ce qu’elles savent ou ce qu’elles croient savoir de T.C.Elimane. L’ensemble – d’une maîtrise redoutable – fait écho à des moments cruciaux de l’histoire – le colonialisme, la Shoah, la première conflit mondial, mangeuse d’hommes parmi lesquels ces Sénégalais venus défendre une France dans une guerre qui n’était pas la leur…
Le tout est chapeauté par un frontispice sur lequel Mohamed Mbougar Sarr grave quelques pensées des plus fortes sur le sens du métier d’écrivain, distribuant au passage les uppercuts aux mœurs du microcosme littéraire, séduit par les modes et affamé de nouveautés. Précieuse et précise; lyrique, poétique mais pourtant cash, l’écriture dans La plus secrète mémoire des hommes est un fuel d’or qui fait rugir un texte où l’on assiste au spectacle de la littérature en train de se faire. Là, sous nos yeux. C’est vertigineux.
La plus secrète mémoire des hommes, Editions Philippe Rey-Jimsaan, 459 p.