
Tac au Tac avec Amélie Nothomb : "Plus le temps passe, plus c’est difficile"

Cette année, vous publiez un roman autobiographique, Psychopompe, un texte très intime et très personnel. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je continue à vous interviewer: tout est dans vos livres…
C’est très vrai, ce que vous dites, et vous continuez à m’interviewer parce que ça me fait plaisir. J’écris des livres pour que vous puissiez m’interviewer car c’est toujours un bon moment.
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Psychopompe évoque, entre autres, votre amour des oiseaux. Si vous étiez un oiseau, lequel seriez-vous?
J’adorerais être un engoulevent oreillard, une espèce d’oiseau dragon, mais ce serait quand même un peu me vanter… Je pense que je suis un composé de plusieurs oiseaux - entre une buse et un engoulevent oreillard.
Vous dites “Écrire, c’est voler”. Comment vous sentez-vous quand vous êtes en plein vol?
Ce sont les meilleurs moments de ma vie. Quand la sensation d’écrire correspond exactement à la sensation du vol, je me dis que j’ai trouvé ce que je voulais. C’est une sensation grandiose, effrayante et, en même temps, de sécurité.
Si vous volez en écrivant, et si vous écrivez en volant, peut-on dire que vous êtes perchée?
Sans aucun doute et, à mon avis, bien plus qu’on ne le pense.
C’est-à-dire?
Souvent je m’observe vivre et je me dis: “Qu’est-ce que tu es en train de faire?” Je me rappelle à l’ordre, mais je continue à faire mes énormes bêtises.
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Vous vous êtes brûlé les ailes?
Je n’arrête pas! Je suis incapable de prudence et ça me joue de sacrés tours…
Écrire, c’est voler comme un oiseau, c’est aussi voler comme un voleur. Écrire, c’est chiper?
Comme l’oiseau doit apprendre à voler avec ses parents et en suivant l’exemple des autres, j’ai fait comme eux. J’ai regardé comment les autres faisaient. Sans les voler, j’ai regardé ce qu’ils faisaient et j’en ai fait ma chose.
Psychopompe aborde des questions graves. Vous évoquez un viol, l’anorexie. Décidez-vous de ces thèmes avant de commencer à écrire ou surgissent-ils dans le processus d’écriture?
Ils surgissent dans le processus d’écriture. Je ne me dis pas en commençant “Bon, je vais faire telle révélation”, ça ne se passe pas ainsi. Quand la scène du viol est apparue, je me suis dit que… Que c’était inévitable que je l’écrive…
Vous aviez douze ans…
Douze ans et demi.
On retrouve ici votre père, votre mère, votre sœur, votre frère… Ces gens sont-ils ravis d’être dans vos livres ou fatigués?
Ils sont ravis, même si mon frère est un peu agacé, il trouve que je ne parle pas assez de lui…
Ce n’est pas faux…
Disons qu’il n’est pas celui qui m’obsède le plus, mais qui sait, cela viendra peut-être un jour.
C’est un vrai reproche qu’il vous fait aux repas de famille?
Il me l’a dit pas plus tard que cet été. Il m’a dit: “Pourquoi seulement deux lignes?”
Vous prétendez qu’écrire tous les jours vous rappelle combien c’est difficile. Tout le monde pense que c’est très facile d’écrire quand on est Amélie Nothomb…
Je ne sais pas comment leur dire: plus le temps passe, plus c’est difficile.
PSYCHOPOMPE, Albin Michel, 157 p