Saule : "Je suis conscient de ma chance"

Dix ans de carrière, un quatrième album placé sous le signe de l'"Eclaircie" et toujours cette envie d'avancer. A la veille de ses quarante printemps, Baptiste Lalieu tient la toute grande forme. Et il le fait savoir. 

Saule ©Paul Rousteau

Je reviens”, chante Baptiste Lalieu sur son quatrième album “L’éclaircie” qui sort ce 18 novembre. Et si l’artiste ne nous a vraiment jamais quittés depuis ses débuts discographiques sous le nom de Saule et les Pleureurs voici dix ans, il s’agit bel et bien d’un retour. Un retour à l’essentiel. “Après mon album “Géant”, je suis passé par une longue phase d’introspection, avoue-t-il. Je me suis posé beaucoup de questions sur mon identité musicale, sur mon rôle de père, de compagnon, de citoyen. La lecture de l’ouvrage Le pouvoir du moment présent d’Eckart Tolle m’a beaucoup aidé. Je sortais de l’expérience Dusty Men qui m’a appris qu’il y avait un revers à toute médaille. Je franchis le cap de la quarantaine avec tout ce que cela implique comme réflexion. Cette chanson, Je reviens, a été écrite il y a quatre ou cinq ans mais c’est elle qui fournit le thème majeur de ce nouvel album. C’est comme un toast que je porte à la vie.” La vie, il en est aussi question sur le magnifique Delove Song, autre moment phare de “L’éclaircie”. De sa plume qu’on n’a jamais connue aussi mûre, Saule se fait (nouveau) philosophe. “La vie est trop courte pour qu’on la finisse à bout de souffle.”  Une petite phrase de rien du tout qui renvoie à la frénésie entraînée par Dusty Men, tube monstrueux des années 2012/2013 chanté en duo avec un certain Charlie Winston. Cent mille singles vendus. Dix millions de streams. Huit mois de présence dans le top des chansons les plus diffusées sur les radios en France. 

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Les portes restent ouvertes en France

Un missile dont il a perdu le contrôle. “Je n’avais jamais connu ça. C’était tout aussi inédit pour ma firme de disques, mon entourage professionnel, ma famille. J’étais invité partout à chanter Dusty Men avec Charlie. J’ai fait Drucker, Taratata, c’était dingue. Je ne voyais plus ma famille, j’étais pris dans un tourbillon. Et puis, on a sorti un nouveau single en France qui n’a pas fonctionné. Je lisais la déception sur le visage des gens qui s’occupaient de la promotion de “Géant”. On s’attendait à passer à une étape supérieure et cette étape n’est pas venue. Tout le monde connaissait Dusty Men, mais personne n’identifiait Saule. Les gens se demandaient:  “C’est qui ce mec qui chante avec Charlie Winston?” Certains pensaient même que c’était Matthieu Chedid, voire Julien Doré. Mais je ne regrette rien. Cette chanson, c’est moi qui l’ai écrite. Personne ne pourra me l’enlever. Les portes restent ouvertes en France, mais je sais aussi que je ne passerai plus autant de temps loin des miens.” Vous l’aurez deviné, il n’y a plus de duo sur “L’éclaircie”. Il n’y a pas de Dusty Men II. Il n’y a pas de Charlie Winston (“On reste super proches”). Mais il y a un chanteur, auteur et compositeur qui sort requinqué de l’aventure. Un Saule dont les branches ont plié mais qui a su se redresser comme un homme. Un vrai. Un géant?

Émotion et fragilité

Oui, mais qui n’a plus peur de montrer toute la fragilité de l’existence. Sommet émotionnel du disque, le morceau L.C. (Elle sait ) évoque ainsiles coups de canif au contratportés par ces musiciens tentés par les groupies faciles en tournée. L’éclaircie, qui donne son titre au disque, revient sur le thème de la quête artistique de Baptiste. Sur cet album enregistré par Mark Plati (David Bowie, The Cure, Hooverphonic) au studio ICP de Bruxelles avec son groupe de tournée, on entend aussi bien des guitares rock que des violons, des ballades que des envolées up- tempo. Il y a une œillade au I Want Your Love de Chic sur Respire et des sanglots dans Les hommes pleurent.
Un jour, j’ai vu un homme dans le métro qui s’est mis à chialer devant tout le monde. Sa femme était à côté de lui et essayait de le consoler, mais en vain. J’ai trouvé ça à la fois impudique et beau. Je n’aurais jamais été capable d’écrire sur un tel sujet il y a encore deux ou trois ans. Je me souviens de cette interview de Serge Gainsbourg qui disait: “Si j’avais dû me demander ce que mes proches allaient penser de mes morceaux, je n’aurais jamais écrit un dixième de mes chansons”. Je n’ai plus peur aujourd’hui de ce que les gens vont penser de Saule. Je laisse libre cours à mon écriture. J’ai aussi réussi à me détacher de ce côté fanfaron qui me collait à la peau à mes débuts. Sur la base d’une chanson comme Madame Pipi ou de mini-sketches que j’improvisais sur scène, on m’avait mis dans une case Bénabar ou Tryo. Je m’en éloigne aujourd’hui. Il y aura peut-être une partie du public qui va regretter cette évolution, mais ceux qui me suivent depuis le début savent aussi que je ne fais jamais deux fois le même disque.”
À la sortie de “Géant” en 2012, Moustique avait parlé de disque de la consécration”. Je pense que Charlie Winston (réalisateur de “Géant”) était aussi fier que moi de cette chronique élogieuse. Après deux albums de chanson française (“Vous êtes ici” en 2006 et “Western” en 2009), j’avais envie de toucher à la pop et Charlie Winston était la personne idéale pour m’introduire dans ce monde. Avec “L’éclaircie”, j’avais envie d’autre chose. En fait, j’avais envie d’être moi-même. Soit un mec de quarante ans, qui a une épouse, un gamin de neuf ans et un autre de cinq. L’actualité est en berne. Je dois expliquer à mes mômes pourquoi il y a des militaires dans les rues. Je vois autour de moi des couples qui se déchirent. On est dans un monde de The Walking Dead et pourtant on avance. C’est ça qui est magnifique. J’ai d’ailleurs failli appeler ce disque “Et pourtant je marche”.”
L’éclaircie” marque donc les dix ans d’une carrière sous le nom de Saule, qui n’a jamais stagné. Mine de rien, c’est peu commun. Peu d’artistes francophones ont eu l’opportunité de parcourir un tel chemin. Je suis conscient de ma chance. Alors que le marché du disque s’écroule, je suis encore hébergé par un label qui a envie de sortir et de promouvoir un album de Saule. En juillet dernier, j’ai été l’invité de dernière minute aux Francofolies de Spa. C’était plein à craquer et il y avait devant moi plusieurs générations de spectateurs qui reprenaient en chœur mes chansons. Je me dis que tant je ne m’emmerde pas dans mon métier, le public ne s’ennuiera pas non plus. Et je continue mais à mon rythme. Je dois trouver le bon équilibre. Je veux encore me renouveler comme artiste mais j’ai aussi envie de voir grandir mes enfants et de passer plus de temps à la maison.” Un mec bien, ce Baptiste.

Le 22/07 aux Francofolies de Spa.

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