

Toutes les précautions sont prises pour ne pas dévoiler la présence de Måneskin à Bruxelles le lendemain de leur concert à Ronquières. À chacun de leurs déplacements, les quatre Italiens voient débarquer des centaines de fans. Pour ne pas provoquer d’attroupements, le déroulement des interviews est donc tenu à la confidentialité. Les membres du groupe n’hésiteront cependant pas à prendre leur pause cigarette devant l’hôtel et d’aller malgré tout à la rencontre des quelques fans qui passaient par là.
Depuis leur victoire à l’Eurovision, la formation de glam rock déjà bien connue en Italie après leur participation à l’émission télévisée X-Factor, connaît un succès fulgurant. Leur reprise du tube “Beggin’” est entrée dans les classements internationaux, tout comme “Zitti e Buoni” et bientôt “I Wanna be your Slave”.
Damiano David, Victoria De Angelis, Thomas Raggi et Ethan Torchio sont devenus des rock stars en quelques mois à peine. Rencontre avec la bassiste et le guitariste, quelques heures avant leur départ pour l’Italie.
Lors de votre concert à Ronquières, vous avez majoritairement fait des reprises. Vous essayez de vous adapter au public européen ?
Victoria De Angelis : On change la setlist en fonction des lieux et de ce qu’on ressent sur le moment. Quand on est en Italie, on chante plutôt des chansons en italien. On a toujours aimé faire des reprises et donner au public nos interprétations des morceaux. On pense que c’est aussi une manière de soutenir les autres artistes. J’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de compétition entre les artistes. Je vois pas mal de gens qui nous comparent mais ce n’est pas un combat, c’est juste de la musique, elle doit être partagée et appréciée.
Au plus vous devenez connu à l’étranger, au moins allons-nous vous entendre en italien dans vos prochaines chansons ?
V. A. : Oui, je pense. Si cela nous permet d’avoir la chance d’approcher un public plus international, on va aller vers plus de chansons en anglais. Mais on va quand même continuer de chanter en italien.
Thomas Raggi : Cela va sans doute dépendre des chansons. Je crois que c’est une très bonne chose d’avoir le choix et de s’exprimer de différentes manières pendant le processus créatif.
Lors de vos premiers concerts donnés dans les rues de Rome, vous repreniez des chansons plutôt reggae. Votre premier album est dans une lignée plutôt ska, voire folk. Comment êtes-vous arrivé au rock ?
V. A. : On était très jeunes quand on a commencé à jouer, on avait à peine 14 ans ! On ne savait pas encore qui on était musicalement. Il faut développer son style, ses goûts. On mélangeait tout à l’époque. On pouvait écouter une chanson de rap qu’on trouvait cool et directement après se dire qu’on allait se lancer là-dedans. Après avoir beaucoup donné de concerts, on a compris ce qui nous représentait le mieux. On s’amusait le plus sur scène quand on jouait des chansons de rock.
Pensez-vous que c’était risqué de prendre cette voie-là ? Le rock n’est pas un genre plébiscité en Italie.
V. A. : Oui, c’est sûr. On a passé un an à se battre avec tout le monde. On nous disait que ça n’allait pas marcher, on a essayé de nous dissuader d’aller vers ce style. On a su convaincre notre entourage que la chose la plus importante pour nous était d’être heureux et d’avoir des chansons qui nous représentaient.
Aujourd’hui, votre pari est réussi. Comment expliquez-vous cette ascension fulgurante ?
V. A : Je crois que c’est notamment parce qu’on reste plutôt ouvert d’esprit. Par exemple, l’Eurovision nous a permis de partager notre musique avec une immense audience. Mais beaucoup de groupes de rock n’auraient pas participé car ils estiment que c’est trop populaire ou que les vrais groupes de rock ne vont pas dans ce genre d’événement. On ne s’arrête pas à ce genre de stéréotypes. Pour nous, la musique est la seule chose qui compte. On s’en fiche si des personnes ont des préjugés parce qu’on a été dans un concours.
Comment gérez-vous toute cette notoriété ?
V. A.: On a vraiment plus beaucoup de temps libre. On n'a pas encore pu vivre la vie normale, la simple vie quotidienne depuis l'Eurovision. Pour le moment, on profite le plus possible d'avoir la chance de voyager, de jouer partout et de rencontrer plein de gens. Quand on retournera dans notre vie normale, on retrouvera nos anciens amis, notre famille et on essayera de garder les pieds sur terre.
Votre prochain concert aura lieu en Pologne. La dernière fois que vous avez joué là-bas, vous avez ouvertement défendu la cause LGBTQ + et dénoncé la politique du pays à ce sujet. C’est important pour vous de prendre position ?
V. A : Absolument. On a grandi en Italie où les gens peuvent être assez fermés d’esprit sur ce sujet. Il y a encore beaucoup de travail pour obtenir les mêmes droits. On a la chance d’avoir une plateforme et une grande communauté donc il faut en parler. On sait à quel point ça peut être difficile pour des personnes de s’accepter. On veut que notre public se sent à l’aise d’être qui il est. On veut faire passer ce message de toutes les manières possibles. Cela va de la musique que l’on joue aux vêtements que l’on porte et par les choses qu’on dit.
Que peut-on attendre de votre prochain album qui est prévu pour la fin de l’année ?
V.A : On veut prendre le temps de bien faire les choses. Ces temps-ci, on a tellement de choses à faire, on a plus le temps de vraiment se poser, d'écrire des chansons et de passer en studio. On veut être à 100% présent dans le processus. Pour cette raison, on ne veut pas vraiment planifier une date de sortie pour le moment. Ce qui est sûr, c'est ce que cet album nous représentera, on restera sur le même genre que l'album précédent.
Interview : Louise Hermant