
"30": la recette du succès selon Adele

“Je dois être l’une des artistes les plus punk de la scène actuelle. Ma musique ne l’est pas, mais ma manière d’évoluer dans ce milieu est très punk.” Adele a réservé cette punchline à Vogue, seul magazine à avoir décroché une interview exclusive en amont de la sortie de son quatrième album “30”, une pure merveille sortie ce vendredi 19 novembre. L’autre grand rendez-vous média a été orchestré par Oprah Winfrey qui a accueilli l’artiste pour un tête-à-tête, à voir le 3 décembre en télé. Et c’est vrai qu’Adele brille autant par son talent que par son anticonformisme. En 2015, lors de la sortie de “25”, elle avait ainsi bloqué pendant plus de six mois la diffusion de ses nouvelles chansons sur les plateformes de streaming. “Un suicide commercial alors que plus personne n’achète et n’écoute un album dans son entièreté”, avertissaient alors les experts. L’audace de la chanteuse anglaise a payé. “25” s’est écoulé à plus de 25 millions d’exemplaires que les fans écoutent toujours religieusement du premier au dernier titre. La plus grosse vente musicale de ces dix dernières années.
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Ce n’est pas le seul pied de nez de la chanteuse aux règles de l’industrie du disque. Alors que tous les labels et les conseillers en communication poussent les artistes à rester “visibles” sur les réseaux sociaux dans l’attente d’un nouvel album, Adele a choisi le marketing du silence. Pas du genre à publier une photo de son chien sur Instagram, elle refuse aussi de faire des featurings, dont les algorithmes des playlists Spotify sont pourtant friands. Elle s’est toujours aussi montrée très sélective dans ses concerts, délaissant à de rares exceptions la très lucrative saison des festivals en plein air.
Quant à l’épineux problème de la célébrité, elle l’a résolu en restant anonyme. Une anecdote? Pour son interview exclusive, la journaliste de Vogue a rendez-vous avec Adele au très glamour restaurant du Bel-Air Hotel à Los Angeles. La chanteuse a débarque en sweat et pantalon de jogging. “J’ai grandi dans les quartiers populaires de Brixton, à Londres. J’ai quitté Brixton (elle vit avec Angelo, son fils de neuf ans, en Californie), mais Brixton est toujours resté en moi”, s’est-elle justifiée à notre consœur.

© Simon Emmett
“Adele a toujours travaillé selon ses propres règles et sorti ses disques quand elle le sentait et pas en fonction d’un calendrier fixé par son label. Et quand elle n’a pas d’album à promouvoir, elle se tait”, analysait récemment dans les colonnes du Guardian Emily Eavis, coorganisatrice du festival Glastonbury qui a invité Adele en tête d’affiche en 2016. “Mais en agissant de cette manière, c’est à chaque fois un événement mondial lorsqu’elle propose une nouvelle chanson. Et la qualité est toujours au rendez-vous.”
C’est encore le cas avec “30”. Oubliez Ed Sheeran, Coldplay ou le retour d’Abba. Avant même sa sortie, ce quatrième album d’Adele est déjà le plus gros carton mondial de l’année. Son single Easy On Me a explosé tous les records tandis que les précommandes de “30” font tourner à plein les usines de pressage de vinyles et de CD. “Il n’y a rien qui va surpasser Adele en cette fin d’année, nous explique ce vendeur de MediaMarkt. Si vous n’avez pas d’idée de cadeau, vous prendrez “30”, car ça plaît à tout le monde. Même ceux qui n’achètent qu’un seul disque par an se rabattront sur celui-là les yeux fermés. Vous ne pouvez pas vous louper avec Adele. Elle est au-dessus du lot.”
https://www.youtube.com/watch?v=U3ASj1L6_sY
Intimiste mais universel
Sa voix de mezzo-soprano, la qualité des orchestrations et ses compositions n’expliquent pas tout. Comme ses précédents albums, “30” est autobiographique, mais tout le monde peut s’y reconnaître. “Rupture, chagrin, spleen… Sur mes disques précédents, j’avais tendance à rejeter la faute sur les autres. Sur '30', je commence à comprendre que le problème, ça peut être moi aussi”, explique-t-elle dans Vogue. Riche de douze chansons écrites par elle et arrangées par un bataillon de producteurs, “30” évoque son divorce avec son ex-mari Simon Konecki, son rôle de mère mais aussi sa vie de tous les jours qui, somme toute, ressemble à la nôtre et à celle de votre voisine. Adele chante comme personne mais ce qu’elle chante appartient à tout le monde. Fière de ses “simples” plaisirs (My Little Love sur sa relation avec Angelo ou I Drink Wine sur ses penchants pour le vin rosé), elle a transformé le naturel en glamour. Quand nous l’avions rencontrée peu avant la sortie de son premier album “19” en 2008, Adele fumait une clope, buvait un verre de Whispering Angel, riait très fort comme une secrétaire anglaise de sortie au pub un vendredi soir et citait dans la même phrase les Spice Girls et Billie Holiday comme modèles. Elle n’a pas dû beaucoup changer.
30, Melted Stone/Columbia Records