La longue dérive réactionnaire d'Eric Clapton

Le guitariste a gagné un procès l'opposant à une femme qui cherchait à revendre sur e-bay un CD pirate pour la modique somme de 9,95 euros. Un malaise qui s'ajoute à ses nombreuses déclarations antivax depuis un an. A-t-on perdu Eric Clapton ?

Eric Clapton
Belga

Pas évident de vieillir quand on est une rock star. Que penser de Roger Daltrey qui appelle à voter pour le Brexit ? Ou de John Lydon comparant Donald Trump aux Sex Pistols de la politique ? Ou encore du soutien de Morrissey pour le parti d'extrême-droite For Britain ? Pas grand-chose, à part ressentir un gros malaise.

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Nos idoles d'antan sont-elles condamnées à virer réactionnaires ? Pour beaucoup d'entre elles, elles continuent au contraire à faire ce qu'elles ont toujours fait : défier l'establishment, le pouvoir en place, choisir l'alternative. Même si cette alternative est plutôt d'extrême-droite ou complotiste ?

Pas simple... Ces derniers temps, c'est Eric Clapton qui fait parler de lui. Déclarations douteuses sur les méfaits du vaccin, soutien financier à Jam for Freedom, un groupe prônant la parole antivax lors de concerts plus ou moins improvisés en plein air et cette histoire de procès fait à une veuve pour un CD pirate acheté dans les années 80 et mis en vente à 9,95 euros sur e-bay.... Rebelle ou réactionnaire ? Faisons le point.

Roger Daltrey et Eric Clapton

Roger Daltrey et Eric Clapton - Belga

Financement d'un groupe antivax

Dans une longue enquête de Rolling Stone, le journaliste David Browne, interpellé par les déclarations complotistes de son ancienne idole depuis un an, a découvert qu'Eric Clapton avait financé un groupe antivax, Jam for Freedom. De quoi s'agit-il ?

Jam for Freedom improvise des concerts en plein air sur la place publique pour prôner la bonne parole libertaire et antivax. Logiquement, le groupe a régulièrement affaire à la police qui a tendance à mettre rapidement fin aux festivités. Un jour, cela a sonné le glas de leur van de tournée. C'est alors qu'Eric Clapton en personne est intervenu, leur offrant 1.000 £ et de leur prêter son propre van pour que le groupe continue son activité.

Lors d'une rencontre chez lui, Clapton a répété au leader du groupe, Cambell McLaughlin : « Vous faites ce qu'on faisait dans les sixties », à savoir s'élever au nom de la liberté contre le contrôle du gouvernement et de la société. Et de fait, c'est pas faux, comme dirait l'autre. Du moins, si on ne prend pas en compte la situation sanitaire qui reste bien réelle dans les hôpitaux...

Ceci étant posé, le fait de payer 1.000 £ signifie-t-il vraiment « financer » un groupe d'antivax ? Probablement pas. D'un autre côté, comme un internaute l'a mis en évidence sur Twitter, certains comme David Gilmour préfèrent dépenser leur richesse en transformant leur manoir en maison d'accueil pour les sans-abris. Chacun son style...

Tendances complotistes et antivax

Une chose est certaine, le confinement et la crise épidémique ne font pas du bien à Clapton. Ce qui interpelle surtout, depuis un an, ce sont ses déclarations à tendance antivax et complotistes. Il avoue lui-même qu'il a été embrigadé par Ivor Cummins, un ingénieur irlandais vaccin-sceptique. Cloîtré chez lui, Clapton n'a eu de cesse de regarder les vidéos de Cummins – lequel est parvenu à lever 160.000 euros pour faire un documentaire...

Pour Clapton, le vaccin est une saloperie qui lui a bouffé son système immunitaire et nous sommes les marionnettes des puissants qui se jouent de nous pour nous faire taire. Il développe tout ça dans le clip d'un nouveau titre intitulé « This Has Got To Stop » qui arrive quelques mois après « Stand & Deliver », en duo avec Van Morrison, qui compare sans outrage le confinement à l'esclavage... « Do you want to be a free man/Or do you want to be a slave ». Cette comparaison a sonné la fin de son amitié avec Robert Cray, qui a refusé de faire sa première partie lors de sa récente tournée américaine.

Mauvaise réaction à AstraZeneca

Le fait est que depuis quelques années, la santé d'Eric Clapton décline. Il souffre de douleurs chroniques et d'une condition neurologique qui affecte ses mains. En clair, il a du mal à jouer de la guitare. Or, le double shot d'AstraZeneca n'a fait qu'empirer cette condition. Effets secondaires malheureux qu'il a expliqué dans une interview au média OracleFilms : « Mes mains ne fonctionnaient plus du tout. Ca a perturbé mon système immunitaire et l'a affaibli ». Pendant trois semaines, il a perdu complètement l'usage de ses mains.

Résultat, Clapton est remonté contre la vaccination. Dans l'article de Rolling Stone, parole est donnée à un médecin, le Dr Matthew Fink de Weill Cornell Medical College qui admet que le vaccin AstraZeneca peut avoir aggravé le mal dont souffre « Slow Hands ». « Ca peut affecter vos mains de manière assez sévère, donc je peux comprendre qu'en tant que guitariste, ça a dû l'affecter ». Mais, ajoute-t-il, « on ne va pas condamner tous les vaccins à cause de ces rares effets secondaires, parce que la réalité est que les vaccins sauvent des vies pour la grande majorité des gens. Les bénéfices sont bien plus nombreux que les risques. Je ne dirais jamais à personne qu'il ne devrait pas se faire vacciner ». Mais pour Clapton, tout cela, c'est de la "propagande".

Rock Against Racism

Ce qui gêne le plus, finalement, c'est que Clapton ressente à ce point le besoin de partager ses déboires et de dénoncer à tout va sans plus de recul que son expérience personnelle. Plutôt que de rester cloîtré dans son manoir en attendant que ça passe, il a besoin de partager, d'écrire une chanson sur la situation et de la chanter, bref, de jouer aux trolls sans vraiment savoir comme des milliards d'autres personnes. Or, ces déclarations à l'emporte-pièce en rappellent d'autres. Alors que quand il se tait, Eric Clapton a l'air du parfait gentleman, les rares fois où il ouvre la bouche sont souvent catastrophiques.

Ainsi de ce concert à Birmingham en 1976, où il urgait « les noirs, les arabes et les putains de Jamaïcains de quitter la salle et le pays pour garder une Grande-Bretagne blanche », appelant en prime à voter Enoch Powell, leader de l'extrême-droite britannique à l'époque. Pour un fan de blues qui venait de reprendre un titre de Bob Marley, ça la mettait un peu mal. Et encore plus pour ses fans.

De cette diatribe alcoolisée est né le mouvement Rock Against Racism lancé par des anciens admirateurs outrés par ces propos. C'était il y a très longtemps, certes. Mais c'est la seule fois où on a entendu Eric Clapton émettre une opinion politique...

Un CD pirate à 9,95 euros sur e-bay

En vérité, on aurait encore laissé le bénéfice du doute à celui qu'on appelait « Dieu » dans les années 60 si cette histoire de procès n'était pas venu entacher cette fin d'année. Durant la semaine, en effet, on apprenait ainsi que Clapton avait gagné son procès contre une femme allemande ayant eu le culot de vouloir vendre un CD pirate d'un concert de 1987 sur e-bay pour la modique somme de 9,95 euros.

Dans ce procès, Clapton a envoyé une déclaration sous serment à la Cour de Düsseldorf confirmant que les enregistrements sur ce disque étaient illégaux, ce qui a joué en sa faveur lors du procès qu’il a finalement remporté. Décision de la cour, l'inculpée doit désormais payer les frais de justice en plus d'une amende de 3.400 euros. Si elle maintient la vente sur eBay, elle pourrait aussi avoir un supplément de 250€ à payer ou carrément être incarcérée.

Cette dame de 55 ans ignorait qu'elle commettait une infraction, a-t-elle dit. Elle voulait juste vendre certaines affaires de son défunt époux. Elle assure que ce dernier avait acheté ce disque dans un magasin de musique tout à fait établi, comme cela se faisait dans les années 80 et 90 où on trouvait de ces CD pirates jusque dans les FNAC. Mais voilà, Eric Clapton, dont la richesse est d'environ 450 millions de dollars, s'est senti floué. Justice se devait d'être faite. Alors, rebelle, Clapton ? Vraiment ?

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