
Clara Luciani : retour sur le dancefoor

Article initialement publié le 11 juin 2021.
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Sorti en éclaireur au début du printemps, le single Le reste et son clip clin-d ’œil à Jacques Demy donnaient le ton. En 2021, trois ans après avoir décroché le triple platine et deux Victoires de la Musique avec son premier album, Clara Luciani voit la vie en couleurs.
Sur “Coeur”, la jeune femme née sous le ciel de Provence a mis de l’âme et du soleil. Il y a des cuivres, des rythmes de batterie à quatre temps qui donne la fièvre du samedi soir, des gros noms “frenchie chic” au générique (Sage, Yuksek, Breakbot, Julien Doré sur un duo). Moins de guitare rock qu’à ses débuts mais toujours ce désir féminin exprimé avec les mots justes.
La pandémie a-t-elle influencé les tonalités up-tempo de cet album ?
Beaucoup de chansons ont été écrites avant. En revanche, la crise sanitaire a eu un impact sur la production de l’album. Je n’avais pas envie d’entendre quelque chose de déprimant et de triste. Déprimée et triste, je l’étais déjà assez moi-même. J’ai voulu un album optimiste et dansant dans ses sonorités. Cœur a été ma bouée de secours ces derniers mois.
Avez-vous l’impression d’avoir négocié un virage artistique important avec "Cœur "?
Non, j’ai l’impression de proposer de nouvelles choses sans dénaturer ce qui fait mon identité. Même si le disque est plus léger dans ses sonorités, il y a de la profondeur dans les textes. C’est un travail d’équilibriste que de vouloir faire danser les gens tout en proposant aussi une autre lecture plus réfléchie. J’ai tenu ainsi à ce que l’album s’ouvre avec Cœur. C’est une chanson rythmée qui donne envie de s’évader. Mais elle dénonce le féminicide, un combat qui me tient à cœur. S’il y a un changement par rapport à Sainte-Victoire, il est de l’ordre météorologique. Il y a plus de soleil sur “Cœur”.
Quand vous chantez “J’sais pas plaire, j’sais pas faire”, c’est autobiographique ?
Bien sûr. Je suis très maladroite à ce jeu-là. Pour séduire, c’est toujours mieux de se trouver séduisante et ça n’a jamais été mon cas. A onze ans, j’étais déjà plus grande que ma prof. Ma taille, mon corps, mon visage…J’entendais les remarques dans mon dos, j’étais complexée. J’étais la fille qu’on ne draguait pas en soirée.
Vous en avez souffert ?
Oui, beaucoup même. Mais arrivée à l’âge adulte, j’ai réalisé finalement qu’il y avait du positif à en tirer. Parce que les personnes que j’attirais étaient celles que j’avais moi-même envie de séduire. C’étaient des gens comme moi, plein de doutes, plein de failles, plein d’ombres. Je me suis dit que finalement la vie était bien faite. Ces rencontres étaient plus rares, mais plus durables aussi.
Ces derniers mois, vous avez été présente sur les albums de Julien Doré, Julien Clerc, Raphaël et Calogero… Vous avez l’impression de faire partie de la grande famille de la chanson française ?
C’est mon côté hippie! J’adorerais faire partie d’une communauté. Ces collaborations, c’était une façon pour moi de dire que la vie et la musique continuaient malgré la pandémie. Nous avions tous besoin de ressentir ça alors qu’on ne pouvait pas se prendre dans les bras et faire la fête ensemble. La musique, c’est tout ce qui me restait. Pour l’enregistrement de mon disque, j’ai profité de chaque occasion pour inviter du monde. On a fait une session avec dix-huit cuivres. J’étais en larmes quand je chantais dans la cabine d’enregistrement. Tous les musiciens étaient masqués mais je voyais chaque paire d’yeux briller.
L’album se terminer par Au Revoir. A qui s’adresse cet adieu ?
Depuis que je suis toute petite, j’écris des chansons qui répondent à des pulsions comme la tristesse, la colère ou le sentiment amoureux. Mais avec Au Revoir, c’est la première fois que j’écris un morceau sur la peur. Au début de la pandémie, j’ai vraiment eu la trouille de ne plus jamais connaître l’euphorie des vrais concerts. Je pensais que la crise sanitaire allait durer plusieurs années et que les gens m’auraient oublié une fois que les artistes auraient été autorisés à repartir sur les routes. Quand mes premières dates ont été reportées, j’ai ressenti le besoin de théâtraliser cette angoisse dans une chanson où je dis au revoir au public. Cette peur n’a pas encore tout à fait disparu aujourd’hui mais avec ce morceau elle a pris une forme qui m’appartient un peu moins.
Le 9/ 3/2022, Forest National, Bruxelles.
Clara Luciani, Cœur, Universal