
Présidentielle française: 10 chansons pour faire barrage à Le Pen

Il fut un temps où faire barrage à l'extrême droite et à la famille Le Pen était un devoir républicain bien ancré. Rappel nécessaire en dix chansons indispensables.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Bérurier Noir « Porcherie » (1989)
C'est le titre anti-Le Pen/FN/RN par excellence. Celui dont le cri de ralliement est repris de génération en génération (même si on l'entend beaucoup moins en 2022...) : « La jeunesse emmerde le Front National ! ». En 1986, le Front National engrange des succès électoraux et entre pour la première fois à l'Assemblée nationale. Les Bérus dédient Porcherie à Le Pen père sur l'album « Concerto pour détraqués ». Trois ans plus tard, lors de leurs trois concerts d'adieu à l'Olympia, le titre prend de l'ampleur, les Bérus rajoutent couplets et punchlines repris par la salle comme un seul homme pour dire merde au FN. Une prestation survoltée qui ne peut laisser indifférent. Tant que le peuple chantera les Bérus, il y aura de l'espoir. « Jeunesse française ! Jeunesse immigrée ! SO-LI-DA-RI-TE ! »
2. NTM « Plus jamais ça » (1995)
En 1995, le Front National de Jean-Marie Le Pen remporte ses premières villes aux municipales : Toulon, Orange et Marignane. Pour le Suprême NTM, il est important de tirer la sonnette d'alarme. Ce sera Plus jamais ça sur l'album « Paris sous les bombes » avec son hook qui en dit long : « Mais on est tous las de ce retour au même schéma ». Le duo se fend d'un texte qui, tristement, prend une nouvelle ampleur aujourd'hui : « National est ce front, international est l'affront/ Voilà pourquoi je fais front, fronçant les sourcils/ Quand le borgne sénile s'amuse à faire un score de 25% dans ma ville / Non, plus jamais ça, stoppons tout ça (...) Vous avez compris, vous avez saisi, ressaisissez-vous / La jeunesse se doit d'être à l'heure, au rendez-vous/ Fixé, en effet, pour pisser sur la flamme tricolore/ Le putain d’étendard du parti des porcs ». On notera au passage la filiation avec le « Porcherie » des Bérus.
3. Zebda « La Bête J M L P » (1995)
A peu près toute la discographie de Zebda est anti-raciste, anti-fasciste, anti-exclusion et cherche à mettre en valeur le vivre ensemble entre différentes communautés. Sur l'album « Le bruit et l'odeur » (référence à un commentaire de Jacques Chirac en visite dans les cités populaires), ce titre est la charge la plus directe adressée au leader du Front National, là encore comparé à une bête (pas forcément à un porc, notez bien). Sans doute pas le titre le plus subtil de Zebda, mais le groupe toulousain réitérera après le traumatisme du 21 avril 2002 avec La Mêlée : « Au départ, t’as Jean-Marie et Bruno pour te sauver, et tu te retrouves avec Adolf à l’arrivée ».
4. Noir Désir « Un Jour en France » (1996)
Toujours au milieu des années 90, les artistes s'inquiètent de la montée de « quelques fascisants autour de 15%, Charlie, défends-moi ». Pour Noir Désir, « c'est le temps des menaces, on n'a pas le choix pile en face/ Et aujourd'hui je jure, que rien ne se passe, toujours un peu plus ». En deux mots : « FN, souffrance ! ». La gueule de bois sera d'autant plus dure en 2002...
5. Saez « Fils de France » (2002)
Le 21 avril 2002, nous y voilà. Jean-Marie Le Pen arrive au second tour de l'élection présidentielle avec 16% des voix (c'est dire le niveau d'adhésion aux autres candidats...). La surprise est telle que la France est prise de panique. Et si Le Pen gagnait ? Comment peut-on laisser faire ça ? Les Français descendent des la rue pour faire barrage, citoyens comme artistes. Damien Saez se fend d'une chanson écrite et enregistrée en quelques heures et mise en ligne gratuitement le lendemain. A l'époque, ce n'est pas anodin. Toutes les manifs qui suivront seront rythmées par « Nous sommes la nation des droits de l’homme… la nation de la tolérance... la nation des lumières... à l'heure de la résistance ». Et aujourd'hui ?
6. IAM « 21/4 » (2003)
Geule de bois post-21 avril, deuxième épisode. IAM était en train d'enregistrer l'album « Revoir un printemps » quand le résultat est tombé. Ce titre en fait partie : « Le masque tombe, eh v'la la masse, là on doit tous combattre/ Ça leur pète à la cabessa comme une sale grenade/ J'refuse d'laisser 1 cm de plus à c't'engrenage », écrit Akhenaton. Avant la sentence de Freeman : « C'est pas un vote contestataire quand on connaît Dachaux ».
Vingt ans plus tard, l'heure ne semble plus au combat. Dans un grand entretien au Monde paru il y a un an, Akhenaton disait : « On combat toujours (l'extrême droite) dans nos idées et notre musique, mais il y a un découragement total. Et aussi une forme de fatalisme. Les peuples ont les gouvernants qu’ils méritent (...) J’ai bien peur de ne pas voter au second tour en 2022. Je ne referai pas ce que j’ai fait en 2017. Selon ce qui se passera, je pourrais être dans l’éventualité de quitter la France, même si ce serait un déchirement ». Les dernières nouvelles qu'il a données sur Twitter était en février, en rapport au port du masque et aux mesures sanitaires jugées étouffantes...
7. Philippe Katerine « 20/04/2005 » (2005)
Le 20 avril 2005, Philippe Katerine a vécu une expérience traumatisante, une journée horrible ! Le chanteur est dans la rue, près de la maison de la radio, et là, y a une fille avec ses grands cheveux blonds, elle se retourne, je la vois et « putain, Marine Le Pen ! Putain, Marine Le Pen ! Non, mais tu le crois ça? » Ca ne s'arrête pas là. Car Marine le poursuit, place de Varsovie, Jardin du Trocadéro, Métro Boissières, il accélère, mais Katerine se rend compte qu'elle le suit vraiment, et c'est vraiment un cauchemar ! « Elle est à deux mètres, je sens qu'elle est à deux mètres de moi ! (...) Ce jour-là, j'me suis dit, il aurait mieux fallu rester chez moi ». « Putain... »
8. Diam's « Marine » (2006)
Au milieu des années 2000, Marine prend doucement la place de son père. Dans son troisième album, Diam's lui adresse une lettre ouverte dont les paroles sont à la fois touchantes et désespérées, et ou l'incompréhension fait place à la colère : « Marine, tu as un prénom si tendre, un vrai prénom d'ange, dis-moi c'qui te prend ?/ Marine, on ne sera jamais amies parce que ma mère est Française, mais que je ne suis pas née ici/ Marine, regarde-nous, on est beaux, on vient des quatre coins du monde, mais pour toi on est trop ! » En fin de compte, il n'y a qu'une chose à faire pour Diam's, reprendre le slogan des Bérus : « Donc j'emmerde (qui?) le Front National ! »
9. Benjamin Biolay « Le vol noir » (2014)
Au lendemain de la victoire du FN aux élections européennes de 2014, Benjamin Biolay sort du bois et se fend d'un titre anti-FN qu'il publie rapidement sur Soundcloud. En référence au Chant des Partisans, il chante « Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine? ». S'il ne s'agit pas de la chanson la plus marquante disant non à l'extrême droite française, c'est néanmoins la dernière à avoir vu le jour... Ce qui en dit long sur l'état de l'opposition à l'extrême-droite en France...
10. Carte de Séjour « Douce France » (1986)
Finalement, le plus beau discours contre l'extrême-droite est peut-être cette version de Douce France de Charles Trenet par Carte de Séjour, le premier groupe de Rachid Taha. Une reprise d'un standard franco-français ô combien populaire chanté avec l'accent arabe. Ca se passe de long discours. Rachid l'Algérien avait été jusqu'à distribuer le texte de la chanson à l’Assemblée nationale, où 35 frontistes venaient d'être élus pour la première fois, histoire de leur expliquer que la France est aussi le pays de son enfance.
Bonus : Serge Gainsbourg fidèle à lui-même...
« Vous avez déjà rencontré Monsieur Le Pen? »...