
Trop de festivals musicaux en Belgique en 2022?

Frôlerait-on l’overdose de festivals musicaux cette année? Les mots sont peut-être un peu forts après les deux années de disette que nous venons de vivre. Surtout dans un petit pays comme le nôtre, où la concentration de ces événements est très élevée et où aller camper quelques jours pour faire la fête devant des concerts fait partie des habitudes de nombreux jeunes et moins jeunes.
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Mais si auparavant, il était possible de passer de festival en festival entre juillet et août, en 2022, on voit que pour le secteur événementiel, la vie normale reprend à pleine vitesse. Le nombre de rendez-vous musicaux a sérieusement augmenté.
En effet, beaucoup d’organisateurs bien connus ont décidé de lancer de nouveaux concepts cette année. Werchter et Tomorrowland s’associent pour Core, fin mai au parc d’Osseghem sous l’Atomium, où aura également lieu l’ATØM, monté par l’équipe des Ardentes, fin août. Werchter (et Live Nation donc), qui en plus du TW Classic, lance donc Werchter Encore, un 4e festival donc, le 26 juin, une semaine avant le principal. Du côté de Hasselt, Pukkelpop aussi propose son spin-off le Hear Hear, le week-end avant.
Une liste déjà bien longue, mais non exhaustive, sans parler de Dour qui étend son camping durant 7 jours ou de Tomorrowland qui se fera cette fois sur trois week-ends.
Trop de concurrence?
Ne devrions-nous pas nous réjouir que l’offre belge, déjà grande habituellement, se voie ainsi enrichie? Oui et non.
Forcément, plus il y a d’occasions de voir des artistes en live, mieux c’est. Mais une telle concentration entre mai et août pourrait créer une concurrence un peu moins saine qu’à l’accoutumée. Les Belges n’ont pas un budget culturel illimité ni autant de temps libre. Soit certains des nouveaux arrivants ne tiendront pas longtemps, soit des acteurs déjà bien ancrés, voire historiques, pourraient baisser en qualité voire disparaitre.
Par exemple, il n’y aura pas de Brussels Summer Festival cette année, et peut-être même plus jamais. En partie avec l’arrivée récente de l’Arena 5 sur le plateau du Heysel.
Et dernièrement, dans une interview accordée à Moustique, Paul-Henri Wauters, directeur du Botanique, exprimait ses inquiétudes sur le sujet. «Le Core a une affiche qui est assez proche de celle des Nuits. Nous entretenons de bons rapports avec Live Nation avec qui on travaille toute l’année. Mais on peut se demander si l’année prochaine ce booker (qui détient 80 % du marché du live) nous proposera encore des artistes internationaux de qualité pour les Nuits alors qu’ils ont leur propre festival à organiser dans la même ville deux semaines plus tard», expliquait-il. «Le marché est libre, mais j’attends tout de même des opérateurs privés et des pouvoirs publics la mise en place d’une forme de régulation saine. Le Botanique, l’Ancienne Belgique, les petites salles de Bruxelles, Couleur Café… C’est aussi le patrimoine culturel bruxellois. Il faut le préserver.»
Peu de risques
Cette situation pourrait être bénéfique si elle comblait des manques dans l’offre festivalière du pays. Certains fans de Rock Werchter regrettent la place qu’ont prise la pop et le rnb sur le line-up. Les organisateurs avaient donc une carte à jouer de ce côté-là, mais finalement Werchter Encore porte très bien son nom: avec Florence + The Machine en tête d’affiche, il propose véritablement un «jour de Werchter» en plus. Par contre, plus de guitares et de rock semble être la stratégie du Pukkelpop avec Hear Hear, qui réunira entre autres Editors, Pixies, Liam Gallagher et Balthazar.
Une partie des vieux habitués des Ardentes, devenu la grand-messe des raps français et américain, préféraient l’époque où le festival alternait pop, rock, rap et rnb en journée avant de nombreux artistes de musique électronique le soir. Peut-être que cela sera l’idée derrière l’ATØM, qui n’a pas encore révélé son affiche. À voir s’ils parviendront à attirer les Liégeois jusqu’à la capitale.
On regrettera aussi le manque de prise de risque des organisateurs, pourtant bien installés. Les affiches de ces nouveaux événements sont plus remplies de groupes confirmés et populaires que de découvertes ou d’artistes émergents. Cela dit, difficile de les blâmer : on comprend l’envie de pérenniser ces festivals nouveau-nés. Mais beaucoup d’entre eux donnent l’impression de proposer un type d’affiche qui existe déjà, mais à un autre moment, plutôt qu’une offre nouvelle ou alternative.