

« Benjamin Coyle-Larner, you’re keeping me alive ». La phrase est écrite en majuscules, sur une feuille A4 que lui tend une jeune femme au premier rang, accompagnée d’un bouquet de fleurs. Elle semble réellement émouvoir Loyle Carner, qui décide de la lire à l’assemblée puis de l’étreindre. Il faut dire que ce terme, « alive », fait particulièrement écho au message que l’artiste tient à faire passer ce 25 janvier à l’Ancienne Belgique.
Le rappeur britannique est passé par une profonde remise en question avec l’écriture de son troisième album, hugo. Comme il l’explique, entre deux morceaux « J’avais tendance à me dire que chaque concert était le même, que c’était du copier-coller de la veille, peu importe où je me trouvais. Je prenais les choses pour acquises. Et puis je me suis réveillé. J’essaie maintenant de profiter de chaque instant, je réalise que parmi toutes les choses que vous auriez pu faire aujourd’hui, vous avez choisi de venir à mon concert. Ce soir, nous sommes vivants, tous ensemble, ici. » La messe est dite.
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Pas d’inquiétude pour autant : le show que nous livre Loyle Carner n’a rien d’un sermon, il ne fait pas de prosélytisme. Même s’il n’a jamais eu peur de montrer sa vulnérabilité, le rappeur a choisi de se dévoiler plus que jamais sur son dernier projet, histoire de se débarrasser de l'image du parfait "mec sympa" du hip-hop made in UK pour explorer sa reconnexion avec son géniteur, son héritage noir, et son nouveau rôle de père. Des thématiques qui ont touché droit au cœur ses auditeurs, toujours plus nombreux : la première de ses deux dates de concert à l’Ancienne Belgique affiche un sold-out rouge foncé. Impossible de se frayer un chemin dans la fosse.
Hate, le morceau qui ouvre l’album, comme cette soirée, capture l’énergie, la liberté et l'engagement de Loyle Carner à présenter une vision plus complète de lui-même. Avec un seul mot d’ordre donc : créer de l’émotion. Pour réussir ce tour de force, il a ramené un orchestre avec lui. Bassiste, batteur, guitariste, claviériste et DJ viennent donner de l’ampleur et du corps aux morceaux que nous déroulent le rappeur. Là où la pudeur pourrait frôler l’embrasement, ils permettent de faire décoller des titres comme Blood On My Nikes ou encore Still, qui de son propre aveu, est le morceau que Loyle préfère dans son répertoire.
Les voix de Sampha, mais surtout de Tom Misch, résonnent en magnéto pour incarner le plus justement possible les magnifiques Desoleil et Angel. C’est assez rare pour le signaler dans le registre du hip-hop live, mais le flow de Benjamin Coyle Larner est d'une limpidité, d'une précision et d'un calme bouleversants. Ni backeur, ni bande sonore ne sont nécessaires pour lui permettre d’assurer sa prestation. Il livre tous les morceaux de hugo, sans exception, avec une vulnérabilité qui semble encore plus prégnante que sur l’enregistrement. D’autant plus quand il évoque son fils, resté à la maison, qui comme il l’indique « lui manque profondément ».
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En parlant de paternité, Loyle décide d’évoquer le lien qui s’est doucement renoué avec son propre père, peu après avoir appris qu’il allait avoir un fils. Il nous raconte l’anecdote de l’espace clos d’un Volkswagen rouge et des leçons de conduite qui lui ont permis de se rapprocher d’un père absent la majorité de sa vie. Une magnifique introduction au puissant HGU, en toute fin de set. Pour finalement laisser place au fracassant Ottolenghi, qui clôt ce premier soir de Loyle Carner. Le morceau déclenche une belle hystérie dans les premiers rangs avant de se dissoudre dans la salle et de laisser place à la lumière des néons, après une ovation tonitruante. Après un peu plus d’une heure et quart de show, il est déjà temps de reprendre le cours de notre vie.