Pierre de Maere : «Je me prends moins au sérieux qu’on pourrait le croire»

Nommé à deux reprises aux Victoires de la musique, le dandy de la pop belge sort son premier album. Une ode au déraisonnable.

Pierre de Maere
© Marcin Kempski

Lors de ses balbutiements artistiques, voici un an, sa page Facebook s’ouvrait par le banner “Make Me Famous”. Pierre de Maere a aligné depuis une quarantaine de concerts inégaux mais toujours flamboyants, dépassé les 30 millions de streams avec Un jour je marierai un ange (faute de syntaxe devenue punchline glamour pop) et imposé son look de dandy postmoderne. Nommé à deux reprises aux Victoires de la musique 2023 (“chanson originale” et “révélation”, verdict ce 10 février), il sort son premier album ce 27 janvier. Une éclatante réussite.

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Pour “Regarde-moi”, le garçon ne change pas ses habitudes. Il a tout bricolé dans sa chambre à Walhain, dans le Brabant wallon, avec son frangin Xavier. Une voix qui monte et qui descend, des attitudes maniérées qui cachent beaucoup de vulnérabilité intérieure, des refrains hybrides, des tubes en puissance (Enfant de, Les animaux, Jour -3) et un vocabulaire simple qui fait ­mouche. “Les pseudo-poètes qui écrivent des mots de trente-cinq syllabes, ça m’emmerde”, dit-il. Déclinant les thèmes de l’enfance, des coups de foudre qui débiuchent sur le vide et de l’affirmation de soi, avec aussi un beau récit fictionnel sur les illusions de la drogue (J’aime ta violence), Pierre de Maere se donne ici les moyens de ses ambitions. “Je ne veux pas que mon projet reste confidentiel”, clame-t-il.

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Comment avez-vous vécu les douze mois séparant Un jour je marierai un ange de ce premier album?
Pierre de Maere -
C’est la plus belle année de ma vie. Je l’ai passée dans un ascenseur émotionnel. C’est l’année des “premières fois”. Premiers concerts, premières télés, premiers fans. Il y a deux jeunes ­femmes belges qui ont assisté à 21 concerts sur les quelque quarante que j’ai donnés. C’est dingue, non? Premiers retours sur mon travail aussi. Des mots très tendres, d’autres qui l’étaient moins…


Voici un an, vous nous évoquiez le traumatisme de n’avoir encore rien vécu. Vous avez rattrapé le retard?
Mes parents ont détesté que je vous dise ça. En fait, j’ai eu une enfance heureuse, mais elle fut très calme. Je ne sortais pas le soir, je bougeais peu, j’ai bu mon premier verre d’alcool à l’âge de dix-sept ans… Ces douze derniers mois, j’ai eu l’impression de rattraper toutes mes années adolescentes. J’ai goûté au plaisir de vivre à du cent à l’heure et je n’ai pas envie de revenir à du 10 à l’heure. C’est trop déprimant.

Le titre du disque, “Regarde-moi”, c’est du narcissisme?
Non, c’est du désespoir. Je me souviens d’une interview de Lady Gaga où elle évoquait ses débuts dans les pianos-bars. Personne ne la regardait. Un jour, elle a commencé à se déshabiller et tout le monde l’a regardée. J’ai vécu un peu la même situation. Je jouais dans un festival à 14 heures devant un public qui n’en avait rien à foutre. Je me suis mis à nu à ma manière pour capter l’attention des gens.

On vous a vu en décembre dans une salle de La Madeleine complète. Derrière l’esthétique léchée, on a pu aussi découvrir le vrai Pierre de Maere...
Beaucoup de personnes me disent ça. Dans mes clips ou sur les photos de presse, je joue sur le côté flamboyant de mon personnage. C’est esthétique, baroque, romantique, peut-être un rien superficiel et je comprends que ça peut irriter. En concert, il y a cet artiste bien habillé, mais j’ajoute aussi des ­blagues et beaucoup d’autodérision entre les chansons. Même quand j’ai le trac ou que je me plante, je garde le sourire et le sens de la vanne. Du coup, ça me rend plus humain. Le public comprend que je me prends moins au sérieux qu’on pourrait le croire.

“Regarde-moi” a été conçu à quatre mains avec votre frère Xavier. Comment fonctionnez-vous?
Sur l’album, il y a ce titre Enfant de où je parle de mes parents. Ils s’adorent alors qu’ils sont complètement différents. Je chante “Je suis l’enfant du toréador et de la sainte Marie”. C’est un hymne sur les contraires qui s’attirent. J’ai la même relation avec mon frangin. Il est calme, je suis extraverti. J’ai tendance à m’enthousiasmer pour le moindre truc, il garde toujours les pieds sur terre. J’adore m’afficher, lui préfère rester loin des médias. J’écris tous les textes et je bricole 80 % des productions. Xavier fait le nettoyage et habille ça avec sa formation d’ingénieur du son. Le binôme parfait.


Vous vous êtes fait des amis dans le show-business?
Très peu. Il y a un truc très pédant dans le monde de la pop. J’ai pu m’en rendre compte lors de la cérémonie des NRJ Music Awards (il a reçu le prix de la Révélation belge de l’année - NDLR).  Chaque artiste reste dans sa loge et s’installe ensuite avec ses potes à une table réservée. On se regarde mais on se parle très peu, sauf quand on a bu plusieurs ­erres. Il y a deux artistes avec qui j’échange: Mika et Arthur de Feu! Chatterton. C’est Arthur qui m’a expliqué comment se jeter dans le public sans se faire mal.

Quel est le message principal de ce premier album?
Il y a des références à mes parents, à l’école, à mon enfance. C’est comme si je voulais repousser mon arrivée dans l’âge adulte. Je suis un Peter Pan qui veut garder son innocence. Je trouve qu’en mu­sique, le discours est devenu très blasé. J’aimerais que mon album incite au déraisonnable, à l’enthousiasme, aux passions amoureuses et à l’envie d’échapper à la réalité. Sinon, à quoi bon?

Le 22/3. Reflektor, Liège.
Le 23/3. Namur Is A Joke, Namur.
Le 18/5. Ancienne Belgique, Bruxelles.
Le 22/7. Les Francofolies, Spa.

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