
Metallica : "On fait ce qu’on veut et surtout on ne fait pas ce qu’on ne veut pas"

Quarante-deux ans après ses débuts, Metallica domine toujours de manière insolente la scène metal internationale. Créé par le chanteur et guitariste californien James Hetfield et le batteur d’origine danoise Lars Ulrich, le groupe semble invincible. Il a tout surmonté et n’a plus rien à prouver. Mais le groupe à la moyenne d’âge de 59 ans a sa fierté. Onzième album (douzième si on inclut “Garage Inc.”, disque de reprises paru en 1998), “72 Seasons” impose un trash metal implacable. Quelque part entre tradition et modernité. Sans ballade et sans compromis. Douze morceaux, 77 minutes à plein régime et une humeur particulièrement sombre.
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Le titre “72 Seasons” renvoie aux dix-huit premières années de notre existence qui façonnent notre personnalité. L’occasion pour le parolier James Hetfield de revenir sur les traumatismes de son enfance et d’exorciser ses démons intérieurs. L’opportunité aussi pour Kirk Hammett, le guitariste d’origine philippino-irlandaise qui a rejoint Metallica en 1983, de multiplier les solos et de sublimer par son enthousiasme intact l’intérêt pour ce groupe mastodonte. Explications.
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Voici quarante ans, presque jour pour jour, vous étiez invité à rejoindre Metallica. Racontez-nous…
Kirk Hammett - C’est en 1982 que je vois pour la première fois Metallica en concert. Avec mon groupe Exodus, nous partageons la même affiche au Old Waldorf, un club de San Francisco. Coincé à l’arrière de la scène, je me dis: “Ils ont une drôle de dégaine mais ces mecs jouent mieux que nous”. James Hetfield et Lars Ulrich me font découvrir la scène rock et le milieu interlope de la nuit. C’est un monde nouveau qui s’ouvre à moi qui vivais dans les quartiers asiatiques de la ville. En avril 83, le groupe m’appelle alors qu’il se trouve à New York pour enregistrer son premier album “Kill’Em All”. Metallica vient de virer son guitariste Dave Mustaine et me propose de passer une audition. Pendant qu’on joue Seek And Destroy, James et Lars n’arrêtent pas de rigoler et je pense que c’est cuit pour moi. Mais non, je décroche le job.
“Kill’Em All”, le premier album de Metallica définit ce qu’est le trash metal. À sa sortie en 1983, il met du temps à trouver son public. Avez-vous pensé que ça pourrait déjà être fini pour vous?
Non, ça ne nous a jamais traversé l’esprit. D’abord parce que nous n’avions pas d’attente particulière. Ensuite, on ne connaissait rien du business. Il n’y avait pas de plan marketing, pas de stratégie ou de promo. On savait qu’il nous fallait un album pour tourner et nous, c’est ce que nous voulions. “Kill’Em All” s’est imposé grâce aux concerts. Quand on nous a proposé de prendre l’avion pour venir chez vous en Europe (Metallica jouera à trois reprises en Belgique en 1984 - NDLR), on s’est dit: “Wouah”. Plus que le succès, c’est un véritable choc mental que j’ai ressenti. J’avais 21 ans, je n’avais jamais quitté San Francisco, j’étais heureux et j’avais faim d’aventures.
À la sortie de “72 Seasons”, beaucoup ont parlé d’un retour aux sources. Vous le voyez comme ça?
Non. Si c’était le cas, j’aurais joué du metal peu inventif comme je le faisais à mes débuts dans Exodus. Pour “72 Seasons”, l’intention était de mettre en commun toutes nos forces et nos inspirations pour faire un grand disque moderne. Et il se trouve que nous avions amassé chacun des tonnes d’idées. D’abord parce que Metallica n’avait plus rien sorti depuis “Hardwired… To Self-Destruct” (2016). Ensuite parce que le Covid nous a bloqués chacun à la maison où nous possédons heureusement tous un home studio. Si l’album dure 77 minutes, c’est parce qu’on estime que tout ce qui s’y trouve en vaut la peine.
Qu’attendez-vous d’une chanson de Metallica aujourd’hui?
Elle doit me bousculer émotionnellement quand je la joue et quand je l’écoute. Elle doit apporter une énergie positive et m’emmener là où je ne suis pas allé auparavant, notamment dans les solos de guitare. Inamorata est un bon exemple. Le morceau est né lors de notre dernière tournée. J’avais collé un riff et nous avons commencé à travailleur autour de ça. C’est devenu un morceau épique. Ce qui est dingue, c’est que lorsque nous avons tous été satisfaits du résultat, personne n’a remarqué qu’Inamorata durait onze minutes. De toute l’histoire de Metallica, c’est ce que nous avons fait de plus long.
“72 Seasons” part du postulat d’une vie façonnée par notre environnement familial les dix-huit premières années. Vous vous retrouvez dans ce concept?
J’ai eu une enfance difficile. Maltraitance, père alcoolique, violences conjugales… Ma guitare ainsi que ma passion pour les films d’horreur me permettaient de m’évader. Quand mon père est parti, on a dû aider notre mère. Très vite, j’ai appris à me débrouiller, faire les courses, préparer à manger. Je n’avais pas le temps de gamberger sur mon futur mais j’ai très vite compris que j’avais le choix et la responsabilité de mes actes. Donc oui, ce passé tumultueux m’a permis de façonner l’adulte que je suis devenu.
Votre longévité et votre succès vous ont-ils donné plus de liberté?
Oui, Metallica domine la scène metal mondiale. Personne ne peut nous dicter sa loi. On fait ce qu’on veut et surtout on ne fait pas ce qu’on ne veut pas. On doit ça aux fans, nous leur sommes redevables. Ils savent aussi que si nous sortons un album à l’âge que nous avons, c’est parce que nous avons le sentiment d’avoir fait du bon boulot.
Les 17 et 19/5, stade de France, Paris.