
Les Yeux Rouges au Théâtre Jean Vilar: dans l'enfer du like

Ça commence souvent par un message presque anodin. Mais si vous répondez, le piège se referme. Un engrenage se met en marche qui finira par faire de la victime une accusée. Parce que l’expéditeur du message n’aime pas qu’on lui dise “non”, qu’on le bloque ou qu’on le supprime de ses “amis”. Et parce que c’est un dangereux manipulateur. Publié en 2018, le deuxième roman de la journaliste Myriam Leroy s’inspire d’une histoire de cyberharcèlement qu’elle a vécue. Dans la fiction, le harceleur s’appelle Denis. Imperceptiblement, il va prendre le contrôle de la vie de sa victime, une journaliste qui officie en radio et en télé. Face aux refus de la jeune femme, le fantasme qu’il entretient à son égard va se muer en haine, pas seulement contre ce qu’elle est, une femme qui porte une parole, mais aussi contre tout ce qu’elle représente: la presse, les intellos, la gauche.
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C’est avec Véronique Dumont que Myriam Leroy a adapté son roman pour la scène. Le fait de donner un visage à la victime et au bourreau rend le propos encore plus effrayant. Dès l’entrée en scène du harceleur, alors que la journaliste lit son récit à la première personne, il lui vole la parole, la prend à sa place, l’empêche de dire les choses elle-même. C’est une des excellentes idées de ce spectacle qui va jusqu’à convoquer la grammaire du cinéma d’horreur. Isabelle Defossé est parfaite dans le rôle de la journaliste, dont l’inquiétude va se transformer en rage destructrice. Quant à Vincent Lécuyer, qui sous certains éclairages et aux moments les plus forts de son discours haineux pourrait presque ressembler physiquement à un Robert Ménard ou un Éric Zemmour, il donne à la perversion et à la frustration de son personnage des accents tantôt mielleux, tantôt habités par la folie qui ne donnent pas envie de croiser ce genre d’individu au coin d’un bois.
Du 1er au 16/2. Théâtre Jean Vilar, Louvain-la-Neuve. www.atjv.be