
Namur Is A Joke met l'humour belge à l'honneur: «Il était temps»

“J’ai tellement entendu dire que Namur était une blague. C’est calme, c’est mort, il ne s’y passe jamais rien! Moi qui suis fier de ma ville, qui vois la dynamique en train de se créer, je me suis dit que Namur Is A Joke serait le titre du festival.” Voilà comment GuiHome a eu l’idée du nom de ce festival namurois consacré à l’humour, qui a germé pendant le confinement. En quatre jours, du 24 au 27 mars, Namur Is A Joke va proposer trente-cinq artistes dans sept lieux. Même si la capitale wallonne fixe quelques rendez-vous culturels importants tout au long de l’année, elle n’a jamais revendiqué une place sur la carte de l’humour, comme l’ont fait Bruxelles, Charleroi ou Liège. “Quand on a commencé à contacter les humoristes pour le festival, explique GuiHome, ils nous ont tous dit qu’il était temps! Même les Français…”
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Une scène qui explose
Si des humoristes font le déplacement depuis la France (Olivier de Benoist, Baptiste Lecaplain, Florent Peyre, Monsieur Fraize, Laura Felpin, Antonia de Rendinger), la majorité des artistes programmés sont belges. Dans des genres très divers, on y retrouve entre autres Guillermo Guiz, Dena, Fanny Ruwet, Manon Lepomme, Roda Fawaz, PE, Kody, Inno JP, Nicolas Lacroix et Karen De Paduwa. “Certains ont un humour plus pointu, d’autres plus populaire, explique GuiHome. On voulait que les humoristes belges soient bien représentés. Je suis le premier à me réjouir de tout ce qui se passe en Belgique. Ceux qui ont traversé avec succès la frontière française ont assis le statut d’humoriste belge. Et je pense que ce n’est que le début.”
Depuis quelques années, le constat est sans appel: le nombre d’humoristes en Belgique francophone est en constante augmentation. Au point qu’en plus des lieux spécialisés dans les spectacles d’humour, il n’est plus rare que des théâtres les invitent à se produire sur leurs planches, comme le Public qui a récemment programmé Virginie Hocq ou le Théâtre de la Toison d’Or qui, depuis plusieurs saisons, invite des humoristes à se produire dans une de ses deux salles, parfois pour de longues séries. “Mon business, confie Nathalie Uffner, directrice artistique du TTO, c’est le théâtre. Sur les humoristes, je suis donc très sélective. J’aime surtout ceux qui apportent du contenu. Cette scène a beaucoup évolué et quand il y en a un qui se détache, c’est sur une histoire particulière, comme Inno JP ou Guillermo Guiz. C’est leur histoire qu’ils racontent. J’aime aussi beaucoup Dena, elle a une histoire hallucinante. Elle m’a émue. Et quand on me fait rire et qu’on m’émeut en même temps, ça m’intéresse.”
Le stand-up est l’endroit qui permet assez facilement à de nouveaux venus de tenter leur chance. Il suffit d’une scène et d’un micro pour se tester devant un public, dans des formes courtes d’abord, en général 10 minutes en première partie d’une tête d’affiche, ensuite au cours de soirées où se succèdent plusieurs talents (les “plateaux”). Si le vent est favorable, on peut alors se lancer dans une heure de spectacle. Pour que cela tourne, il faut évidemment des lieux pour accueillir tout ce beau monde et c’est parfois là que le bât blesse encore dans notre pays. Si le nombre d’artistes dans ce domaine augmente, le nombre d’espaces dédiés à l’humour n’est pas extensible à l’infini. À côté des lieux historiques - le Comédie en Île à Liège où Éric Marquis programme un mix de seul(e)s en scène et de stand-up, le Fou Rire ou le King’s Of Comedy Club à Bruxelles dont Alex Vizorek et Guillermo Guiz ont racheté des parts en 2018, le reste du marché se répartit entre de petits lieux. “Quand il faut roder un spectacle, ce qui est le cas de beaucoup de gens, comment on fait?, explique Fanny Ruwet. Il n’existe pas de créneaux à l’infini. D’un autre côté, il y a de plus en plus de salles et des plateformes comme What The Fun qui organise jusqu’à 20 dates par mois, ce qui est énorme.”
Créée en 2015 par Raphaël Schröder et Rudy Lejeune, What The Fun est un collectif ouvert à tous les humoristes, qui organise des scènes dans des bars, des cabarets ou des petits théâtres, comme le Jardin Passion, l’Entrepote, l’Os à Moelle ou le Cabaret Mademoiselle. Est-ce suffisant pour se faire un nom ou faut-il, comme Guillermo Guiz, Fanny Ruwet ou Florence Mendez, passer par la case France et par des chroniques sur les chaînes radio et télé? “Une présence médiatique sur des supports qui sont écoutés par des gens qui ont un pouvoir d’achat qui leur permet d’acheter une place de spectacle, ça aide, constate Guillermo Guiz. Mais je ne suis pas sûr que ce soit un passage obligé. J’ai l’impression que le gâteau grandit avec le nombre de convives. En gros, si on devait tous se répartir le même gâteau, ce serait compliqué. Mais le public augmente avec les vues sur Internet et j’ai l’impression que ce n’est pas si compliqué de se faire remarquer et de vivre de son travail. En Belgique, l’équipe de What The Fun organise beaucoup de plateaux à Bruxelles. Du coup, ça permet aux jeunes artistes de prendre de la bouteille et ça éduque le public aux codes du stand-up. Et ça, c’est formidable.”
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Guillermo Guiz. © BelgaImage
Reconnaissance et statut
Si le ministère de la Culture subventionne les arts de la scène, le secteur de l’humour a toujours été oublié. Des théâtres et des compagnies reçoivent des subsides mais lorsqu’on est humoriste, on tombe dans un vide institutionnel. Cette anomalie a été mise en évidence par la crise sanitaire durant laquelle des aides ont été allouées aux acteurs des arts de la scène, excepté les humoristes. Une situation qui a poussé Vincent Taloche à monter la Fédération belge des professionnels de l’humour qui vient d’être reconnue par la Fédération Wallonie-Bruxelles. “La Fédération a été créée parce que nous n’existions nulle part, explique Vincent Taloche. Un ministre nous a dit qu’ils ne savaient pas quoi faire de nous. Ce qui m’a scié par rapport au monde politique, c’est qu’ils ne connaissent pas les réalités du métier. On n’était pas dans les arts de la scène mais dans l’événementiel!”
Après le secteur du conte, les arts forains et circassiens, les professionnels de l’humour souhaitent faire partie du décret des arts de la scène et être reconnus. “Au Québec depuis une quinzaine d’années, poursuit Taloche, les plus grandes ventes de billets sont réalisées pour des spectacles d’humour. L’air de rien, ce phénomène arrive ici… L’humour devient un des principaux accès à la culture. Quand j’organise des spectacles, je me rends compte qu’il y a beaucoup de gens et pas que des gamins. Peut-être que grâce à ça, ces gens vont aller voir du théâtre, de l’opéra ou de la danse. À mes débuts, il y avait les Taloche, Pirette, Marc Herman et Stéphane Steeman! Aujourd’hui on est la seule forme artistique à avoir multiplié par dix ses propositions.”
Namur Is A Joke. Du 24 au 27/3, Namur. www.namurisajoke.be