Bruce Springsteen à TW Classic 2023: générosité phénoménale et charisme intact

Bruce Springsteen a offert ce dimanche à Werchter un concert que personne n’oubliera. Tout simplement magique.

Bruce Springsteen à TW Classic 2023: générosité phénoménale et charisme intact
Bruce Springsteen à TW Classic 2023. Crédit: Mathieu Golinvaux.

La tournée 2023 de Bruce Springsteen and E Street Band, la première depuis 2017, comptera au total 90 dates. Du premier concert, le 1er février dernier à Tampa (Floride), au dernier, programmé le 12 décembre à San Francisco, en passant par le TW Classic de ce dimanche 18 juin, tous les shows sont sold-out. L’étape belge a été complète en 45 minutes (60.000 tickets vendus) un an à l’avance. Le Boss joue chaque soir en moyenne 28 chansons (27 ce dimanche). A chaque fois, le set frôle les trois heures. Et s’il y a un tronc commun d’une quinzaine de titres, la setlist propose régulièrement du neuf et du surprenant. En fait, depuis Tampa, il a déjà interprété avec son groupe pléthorique pas moins de 59 morceaux différents. Hormis Neil Young, Pearl Jam ou The Cure, peu d’artistes sont comme lui.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Toutes ces infos, ça fait joli dans un article. Mais pourtant, comme le souligne son fidèle lieutenant, le guitariste Little Steven " Soprano" Van Zandt, un concert de Springsteen et du E Street Band ne peut se limiter à des statistiques, aussi impressionnantes soient-elles. "Peu importe qu’on joue 28 ou 30 morceaux, que la durée du spectacle est un peu plus courte que ce qu’on faisait voici dix, vingt ou trente ans. Un bon show se mesure aux émotions partagées et je pense que tout le monde est ravi."

Notre note globale du concert de Bruce Springsteen ★★★★

"On ne se rend pas"

On ne peut lui donner tort. Des émotions, il y en a eu beaucoup ce dimanche 18 juin dans la plaine du Brabant flamand. Intenses et contrastées. Il y a du rire, des larmes. Des chansons pour oublier, d’autres pour se souvenir. Des trucs qui vous donnent envie de communier, d’autres qui nous ramènent à nous-même et à nos doutes. Tout ça, on le rappelle, sans décor, sans effets spéciaux, sans danseuses, sans explosion… C’est le cœur qui parle ici. Et la musique. Le rock and roll dans ce qu’il a de plus brut et de plus jouissif.

Bruce Springsteen à TW Classic 2023. Crédit: Mathieu Golinvaux.

Bruce Springsteen donne le ton dès les premières notes. Cuivres, guitares, section rythmique… le show débute sous la pluie (qu'on oubliera vite) par No Surrender. "On a fait une promesse qu’on a juré de toujours se rappeler", chante le boss sur ce titre extrait de "Born In The USA". "On ne recule pas Baby. On ne se rend pas." A ce moment-là, ils sont quatorze sur scène. Des grattes, une basse, du piano, de l’orgue, de la batterie, des cuivres, des chœurs. Un truc de fou. Au milieu de sa troupe, tout de noir vêtu, le cheveu désormais gris, Bruce reste cet éternel gamin du New Jersey attaché à ses valeurs. Il chante ce soir la liberté, la route comme quête initiatique (Thunder Road), le rêve américain, la terre promise (The Promised Land, My Hometown), le rock, l’amitié, l’esprit de gang dans tout ce qu’il a de plus noble.

Son Amérique à lui

Certes avec son statut, Springsteen ne doit plus convaincre son public. Il a sorti deux albums depuis son dernier passage chez nous en 2016. Il a le mérite d’en jouer plusieurs d’extraits. L’excellent Nightshift des Commodores qu’il a repris sur "Only The Strong Survive" ; Ghosts, Last Man Standing (avec la trompette de Barry Danielian) et I’ll See You In My Eyes (clôture du show en acoustique alors que de nombreux festivaliers quittaient déjà le site), tirés de "Letter To You". Pour le reste, il peut se laisser porter par son back-catalogue et compter sur des musiciens qui prennent vraiment du plaisir à le suivre dans cette évocation.

Bruce Springsteen à TW Classic 2023. Crédit: Mathieu Golinvaux.

Because The Night

L’album de la consécration "Born To Run" (1975) et "Born In The USA" (1984), qui reste son plus gros succès commercial, sont les plus visités. Respectivement à cinq et à six reprises. Il y a eu ainsi cette version métronomique de Born In The USA en premier rappel, le mélancolique My Hometown, l’euphorique Dancing In The Dark et bien sûr Born To Run, ode à la liberté adressée à tous les vagabonds "nés pour courir" et cri de ralliement pour les héros déchus. Les fans belges sont des vernis. Ecarté sur les quarante premiers shows de la tournée, The River, sans doute sa plus grande chanson, est revenue dans le répertoire à Birmingham voici quelques nuits. Il l’a jouée à Werchter. Harmonica, guitare acoustique, les yeux fermés, le grand frisson. Magique et inoubliable, tout comme cette version électrique (avec quatre guitares et solo de feu de Nils Lofgren) du Because The Night offert jadis par Bruce à Patti Smith.

Glory Days

Durant la première heure du show, le Boss ne parle pratiquement pas entre les morceaux. Il enchaîne tout, façon revue Rhythm and blues. Il va dans les premiers rangs, serre des mains, marche (c’est vrai, il court moins qu’avant) de gauche à droite de la scène, joue l’entertainer et le chef d’orchestre. La dernière partie du set se focalise, pour sa part, sur les grands incontournables, servis à la sauce "rock à guitares". Badlands, Thunder Road, Born In The U.S.A., Born To Run, Glory Days, un Dancing In The Dark de circonstance et Thenth Avenue Freeze Out sur lequel il rend hommage à deux membres disparus du E Street Band: l’organiste et accordéoniste Danny Federici et le saxophoniste Clarence Clemons (remplacé par son neveu Jake Clemons qui prend beaucoup de place sur scène).

Le dernier homme debout

C’est en milieu de set que Bruce se montre le plus bavard. Moment d’une rare émotion, jamais vécu pour nous dans la plaine de Werchter (et on y a vu des dizaines de concerts), c’est dans un silence religieux que le Boss va interpréter en acoustique le poignant The Last Man Standing. En introduction, il sort alors un monologue dont il a le secret. Bruce nous rappelle comment tout a commencé pour lui, au milieu des années soixante. Sa première guitare, sa première audition, son premier groupe The Castiles, ses premières paies, ses premières cuites. A la mort de son meilleur pote George Theiss, en 2018, Bruce est devenu "The Last Man Standing". "Le dernier homme debout". Le dernier membre vivant de ce groupe de rock and roll de son adolescence. Bruce nous confie que cette disparition a remis en question toute son approche de la mortalité et donc toute son approche de la vie. Il nous dit de l’apprécier cette vie, de l’accomplir au moment présent, d’en profiter. On ne sait pas si c’était la pluie ou les larmes, sans doute un peu des deux, mais on vu beaucoup de paire d’yeux briller dans la nuit quand il a interprété cette ballade. Yes, Bruce est le dernier homme debout. Le dernier représentant d’un rock épique qui fait bousculer tous les sens.

Bruce Springsteen à TW Classic 2023. Crédit: Mathieu Golinvaux.

agenda des festivals

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité