
Grace Jones au Live /s Live: glamour, tubes et service minimum

Dix-sept mille cinq cents spectateurs ce samedi 24 juin pour suivre les prestations du groupe américain The War On Drugs et des Belges Balthazar. 12.500 ce dimanche 25 juin pour saluer Suede, dEUS et l’icône Grace Jones. Cette deuxième édition du festival Live /s Live, organisée pour la première fois sur le site bucolique du parc Middenvijver sur le Linkeroever à Anvers, a pleinement répondu aux attentes. Un endroit idyllique, un festival à taille humaine, deux scènes, des artistes de qualité et un public qui a tout le loisir de chiller entre deux concerts... On en redemande et on espère que pour sa prochaine édition, d’ores et déjà programmée le week-end du 29 juin 2024 (sans doute sur le même site), le Live /s Live ne jouera pas dans la surenchère. Car côté ambiance et musique, c’était l’équilibre parfait.
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Covers et basse reggae

Grace Jones. (Photo by PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP)
Ce dimanche, la tête d’affiche se nommait Grace Jones. Comme elle, on se fout des convenances. Nous savons que ce n’est pas élégant de donner l’âge d’une femme. Mais bon, ici, c’est impressionnant. L’icône est née à Spanish Town, Jamaïque, voici septante-cinq ans. Et elle offre un show plus énergique, plus extravagant et plus surprenant que de nombreuses jeunes artistes féminines dans la vingtaine. Mélangeant pop, grosses basses, reggae et covers de bon goût, ses plus gros tubes datent des années 80. De Massive Attack à Rihanna, ils ont influencé une pléthore d’artistes. "Hurricane", son dernier -et excellent- album date de 2008 et c’est donc avec un best of que la diva se pointe en Europe cet été.
Masque vaudou

Grace Jones (Photo by PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP)
Grace Jones est connue pour ses caprices. A l’Ancienne Belgique, en mars 2009, elle était arrivée plus d’une heure à la bourre. Madame avait en effet décidé en last minute d’aller faire trempette dans une piscine bruxelloise. Ce dimanche, "Amazing" Grace n’a eu que vingt-cinq minutes de retard. Masque vaudou de la mort, scène plongée dans la pénombre ("I don’t see fucking shit" dira-elle en manquant de se casser la gueule), groupe pléthorique avec section rythmique aux sonorités bien dub/roots, choristes féminines lookée comme des Black Panthers, elle fait une apparition de star. Les versions proposées sont fidèles aux originales. Gonflées de basses qui claquent, de lignes de claviers moites et de pulsions torrides.
"Fucking bitch"
Grace Jones a gardé sa prestance et la voix. Nightclubbing (d’Iggy Pop), Private Life (des Pretenders), My Jamaican Guy, son hymne à la sodomie Pull Up To The Bomber ("Tires-là vers le haut dans mon pare-chocs… »), Love Is The Drug (de Roxy Music)… Tous ses hits y passent. Ne voulant pas perdre de temps entre les chansons, Grace se fait dévêtir et habiller par deux assistantes sur scène. Elle lâche du fuck, insulte une spectatrice ("Ferme ta gueule fuckin’ bitch") qui lui manque de respect lorsqu’elle reprend Amazing Grace, cantique chargé de symboles politiques pour tous les afro-américains, mime l’acte sexuel de manière pathétique, soulève sa robe pour caresser son entre-jambes. On a peine le temps de se mettre dans le rythme, de faire la part des choses entre le bon vin (sa voix, ses musiciens, son humour) de l’ivraie (elle trébuche, oublie ses enchaînements, perd ses repères…) que le concert se termine. Une heure, dix chansons, un super titre qu’on n’espérait pas (Williams Blood tiré de "Hurricane" et chanté dans "une robe pour aller à l’église"), des bons moments, d’autres plus confus où on se sentait presque gêné pour elle et la messe était dite.
Notre note finale du concert de Grace Jones ★★☆☆
dEUS incendiaire

dEUS Live /s Live Credit TomClabots
Froc orange pour Tom Barman, chemise à carreaux jaunes et blancs pour Mauro Pawlowski, coucher de soleil féérique comme jeu de lumières naturel… dEUS affichait de belles couleurs pour se produire « à la maison » ce dimanche, seule date estivale en Flandre cet été (on les verra aussi à Dour). Construit en crescendo, mettant en avant, et à raison, leur dernière perle "How To Replace It", leur set a fini en apothéose avec des versions cataclysmiques de Fell Out The Floor Man, Sun Ra, Hotellounge, Bad Timing et Suds & Soda. Un truc époustouflant. Un truc de dingue par un groupe qui n’a jamais affiché une telle cohésion sur scène et semble apprécier chaque seconde de ses intenses célébrations avec son public.
Suede, le hold-up parfait
Pour être honnête, nous n’attendions rien de particulier du concert de Suede. Et on s’est pris une claque. Que les tubes (Trash, The Drowners, Animal Nitrate, She’s In Fashion en version acoustique, Beautiful Ones en apothéose), pas un temps mort, un Brett Anderson souriant, communicatif, généreux et charismatique. Le hold-up de la journée et l’envie de se replonger illico dans leur discographie.

Suede-Liveislive2023-creditsTomClabots